9 Octobre 2024
La première saison de The Fortress, série norvégienne diffusée sur Canal+, propose une intrigue captivante sur le papier : un pays coupé du monde, enfermé derrière des murs pour se protéger des dangers extérieurs, entre pandémie et crise migratoire. Le tout est orchestré dans un futur proche où la Norvège choisit de se refermer, littéralement, sous la gouvernance d’un premier ministre populiste. En sept épisodes, la série tente de dresser un portrait saisissant d’une société qui a choisi la voie de l'isolement. Mais si le potentiel est indéniable, le résultat final laisse un goût amer. Le genre dystopique a toujours fasciné, notamment pour sa capacité à poser des questions sur notre avenir et les risques qui pèsent sur nos sociétés. The Fortress ne fait pas exception. L’idée de base est alléchante : la Norvège, confrontée aux vagues migratoires et aux crises sanitaires, se retire du monde et érige une frontière infranchissable.
Ce scénario, qui nous pousse à réfléchir sur les tendances isolationnistes actuelles, entre échos du Brexit et montée des politiques populistes, semble taillé pour offrir une réflexion percutante. Cependant, dès le premier épisode, on comprend que la série peine à s'éloigner des clichés du genre. Le choix de mettre en scène une Norvège isolée rappelle des récits dystopiques déjà explorés, sans pour autant proposer quelque chose de véritablement neuf. Bien que l’idée d’une nation se retirant du reste du monde soit pertinente, la manière dont The Fortress aborde ce thème manque de profondeur. On aurait aimé une remise en question plus audacieuse de la géopolitique mondiale, des explorations plus fines sur les conséquences de l’autarcie à long terme. Mais la série s'enlise rapidement dans une dénonciation attendue, trop didactique et manquant d'originalité. La série entend dénoncer les tendances isolationnistes de notre époque. Elle s’inspire de notre réalité politique – que ce soit avec les répercussions du Brexit ou les réflexions post-pandémiques sur la fermeture des frontières – pour construire son univers fictif.
L’intention est louable, mais l’exécution reste en surface. Le discours sur l'isolationnisme norvégien manque d'une vraie subtilité, et la série ne parvient pas à se démarquer sur ce terrain. Si la critique est présente, elle semble souvent trop appuyée, presque caricaturale, ce qui empêche le spectateur de se plonger pleinement dans l’univers. Ce qui manque à The Fortress, c’est une capacité à réellement surprendre. Le postulat de départ était prometteur : une Norvège devenue un Eldorado, une sorte d'Arche de Noé pour les Scandinaves, tandis que le reste du monde sombre dans le chaos. Cependant, cette utopie de l'isolement est trop simplifiée pour convaincre pleinement. La série, malgré ses ambitions, ne parvient pas à explorer en profondeur les conséquences humaines, sociales et économiques d'une telle fermeture. Il y a une vraie opportunité manquée ici, car le sujet aurait mérité une exploration plus vaste, plus nuancée, plutôt qu’un simple traitement manichéen du "nous contre eux".
Sur le plan visuel, The Fortress impressionne. La série bénéficie de décors soignés et d’une ambiance immersive. Le mur qui ceinture la Norvège est un symbole frappant, presque oppressant, de cette société refermée sur elle-même. L’atmosphère glaciale et tendue de la Norvège dystopique est bien rendue, contribuant à maintenir un certain suspense tout au long des épisodes. De ce côté, la série remplit son contrat : elle parvient à nous captiver par sa mise en scène et sa direction artistique. Cependant, cet effort visuel est affaibli par des personnages qui peinent à susciter l’intérêt. Le manque de développement des protagonistes est un véritable frein à l’immersion dans l’intrigue. Le spectateur a du mal à s’attacher aux personnages, dont les motivations restent floues, voire incohérentes par moments. L’absence de charisme des héros et l’antipathie qui émane de certains d’entre eux rendent difficile de véritablement s'investir dans leur sort.
Même un acteur comme Russell Tovey, dont la performance était attendue, est sous-exploité, son personnage de migrant britannique restant trop stéréotypé pour véritablement marquer les esprits. Le récit choral que propose The Fortress est aussi une de ses faiblesses. Si l’idée de suivre plusieurs points de vue dans cette Norvège coupée du monde pouvait enrichir l’intrigue, elle finit par diluer la tension narrative. Les sous-intrigues se multiplient sans apporter de réelle profondeur au récit principal. Pire encore, certaines de ces intrigues secondaires sont confuses, voire incohérentes, et ne semblent pas toujours servir la thématique globale de la série. Un des aspects les plus frustrants de The Fortress est sa propension à s’égarer dans des directions inattendues, mais peu pertinentes. Après quelques épisodes centrés sur l’isolationnisme, la série bifurque vers une intrigue de pandémie plus convenue. Ce changement de ton déstabilise, car il paraît en décalage avec le cœur du récit.
Ce qui commençait comme une réflexion ambitieuse sur les conséquences politiques et sociales de la fermeture des frontières devient alors un drame plus classique, aux accents presque paranoïaques. En choisissant de se recentrer sur la pandémie, la série dilue son message initial. L’isolement de la Norvège, qui aurait pu servir de prisme pour aborder des questions géopolitiques complexes, passe au second plan. L'intrigue se concentre sur la gestion de la crise sanitaire, ce qui, bien que pertinent dans le contexte actuel, ne parvient pas à captiver comme l'aurait fait une exploration plus approfondie des tensions politiques liées à l'isolationnisme. En somme, The Fortress perd de vue ce qui faisait sa force pour se perdre dans une intrigue secondaire qui n’apporte que peu à l’ensemble. The Fortress avait tous les ingrédients pour être une série marquante : un concept dystopique intrigant, un contexte géopolitique pertinent, et un décor visuel impressionnant.
Pourtant, la série n’arrive jamais vraiment à exploiter tout son potentiel. Si l’ambiance tendue et certains rebondissements retiennent l’attention, le manque de développement des personnages et l’incohérence de certaines sous-intrigues finissent par affaiblir l’ensemble. En fin de compte, The Fortress est une série qui, malgré un début prometteur, échoue à offrir une réflexion profonde et engagée sur l’isolationnisme et ses conséquences. Le commentaire politique, bien que présent, est trop convenu, trop timide. Et alors que le genre dystopique permet généralement de secouer les consciences, The Fortress préfère suivre un chemin déjà tracé, sans vraiment surprendre. Un divertissement qui, s’il reste agréable à suivre, ne parvient pas à se hisser au rang des grandes œuvres dystopiques.
Note : 4.5/10. En bref, si les deux premiers épisodes étaient excitants, la suite tombe dans une histoire de pandémie ultra convenue qui peine à convaincre.
Disponible sur myCanal
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