19 Mars 2025
Steven Knight, créateur de Peaky Blinders, revient avec une nouvelle série, A Thousand Blows, qui explore les bas-fonds du Londres victorien à travers le prisme du combat à mains nues. Mais réduire cette œuvre à une simple histoire de boxe serait une erreur. La violence y est omniprésente, certes, mais elle ne se limite pas aux coups portés sur un ring clandestin. Elle s’immisce dans chaque recoin de la société : oppresseurs contre opprimés, riches contre pauvres, hommes contre femmes, colons contre colonisés.
Le Jamaïcain Hezekiah Moscow se retrouve plongé dans le creuset violent de la révolution postindustrielle dans l’East End londonien. Fasciné par les combats de boxe clandestins, qui sont alors très populaires, il fait la connaissance de Mary Carr, la cheffe des Forty Elephants, un célèbre gang féminin qui lutte au quotidien pour sa survie. Tandis qu’il se forme au combat, il affronte Sugar Goodson, un redoutable boxeur dont il devient rapidement le rival, bien au-delà du ring.
Dans un décor à la fois brut et détaillé, la série dépeint un Londres en mutation, où chacun lutte pour sa survie. L’esthétique soignée et la mise en scène immersive plongent immédiatement dans cet univers âpre et sans concession. Pourtant, malgré une richesse visuelle indéniable, A Thousand Blows peine parfois à transcender son ambition initiale. Trois figures dominent la série et donnent sa substance au récit. D’abord, Henry "Sugar" Goodson, interprété par un Stephen Graham imposant. Propriétaire d’un pub et champion invaincu des combats clandestins, il incarne une brutalité presque mythologique, renforcée par des dialogues ciselés et une présence physique écrasante.
Mais derrière cette façade de dureté, il laisse entrevoir des fêlures qui rendent le personnage fascinant. Face à lui, Mary Carr, incarnée par Erin Doherty, apporte une complexité bienvenue. Leader d’un gang de voleuses, les Forty Elephants, elle impose son autorité dans un monde régi par les hommes. Son ambition dépasse les simples larcins : elle vise plus haut, avec un plan audacieux qui pourrait changer son destin. Mary est l’un des personnages les plus intrigants de la série, oscillant entre dureté et humanité, capable d’actes d’une brutalité implacable autant que de gestes de compassion inattendus.
Enfin, Hezekiah Moscow, joué par Malachi Kirby, apporte une touche d’innocence et d’idéalisme. Jeune Jamaïcain fraîchement débarqué à Londres, il découvre un univers bien différent de celui qu’il imaginait. Son évolution au fil des épisodes, entre illusions perdues et nécessité de survivre, constitue l’un des arcs narratifs les plus engageants. Sa rencontre avec le monde de la boxe clandestine scelle son destin et l’entraîne dans une spirale où s’entremêlent espoir et violence. L’un des défis de A Thousand Blows réside dans son ambition narrative.
La série ne se contente pas de suivre un fil conducteur unique mais multiplie les points de vue et les sous-intrigues. Si cette richesse scénaristique offre une immersion totale dans l’époque, elle engendre aussi une certaine dispersion. Certains personnages secondaires, pourtant prometteurs, manquent de développement et semblent relégués à des rôles fonctionnels plutôt que véritablement incarnés. De plus, la construction des épisodes peine à maintenir une progression dramatique fluide. Certaines séquences impressionnent par leur intensité, mais d’autres donnent une impression de répétition, freinant le rythme global de la saison.
La conclusion, en particulier, laisse une sensation d’inachevé, comme si la saison ne constituait qu’une longue introduction à quelque chose de plus grand sans offrir une résolution satisfaisante. Là où la série brille sans conteste, c’est dans sa reconstitution du Londres de la fin du XIXe siècle. Les décors et costumes sont travaillés avec minutie, restituant une atmosphère à la fois oppressante et foisonnante. Contrairement à Peaky Blinders, qui stylisait le Birmingham des années 1920 d’une manière plus fantasmée, A Thousand Blows s’efforce de donner une vision plus brute et réaliste de son époque.
Cependant, certains choix de mise en scène peuvent diviser. La bande-son, notamment, mêle des sonorités modernes à l’ambiance victorienne, un procédé qui fonctionne par moments mais qui peut aussi sembler forcé. Cet anachronisme musical, bien que cher à Steven Knight, ne parvient pas toujours à s’intégrer naturellement au récit. Avec A Thousand Blows, Steven Knight livre une œuvre dense, portée par un trio d’acteurs investis et une atmosphère immersive. Pourtant, malgré ces qualités indéniables, la série ne parvient pas totalement à se hisser au niveau de ses ambitions.
Les épisodes peinent parfois à se renouveler et certaines intrigues secondaires manquent d’épaisseur, ce qui atténue l’impact global du récit. Cela ne signifie pas que la série est dénuée d’intérêt. Elle pose des bases solides et offre des personnages suffisamment intrigants pour maintenir l’attention. La fin ouverte laisse présager une suite où les éléments laissés en suspens pourraient prendre une nouvelle ampleur. Il reste à voir si A Thousand Blows saura, dans une éventuelle saison 2, transformer ses promesses en une véritable fresque captivante.
Note : 7/10. En bref, Steven Knight livre une œuvre dense, portée par un trio d’acteurs investis et une atmosphère immersive. Pourtant, malgré ces qualités indéniables, la série ne parvient pas totalement à se hisser au niveau de ses ambitions.
Disponible sur Disney+
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