8 Janvier 2025
Les paysages de Saint-Pierre-et-Miquelon sont rarement exploités par l’univers télévisuel. Cette petite collectivité française, nichée au large du Canada, évoque des histoires captivantes : des récits de contrebande durant la Prohibition, des échos de collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale, et un charme insulaire unique. On aurait pu espérer qu'une série comme Saint-Pierre, diffusée sur CBC et CBC Gem, exploite cet héritage riche pour livrer une intrigue policière originale. Mais, hélas, le premier épisode s’embourbe dans des clichés et des choix scénaristiques discutables. L’épisode pilote s’ouvre sur une scène dramatique : un personnage principal, Fitz, blessé et allongé sur une civière. Cette technique de flash-forward, destinée à piquer la curiosité, s’avère inutilement déroutante.
Après avoir enquêté sur les activités troubles d'un politicien à Terre-Neuve, l'inspecteur Donny "Fitz" Fitzpatrick est exilé à Saint-Pierre et Miquelon, un archipel de l'océan Atlantique. Son arrivée perturbe la vie de la cheffe adjointe Geneviève "Arch" Archambault, une Parisienne déracinée pour de mystérieuses raisons. Ensemble, ils doivent résoudre des crimes qui dénotent avec le cadre idyllique des lieux.
Le récit revient ensuite en arrière pour exposer les raisons de l’arrivée de Fitz à Saint-Pierre, mais ces explications sont délivrées à travers un montage rapide et confus. On apprend qu’il a arrêté un politicien influent, qui n’est autre que le compagnon de son ex-femme. Cette situation a conduit Fitz à être "exilé" sur cette île lointaine. Cette introduction maladroite ne rend pas justice à ce personnage, interprété par Allan Hawco. Ancien enquêteur dynamique de Republic of Doyle, Hawco campe ici un homme brisé, en quête de rédemption. Mais cette complexité potentielle est rapidement éclipsée par des blagues sur le mal de mer et des dialogues laborieux pour justifier pourquoi presque tout le monde parle anglais sur cette île française.
Saint-Pierre-et-Miquelon offre un décor unique : des maisons colorées, des rues étroites, une culture qui oscille entre tradition française et influence nord-américaine. Malheureusement, ces éléments restent en arrière-plan, réduits à de jolies prises de vues en drone. La série semble hésiter à embrasser pleinement l’identité culturelle et historique de l’île, préférant suivre les codes génériques des séries policières. L’idée de situer une intrigue policière dans ce coin du monde avait pourtant du potentiel. La complexité historique de l’île aurait pu nourrir des récits intrigants, et son isolement géographique aurait pu être un personnage à part entière. Au lieu de cela, le premier épisode passe à côté de cette richesse pour livrer une histoire prévisible, sans réelle connexion avec son environnement.
Fitz est rapidement associé à Arch, la chef adjointe de la police locale, interprétée par Joséphine Jobert. Cette dernière, connue pour son rôle dans Meurtres au paradis, apporte une touche d’énergie et de charme à la série. Arch est une Parisienne expatriée, un contraste avec Fitz, homme du terroir terre-à-terre. Les tensions initiales entre eux suivent un schéma familier : deux partenaires que tout oppose mais qui finiront par s’entendre. Ce duo aurait pu fonctionner si les dialogues et l’écriture avaient été à la hauteur. Cependant, les échanges entre Fitz et Arch manquent de subtilité et tombent souvent dans des stéréotypes. Les conflits sont survolés, et les moments censés souligner leur complémentarité semblent forcés.
L’enquête centrale du premier épisode démarre brusquement, avec une bagarre dans le commissariat impliquant un leader de secte et un caïd local. Peu de temps après, l’un d’eux est retrouvé mort, lançant Fitz et Arch dans une enquête précipitée. Là encore, le scénario s’appuie sur des éléments vus et revus : des méchants caricaturaux, des indices évidents, et un dénouement peu surprenant. La série semble se débattre entre l’envie de raconter une histoire criminelle sérieuse et celle de se glisser dans la comédie légère. Ce mélange pourrait fonctionner si l’écriture trouvait un équilibre, mais ici, les deux genres se parasitent mutuellement. Les membres de l’équipe de police locale sont, pour l’instant, réduits à des archétypes.
On retrouve le jeune officier ambitieux, la vétérane sage mais désabusée, et la recrue maladroite. Ces personnages manquent de profondeur, et leurs interactions se limitent à des dialogues fonctionnels ou des touches d’humour qui tombent souvent à plat. Le seul moment de camaraderie véritable arrive à la fin de l’épisode, autour d’un verre au bar. Une tentative sympathique mais qui ne suffit pas à masquer l’absence de liens authentiques entre les personnages. Après ce premier épisode, il est difficile de savoir où Saint-Pierre veut nous emmener. Les éléments prometteurs – un cadre unique, des acteurs talentueux – sont étouffés par une intrigue banale et une mise en scène sans relief. Même les tentatives d’ajouter du divertissement amusant tombent à plat, comme cette scène où Fitz déambule en sous-vêtements, visiblement destinée à apporter une dose de légèreté, mais qui finit par sembler déplacée.
Jobert semble s’amuser dans son rôle, et sa performance est l’un des rares points positifs de l’épisode. En revanche, Hawco semble peu investi, ce qui affaiblit encore davantage le personnage de Fitz. Certains signes laissent espérer que la série pourrait trouver son rythme dans les épisodes suivants. L’idée d’un "crime de la semaine" pourrait apporter une certaine structure, et l’intrigue en fil rouge autour d’un antagoniste local pourrait devenir plus captivante si elle est bien développée. Cependant, pour réussir, Saint-Pierre devra apprendre à tirer parti de son décor et de sa culture. La série gagnerait à intégrer davantage d’éléments propres à l’île, que ce soit à travers des intrigues ancrées dans son histoire ou des interactions plus authentiques entre les personnages et leur environnement.
Saint-Pierre aurait pu être une série originale et mémorable, mais ce premier épisode manque cruellement d’identité. Les clichés scénaristiques, l’écriture fade et l’exploitation superficielle du cadre laissent une impression d’inachevé. Cela dit, je ne suis pas totalement prêt à abandonner. Les bases sont là : un duo d’acteurs principaux charismatiques, un décor singulier, et une marge de progression évidente. Mais pour captiver les spectateurs, la série devra dépasser son statut de simple procedural générique et trouver une voix qui lui est propre. En attendant, je ne peux que rêver à ce qu’aurait pu être Saint-Pierre si elle avait osé s’appuyer pleinement sur son cadre et ses particularités.
Note : 4/10. En bref, une introduction qui manque cruellement d’originalité. Les clichés scénaristiques, l’écriture fade et l’exploitation superficielle du cadre laissent une impression d’inachevé.
Disponible sur CBC Gem, accessible via un VPN
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