14 Janvier 2025
Adapter une œuvre de Camilla Läckberg, c'est se confronter à un défi de taille. Les romans de cette grande figure du polar scandinave allient suspense, complexité psychologique et un attachement particulier au décor et à l’atmosphère. La série Erica, qui tente d’insuffler ce même esprit dans un cadre français, continue de naviguer entre intentions louables et résultats mitigés. Les épisodes 3 et 4 montrent une légère progression dans la construction narrative par rapport au double épisode inaugural, mais restent loin d’exploiter tout le potentiel des romans. Le scénario des épisodes 3 et 4 met en scène une enquête prometteuse : la découverte d'un corps mutilé dans une forêt voisine de Port-Clément.
Ce point de départ, à la fois sombre et intrigant, évoque des éléments clés du style de Läckberg : un crime contemporain lié à un passé trouble, des secrets familiaux et une communauté villageoise mystérieuse. Le tout aurait pu offrir une plongée captivante dans les méandres d’un petit village où chaque recoin semble dissimuler des ombres. Malheureusement, même si cette intrigue est mieux structurée que celle des deux premiers épisodes, elle reste bien trop superficielle. L’idée de relier le crime actuel à un meurtre vieux de quinze ans aurait pu être un fil rouge palpitant, mais il est traité de manière trop linéaire. La série donne l’impression de cocher des cases sans vraiment creuser ses thématiques.
Les liens entre passé et présent, pourtant riches de possibilités, sont abordés de façon anecdotique, et les rebondissements, bien que présents, manquent d’impact. Ce qui fait la force des romans de Läckberg, c'est leur capacité à immerger le lecteur dans une ambiance unique. Les descriptions du village de Fjällbacka et de ses habitants donnent une épaisseur à l’intrigue. Malheureusement, Erica ne parvient pas à retranscrire cette dimension immersive. Port-Clément, le village fictif où se déroule l’histoire, manque cruellement de vie. On ne ressent pas le poids des secrets qui devraient planer sur les lieux, ni l’attachement des personnages à cet environnement.
Les décors sont trop génériques pour renforcer l’atmosphère, et la réalisation, bien qu’efficace, ne parvient pas à capturer ce qui aurait pu être l’âme de l’histoire. Si quelque chose parvient à maintenir un semblant d’intérêt dans la série, c’est bien la prestation de Julie de Bona. Dans ces deux épisodes, elle continue d’apporter une humanité rafraîchissante à Erica Faure, une écrivaine devenue détective malgré elle. Enceinte de quatre mois, son personnage jongle entre sa vie personnelle et son implication dans l’enquête. Julie de Bona parvient à rendre Erica attachante, même si le personnage est parfois mal servi par des dialogues un peu creux et des situations convenues.
Ses interactions avec Patrick Saab, incarné par Grégory Fitoussi, sont un autre point fort. Leur relation, faite de désaccords et d’une complicité naissante, est mieux développée dans ces épisodes. Cela dit, cette dynamique aurait pu être encore plus enrichie si le scénario s’était davantage concentré sur l’évolution émotionnelle des personnages. Si Julie de Bona et Grégory Fitoussi tirent leur épingle du jeu, il en va tout autrement pour les personnages secondaires. Les figures qui peuplent Port-Clément manquent de profondeur et tombent trop souvent dans la caricature. Par exemple, la famille Hamelot, pourtant centrale dans l’intrigue, aurait pu être fascinante avec ses liens aux croyances anciennes et ses secrets enfouis.
Mais au lieu de devenir un levier narratif fort, elle reste un simple prétexte pour l’enquête. De même, certains personnages, comme Theo, semblent avoir été ajoutés pour remplir un quota d’antagonistes agaçants. L’écriture de ces rôles secondaires manque d’ambition, ce qui affaiblit l’ensemble. L’un des aspects les plus appréciables des romans de Läckberg est la manière dont ils mêlent intrigues policières et relations familiales complexes. Dans Erica, un effort est fait pour explorer la relation entre Erica et sa sœur, mais cela reste bien trop léger. Les dialogues manquent d’émotion, et les scènes censées approfondir leur lien semblent souvent déconnectées du reste de l’intrigue.
Cette sous-exploitation de la dimension familiale est d’autant plus regrettable qu’elle aurait pu apporter une chaleur et une profondeur nécessaires pour contrebalancer la froideur de l’enquête. La grossesse d’Erica, par exemple, est un détail intéressant mais qui ne joue finalement qu’un rôle secondaire dans la narration. Il aurait été pertinent de montrer comment cet événement influence sa vision des crimes qu’elle enquête ou ses interactions avec les autres personnages. Le choix de structurer les intrigues sur deux épisodes pourrait théoriquement permettre un développement plus poussé des personnages et des thématiques. Cependant, dans Erica, cette opportunité est mal exploitée.
Plutôt que d’approfondir l’univers ou les relations entre les personnages, les scénaristes semblent privilégier une accumulation de rebondissements policiers. Le résultat est une intrigue qui, bien que mieux rythmée que dans les premiers épisodes, reste trop mécanique pour susciter un véritable engagement. Un exemple frappant est la manière dont les secrets de la famille Hamelot sont dévoilés. Plutôt que de prendre le temps de construire une tension et de laisser les spectateurs assembler les pièces du puzzle, la série se précipite vers des révélations qui manquent d’impact. D’un point de vue purement technique, Erica fait preuve d’un certain professionnalisme.
Les plans sont soignés, et la photographie est agréable, bien que peu inventive. Mais cette qualité de réalisation ne suffit pas à compenser le manque d’audace de l’ensemble. La mise en scène, trop académique, ne parvient pas à instaurer une atmosphère oppressante ou intrigante. Cela contraste fortement avec l’ambiance des romans, où chaque chapitre est empreint d’une tension latente. Les épisodes 3 et 4 de Erica montrent une amélioration par rapport au double épisode inaugural, mais les faiblesses structurelles de la série restent évidentes. Si l’intrigue est mieux construite et que les acteurs principaux continuent d’apporter une certaine énergie, l’ensemble manque toujours de profondeur et de personnalité.
La série semble hésiter entre respecter l’esprit des romans de Camilla Läckberg et s’adapter à un format télévisuel plus conventionnel, sans jamais trouver le juste équilibre. Pour un amateur des romans de Läckberg, cette adaptation reste frustrante. Les ingrédients pour une série mémorable sont présents, mais ils ne sont pas suffisamment exploités. Malgré tout, quelques éléments – comme les performances de Julie de Bona et Grégory Fitoussi – laissent entrevoir un potentiel qui pourrait, espérons-le, être mieux exploité dans les épisodes à venir.
En tout cas, cette scène finale sur « Popcorn Salé » m’a convaincu de poursuivre. Je suis sûrement quelqu’un de trop guimauve mais c’est probablement l’une des choses que la série a le plus réussi car on a envie de croire à la romance entre Patrick et Erica, bien plus que dans le premier épisode quand ils sont partis niquer alors que la baraque de la victime était en train de cramer.
Note : 5/10. En bref, on sent les efforts qui sont fait mais on est encore loin des romans de Camilla Läckberg. Les ingrédients sont là, reste aux scénaristes de s’en servir pleinement et pas de délivrer une vision trop étriquée d’un univers riche.
Disponible sur TF1+
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