25 Octobre 2024
Lorsque j’ai découvert la série English Teacher, je ne m’attendais pas à tomber sur une petite pépite aussi originale et pertinente. Créée et portée par l’acteur et humoriste Brian Jordan Alvarez, cette comédie situe son action dans un lycée des banlieues d’Austin, Texas, avec une approche à la fois drôle, réaliste et pleine de sens. Avec seulement huit épisodes pour sa première saison, English Teacher parvient à capturer une certaine vérité sur la vie des enseignants tout en étant un pur divertissement. Bien que la série ait encore des marges de progression, elle se démarque dès le début par son audace et son ton décalé. Au cœur de la série se trouve Evan Marquez, joué par Brian Jordan Alvarez lui-même, un jeune professeur d’anglais qui s’efforce de faire une différence dans la vie de ses élèves. Dès les premières minutes, nous sommes plongés dans son quotidien, rythmé par la célèbre chanson « Maniac » du film Flashdance.
Cette ouverture hilarante nous montre Evan dans toute sa maladresse, dansant dans son appartement comme s’il maîtrisait le monde, avant de rejoindre son lycée où, en réalité, il ne maîtrise rien du tout. C’est ici que la magie de English Teacher opère : elle montre un personnage bien intentionné, mais souvent dépassé, aussi bien par ses élèves que par ses collègues. Evan est un personnage attachant, non pas parce qu’il est parfait, mais justement parce qu’il est humain, avec toutes ses failles. En tant que professeur gay cisgenre, il se retrouve régulièrement pris dans des débats modernes et délicats, comme celui d'expliquer le concept de non-binarité à des élèves qui, ironiquement, en savent autant, sinon plus que lui. Cela donne lieu à des situations absurdes où les élèves le piègent en filmant ses réponses pour alimenter leurs comptes TikTok, tout en mettant en lumière un fossé générationnel de plus en plus palpable entre les « Millennials » et la génération Z.
Ce que j’ai particulièrement apprécié dans cette série, c’est la façon dont elle traite des réalités du monde éducatif d’aujourd'hui, sans tomber dans la caricature ou la prédication moralisatrice. À travers Evan et ses interactions avec ses élèves et collègues, English Teacher aborde des sujets complexes et actuels, notamment la politisation de l'éducation, la montée du cynisme chez les jeunes et la pression sociétale sur les enseignants. Dans un épisode, par exemple, Evan se retrouve en désaccord avec Markie, le professeur de sport libertaire du lycée, sur l’existence d’un club de tir dans l’établissement. Tandis qu’Evan est horrifié par l'idée, notamment à cause de la multiplication des fusillades scolaires, Markie, plus pragmatique, lui rappelle que cet atelier est en réalité un programme de sécurité des armes, et que, étant au Texas, beaucoup d’élèves y auront accès qu’on le veuille ou non. Ce débat est à la fois tendu et comique, illustrant à merveille le ton de la série : aborder des sujets brûlants avec légèreté, mais sans jamais les banaliser.
Certains pourraient craindre que English Teacher tombe dans la facilité en caricaturant les jeunes générations ou en transformant Evan en victime de la « cancel culture ». Mais ce n’est pas du tout le cas. En réalité, la série fait preuve d’un équilibre rare. Au lieu de se moquer du wokisme, elle met en scène un enseignant qui, bien qu’animé des meilleures intentions, est souvent dépassé par les événements, ce qui le rend d’autant plus humain. Les élèves, eux, ne sont pas non plus des caricatures ; ils sont présentés comme des jeunes en quête d’identité, parfois cyniques, parfois passionnés, mais toujours crédibles. Dans un autre épisode mémorable, Evan est chargé d’encadrer un match de football « Powderpuff », une tradition où les garçons de l’équipe de football se déguisent en pom-pom girls. Après une plainte du groupe LGBTQ+ de l’école sur le sexisme de la performance, Evan recrute un ami drag queen (interprété par Trixie Mattel, une star de RuPaul's Drag Race) pour enseigner aux garçons comment faire du drag de manière respectueuse.
Cette séquence, tout en étant hilarante, aborde des thématiques actuelles comme la performance de genre et le respect des différences. Mais, comme toujours avec English Teacher, tout est fait dans l’humour, sans donner de leçons moralisatrices. Le cadre de la série, un lycée de banlieue conservatrice à la périphérie d’une ville libérale comme Austin, est également un choix intelligent. Cela permet à la série d'explorer une multitude de dynamiques et de tensions sociales, politiques et culturelles. Les enseignants comme Evan doivent naviguer dans un environnement où des parents conservateurs influents peuvent à tout moment déposer plainte, et où des adolescents désabusés sont en compétition dans une sorte de « Jeux Olympiques de l'oppression ». Cette satire subtile permet à la série de se démarquer des comédies scolaires plus traditionnelles. La comparaison avec Abbott Elementary est inévitable, mais English Teacher adopte un ton plus incisif et explore des conflits plus épineux. Là où Abbott Elementary montre une communauté éducative qui, malgré ses différences, se soude autour de l'intérêt des élèves, English Teacher préfère mettre en lumière les tensions, les incompréhensions et les désillusions.
Et cela ne rend la série que plus captivante. Bien que la série soit globalement réussie, elle n’est pas exempte de défauts. Certains personnages secondaires, comme Gwen, la meilleure amie d’Evan, ou Rick, le conseiller d’orientation, manquent de profondeur. Gwen, par exemple, est sympathique, mais après huit épisodes, on en sait peu sur elle, hormis le fait que son mari a perdu son emploi. Quant à Rick, il est dépeint comme un « douche-bro » stéréotypé, obsédé par les protéines et les conseils boursiers douteux, sans pour autant bénéficier d’un développement de personnage digne de ce nom. Ces lacunes n’entachent cependant pas l'ensemble de la série, car elles peuvent être facilement corrigées dans une potentielle saison 2. Ce qui fait la force de English Teacher, c’est sa capacité à faire rire tout en traitant des problématiques contemporaines avec subtilité. Il est clair que la série a besoin de temps pour mûrir, comme c’est souvent le cas avec les sitcoms. Mais le potentiel est là, et avec un peu de raffinement, elle pourrait devenir un classique du genre.
En fin de compte, English Teacher est une série qui m’a agréablement surpris par sa capacité à équilibrer humour et réflexions sociales. Les enseignants, surtout dans le contexte actuel post-pandémie, font face à des défis colossaux, et la série réussit à montrer à quel point ce métier peut être à la fois gratifiant et ingrat. Les élèves d’aujourd'hui ne sont plus ceux d’hier, et les méthodes d’enseignement doivent s’adapter à un monde en constante évolution. Cette première saison d’English Teacher m’a conquis par son ton unique et ses personnages attachants. Si elle parvient à étoffer un peu plus certains aspects de son intrigue et à développer davantage ses personnages secondaires, je n’ai aucun doute qu’elle deviendra un incontournable du paysage télévisuel. En attendant, elle reste une série à regarder absolument, ne serait-ce que pour le plaisir de voir un professeur essayer désespérément de naviguer entre le personnel, le professionnel et le politique avec une maladresse touchante et une bonne dose d’humour.
Note : 7.5/10. En bref, une comédie drôle, subtile et réaliste.
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