5 Avril 2025
The Pitt // Saison 1. Episode 14. 8:00 P.M.
Chaque épisode de The Pitt semble vouloir repousser les limites du supportable. Après la violence du massacre du Pitt Fest, l’épisode 14, intitulé « 8:00 P.M. », n’apporte aucun répit. Au contraire, il appuie sur tout ce que la série maîtrise : l’effondrement intérieur, les choix impossibles, la violence du quotidien hospitalier. Ce n’est plus une série médicale, c’est un champ de mines émotionnel. Et pourtant, malgré la saturation, quelque chose pousse à rester devant, comme si cette urgence permanente révélait un peu plus la vérité sur le monde.
Dès les premières minutes, le constat est sans appel : Robby est en chute libre. Après les événements traumatiques de l’épisode précédent, le médecin n’est plus sur le terrain. Il est recroquevillé dans la salle pédiatrique, transformée en morgue de fortune, récitant en boucle une prière. Ce n’est pas une mise en scène. C’est un homme brisé, qui a trop encaissé et qui finit par s’effondrer. Ce moment aurait pu virer au pathos, mais il est traité avec retenue. C’est Whitaker, l’étudiant en médecine, qui le trouve. Et c’est peut-être la meilleure personne pour cela. Il ne cherche pas à le consoler.
Il lui rappelle simplement que sa présence est essentielle. Il y a une sincérité dans cette scène, une façon de dire que l’empathie passe aussi par l’action. Robby finit par se relever. Il n’est pas guéri. Il ne le sera pas de sitôt. Mais il remet sa blouse, parce qu’il sait que sans lui, tout risque de s’écrouler. À peine les équipes commencent-elles à souffler que l’ambulance revient, apportant non pas un énième blessé par balle, mais un adolescent fiévreux au teint inquiétant. Ce n’est plus la violence armée qui menace, mais une autre forme de négligence : une infection potentiellement liée à un refus de vaccination.
La réaction de Robby est immédiate. Un simple regard sur l’éruption cutanée suffit. Il suspecte une rougeole. L’annonce tombe comme une pierre dans un verre d’eau déjà plein. L’épidémie n’était pas prévue au programme. Mais The Pitt le montre bien : les urgences ne sont jamais prévisibles. Ce qui frappe, ce n’est pas tant la maladie que l’attitude des parents. Refus de soins, méfiance envers les médecins, discours complotistes… Robby explose. Pas parce qu’il veut avoir raison. Mais parce qu’il vient de passer des heures à essayer de sauver des vies, et que le simple fait de ne pas pouvoir faire une ponction lombaire le rend fou. Il quitte la pièce. La colère déborde. Et elle est compréhensible.
Le climat reste électrique, même entre les professionnels. Robby n’en peut plus de Gloria, qui continue à mettre son nez partout sans comprendre la réalité du terrain. Quand elle l’accuse d’avoir autorisé des dons de sang non testés, il lâche tout ce qu’il retenait. Le ton monte, l’émotion est palpable. La scène ne cherche pas à rendre Robby sympathique. Elle montre un homme à bout, qui perd patience, qui dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Cette réaction est loin d’être isolée. D’autres comportements dérapent. McKay, toujours surveillée électroniquement, finit par se faire arrêter pour avoir percé son bracelet défectueux.
L’ironie est amère : elle l’a fait pour continuer à soigner, mais la justice n’entend pas les circonstances. La voir menottée en fin d’épisode renforce ce sentiment d’injustice rampante. L’un des fils rouges les plus troublants reste le cas de David. Longtemps suspecté d’être lié à la tuerie, il est finalement innocenté. Mais le mal est fait. Il reste enfermé, son visage tuméfié, son regard en fuite. Robby, qui avait misé sur lui, se montre froid, presque cassant avec McKay, comme s’il lui faisait porter la responsabilité de l’avoir poussé à douter. Ce n’est pas juste. Ce n’est pas propre. C’est humain.
David, de son côté, ne cesse de réclamer sa mère. Quand elle arrive, elle annonce avoir signé une requête pour qu’il soit placé sous surveillance psychiatrique. Un coup de massue. Son fils, déjà ébranlé, s’effondre encore un peu plus. Robby laisse McKay gérer. Il sait que lui, dans son état, risque d’aggraver les choses. Au cœur de tout cela, l’hôpital continue de tourner. Ou plutôt, il continue de survivre. Un homme arrive avec une blessure à la jambe. Il a été touché en aidant des blessés au Pitt Fest. À côté, un autre patient a la peau bleutée, manque d’air. Le premier s’aggrave, et Abbott découvre que de l’air pénètre dans son cœur. La solution : une procédure risquée.
C’est finalement Mohan qui la réalise, sous pression. Elle réussit. Mais l’acte est contesté. La discussion qui suit est tendue. Faut-il toujours attendre l’aval d’un supérieur quand chaque seconde compte ? Le débat reste ouvert. À quelques mètres, une femme est en état de choc. Son mari est mort sous ses yeux. Elle a tenté de le protéger, son bras transpercé n’a pas suffi. C’est Mel qui l’accompagne, l’écoute, la rassure. Elle retrouve la fille de la victime, la ramène auprès de sa mère. Une scène douce dans un chaos permanent. Pas de miracle. Juste un instant de soulagement.
Le point d’orgue émotionnel de cet épisode reste ce moment où Robby retrouve King, effondrée après avoir réuni une mère traumatisée et sa fille. Il ne la réconforte pas avec des banalités. Il lui dit que son empathie n’est pas une faiblesse. Qu’elle a été à la hauteur. Ces mots, dits simplement, ont une portée immense. Dans cet environnement où tout pousse à se blinder, à verrouiller ses émotions, cette reconnaissance a le goût d’un baume. Mais le visage de Robby trahit autre chose : il ne tient plus qu’à un fil. Il est fonctionnel, oui. Mais il n’est plus vraiment là. Chaque confrontation, chaque décision, chaque perte l’éloigne un peu plus de lui-même.
L’épisode, plus calme dans sa forme, n’en est pas moins chargé de tension. Il agit comme une respiration avant le dernier acte, celui qui pourrait tout faire basculer. Plusieurs intrigues restent en suspens. McKay est arrêtée. David est toujours interné contre sa volonté. Robby, lui, n’a pas terminé sa descente intérieure. Il continue d’avancer, mécaniquement, porté par un sens du devoir qui devient un fardeau. Ce qui rend cet épisode si particulier, c’est justement cette ambivalence. Il ne repose pas sur une accumulation de drames, mais sur leurs conséquences. Les personnages ne courent plus partout. Ils digèrent. Ils encaissent. Ils réagissent — parfois mal, parfois juste.
Et dans cette fatigue extrême, dans ces failles qui s’ouvrent, The Pitt touche quelque chose de plus profond : la réalité psychologique du travail d’urgence. Visuellement, l’épisode adopte une approche moins nerveuse. Les plans s’attardent davantage. Les visages prennent de l’importance. On sent les silences. Les respirations. Les regards. Tout cela participe à ce sentiment que quelque chose s’est brisé et que chacun essaie, à sa manière, de ne pas s’effondrer avec. Les dialogues, eux, restent sobres. Les mots sont comptés. Les silences en disent souvent plus que les tirades.
Il y a une forme de pudeur dans l’écriture, qui laisse place aux émotions sans jamais les forcer. Ce qu’on entrevoit ici, ce sont les répercussions. L’après. Pas seulement sur les corps, mais dans les esprits. Comment continuer après avoir vu tant de morts ? Comment travailler avec autant de colère, de fatigue, de frustration ? La série ne donne pas encore de réponses. Mais elle pose les bonnes questions. L’épisode 14 ne cherche pas à choquer. Il montre. Et ce qu’il montre est douloureux : des médecins au bord de la rupture, un système de santé étouffé, des choix moraux impossibles, et des émotions qu’on ne peut plus contenir.
L’épisode 14 de The Pitt ne joue pas la carte de l’escalade, mais celle de l’écho. Il résonne longtemps après son visionnage. Chaque scène semble vouloir dire : “regarde ce que ça coûte, de sauver des vies.” Loin du sensationnalisme, il offre un regard brut, parfois inconfortable, sur le prix réel de l’héroïsme. Et alors que le final approche, une chose est sûre : personne ne sortira indemne de cette saison.
Note : 9/10. En bref, l’épisode 14 de The Pitt ne joue pas la carte de l’escalade, mais celle de l’écho. Il résonne longtemps après son visionnage.
Disponible sur max
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