19 Mars 2025
Le retour d’Alain Guiraudie m’a marqué au cinéma l’an dernier. A l’occasion de la sortie en Blu-ray de Miséricorde édité par Blaq Out, retour sur ce film d’auteur détourant et profondément humain.
Ca parle de quoi ?
Jérémie revient à Saint-Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s'installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue...
Ca vaut quoi ?
Alain Guiraudie, maître incontesté d’un cinéma à la fois déroutant et profondément humain, nous livre avec Miséricorde une œuvre qui bouscule les codes et défie les attentes. Ce film, à la croisée des genres, oscille entre la tragédie et le burlesque, installant une atmosphère unique où la banalité du quotidien se heurte à l’intensité des émotions les plus enfouies. À travers une mise en scène maîtrisée et un récit à la fois mystérieux et troublant, Guiraudie nous plonge dans un univers où chaque interaction peut basculer dans l’inattendu. Le film s’ouvre sur le retour de Jérémie à Saint-Martial, son village natal, à l’occasion des funérailles de son ancien employeur, un boulanger respecté.
Ce qui ne devait être qu’un passage furtif se transforme rapidement en une immersion dérangeante dans un monde où chaque personnage semble cacher un secret. Hébergé par Martine, la veuve du défunt, Jérémie se retrouve malgré lui au centre d’une intrigue où se mêlent disparition mystérieuse, voisin menaçant et abbé aux intentions ambiguës. Guiraudie choisit une fois encore de placer son récit dans un cadre rural, conférant au film une dimension quasi théâtrale où les lieux deviennent des personnages à part entière.
La forêt, les sentiers escarpés et les maisons vieillissantes enveloppent l’histoire d’une atmosphère tantôt intime, tantôt oppressante. Chaque plan est pensé pour refléter la tension sous-jacente qui anime les protagonistes, entre désir, culpabilité et solitude. Au-delà de son intrigue captivante, Miséricorde est avant tout une exploration des complexités du désir humain. Chaque personnage porte en lui une dualité qui le pousse vers l’autre tout en le maintenant dans une forme d’isolement émotionnel.
L’amour, dans ce film, est rarement apaisant : il est tourmenté, inassouvi, marqué par la peur de la perte et la violence de la possession. Guiraudie, avec son regard si singulier, parvient à exprimer cette tension sans jamais tomber dans le pathos ou l’exagération. La sexualité, omniprésente mais jamais gratuite, est traitée avec une franchise qui désamorce toute tentative de voyeurisme. Loin des clichés, le réalisateur capte avec justesse la banalité des corps et la force des émotions, mettant en lumière la beauté des imperfections et la crudité du désir.
Ce qui fait la force de Miséricorde, c’est aussi sa capacité à mêler le tragique au burlesque avec une fluidité déconcertante. Les situations absurdes s’enchaînent sans jamais paraître forcées, donnant au film un ton à la fois mordant et profondément mélancolique. L’humour, omniprésent, ne sert pas à alléger l’histoire, mais plutôt à en accentuer les contrastes. Le spectateur oscille constamment entre rire et malaise, pris dans un jeu où l’ironie et la gravité se répondent. C’est cette ambiguïté qui confère au film une authenticité rare, le rendant à la fois accessible et profondément déroutant.
Les performances des acteurs renforcent cette atmosphère unique. Jacques Develay livre une interprétation magistrale d’un prêtre dont les motivations restent volontairement opaques, tandis que Catherine Frot, méconnaissable dans le rôle de la veuve, surprend par sa capacité à exprimer une palette d’émotions complexes. Quant à Felix Kysyl, il incarne avec brio un personnage pris entre désir et tourment, naviguant dans un univers où chaque geste semble porteur de conséquences insoupçonnées. Les acteurs, souvent issus du théâtre ou du cinéma indépendant, apportent une sincérité brute à leurs rôles, renforçant le sentiment d’immersion du spectateur.
Le naturel de leur jeu, allié à la mise en scène épurée de Guiraudie, permet de donner vie à un récit où le moindre regard peut faire basculer une scène dans une nouvelle dimension. Avec Miséricorde, Alain Guiraudie confirme une fois encore son talent pour créer des œuvres singulières, inclassables, qui marquent durablement les esprits. Ce film, à la fois dérangeant et captivant, interroge la nature humaine avec une justesse rarement égalée dans le cinéma contemporain. Rien n’est laissé au hasard : chaque plan, chaque dialogue, chaque silence participe à construire une œuvre où le spectateur est invité à se perdre pour mieux se retrouver.
Ceux qui connaissent déjà l’univers de Guiraudie y retrouveront sa signature : un regard incisif sur les contradictions de l’âme humaine, une mise en scène qui sublime le trivial, et une narration qui brouille sans cesse les frontières entre le réel et l’imaginaire. Pour les autres, Miséricorde sera peut-être une révélation, une porte d’entrée vers un cinéma audacieux et sans compromis. Miséricorde n’est pas un film qui cherche à plaire à tout prix. Il dérange, il amuse, il questionne. Il nous laisse avec une sensation étrange, celle d’avoir assisté à quelque chose d’unique, d’indéfinissable. C’est précisément cette qualité qui en fait une œuvre marquante.
Et le Blu-ray ?
Après avoir intrigué et captivé le public lors de sa sortie en salle à l’automne 2024, Miséricorde, le dernier film d’Alain Guiraudie, débarque en Blu-ray dans une édition soignée signée Blaq Out. Ce thriller rural, où l’étrangeté côtoie le quotidien, se voit offrir un écrin technique à la hauteur de sa mise en scène immersive et de son atmosphère troublante. L’édition Blu-ray proposée par Blaq Out se distingue par une qualité technique irréprochable.
L’image, sublimée par la photographie de Claire Mathon, bénéficie d’un master impeccable : une netteté impressionnante, des noirs profonds et des contrastes parfaitement équilibrés. Chaque détail de ce décor rural, entre forêts inquiétantes et intérieurs feutrés, est rendu avec une précision saisissante. Côté audio, l’éditeur propose une piste DTS-HD Master Audio 5.1 qui offre une immersion totale, restituant avec finesse les ambiances du film et positionnant les voix avec clarté. Un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 est également disponible pour ceux qui n’auraient pas de système son adapté au 5.1.
Les amateurs de cinéma apprécieront l’entretien exclusif avec Alain Guiraudie (31 minutes), où le réalisateur revient sur la genèse du film, ses thèmes et son approche de la mise en scène. Il évoque notamment la signification du titre, son rapport à la tradition catholique et l’évolution de ses personnages, offrant un éclairage précieux sur son œuvre. Avec cette édition Blu-ray, Miséricorde s’impose comme une expérience cinématographique à (re)découvrir dans des conditions optimales, pour mieux en saisir toute la richesse et l’ambiguïté.
Caractéristiques techniques
Durée : 1H43 - Langues : Français 2.0 / 5.1 / Audiodescription
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Supplément : Entretien avec Alain Guiraudie (30 min.)
Disponible en Blu-Ray et en DVD au prix public conseillé de 19,99 € TTC
Cette sortie est éditée par BLAQ OUT
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