14 Avril 2025
Il existe des séries qui, dès leur premier épisode, captivent. D’autres qui, malgré des moyens considérables et un casting prestigieux, peinent à trouver leur ton. Surface appartient clairement à cette deuxième catégorie. La première saison avait laissé un goût amer, celui d’un potentiel gâché, d’un suspense dilué dans une mise en scène trop contemplative et une narration volontairement brumeuse. Pourtant, contre toute attente, cette seconde saison réussit l’impensable : transformer un thriller poussif en un drame psychologique captivant, audacieux et visuellement affûté.
Revenir à Surface trois ans après une première saison tiède n’allait pas de soi. Ce n’était pas une série attendue, ni par les critiques, ni par le public. Et pourtant, cette suite a su surprendre, non pas en capitalisant sur le passé, mais en opérant une mue presque totale. Le changement de décor, de tonalité, et surtout d’ambition narrative a profondément modifié l’identité de la série. Et c’est précisément cette rupture nette avec les errements du passé qui la rend aussi intrigante. Le cadre californien cède sa place à une Londres aussi élégante que menaçante.
Fini les errances vaporeuses entre baies vitrées et rues désertes. Désormais, le récit s’ancre dans une capitale froide, codifiée, où les secrets se cachent sous les dorures et les apparences. Le choix de ce décor n’est pas anodin : il reflète l’évolution du personnage principal, Tess, qui a définitivement enterré Sophie — ou du moins essaie de le faire. Ce changement de décor est aussi un changement de rythme. Là où la première saison s’étirait dans une langueur parfois pénible, cette seconde mouture adopte un tempo plus soutenu, plus nerveux, tout en gardant une certaine élégance dans la mise en scène.
Le résultat ? Un thriller psychologique qui flirte avec le film noir, ponctué de tensions feutrées et de révélations bien dosées. Gugu Mbatha-Raw incarne désormais une femme qui a repris le contrôle. Plus question de subir les événements. Tess avance, enquête, manipule, agit. Sa transformation est palpable dès les premières scènes : coupe courte tranchée, allure assurée, regard déterminé. Elle n’est plus cette figure évanescente au cœur d’un drame opaque, mais une actrice centrale dans un jeu d’échecs où chaque mouvement peut lui coûter cher.
Ce basculement donne à Mbatha-Raw l’occasion d’explorer une palette plus riche, plus nuancée. Elle oscille entre froide détermination et éclats de vulnérabilité, entre séduction et solitude, entre souvenirs flous et prises de conscience douloureuses. Loin des clichés de l’amnésique en quête d’identité, son interprétation s’impose par sa complexité et sa densité. Elle incarne non pas une victime, mais une femme en reconstruction, tiraillée entre ce qu’elle découvre d’elle-même et ce qu’elle a choisi d’oublier. La saison 2 se compose de huit épisodes, chacun agissant comme une pièce d’un puzzle retors. Si certains fils narratifs traînent encore en longueur, la structure globale gagne en efficacité.
La série évite cette fois l’écueil de l’opacité gratuite. Les mystères sont mieux agencés, les révélations arrivent au bon moment, sans pour autant tout dévoiler d’un coup. L'équilibre est subtil : suffisamment de flou pour maintenir la tension, assez de clarté pour ne pas décourager. Mais ce qui frappe le plus, c’est l’ambiance générale. Surface embrasse enfin le genre qu’elle semblait jusqu’ici redouter : le thriller noir, teinté de mélancolie, d’ambiguïté morale et de secrets familiaux enfouis. L’influence hitchcockienne, auparavant à peine esquissée, devient ici un véritable moteur esthétique et narratif.
Le pivot de cette saison est la famille Huntley. Élisa, Quinn, leur entourage... Tous gravitent autour d’un passé trouble, d’un patrimoine aussi lourd que les silences qu’il a engendrés. Tess, en infiltrant leur cercle, s’expose à des enjeux bien plus vastes que sa propre quête identitaire. Ce n’est plus seulement son passé qu’elle exhume, mais les failles d’un système familial rongé par les secrets. Phil Dunster, en Quinn, apporte une énergie singulière. Derrière le masque du dandy déchu se cache une figure instable, à la fois repoussante et touchante. Il incarne parfaitement ce type d’homme privilégié, mais incapable d’assumer le poids de son héritage.
Freida Pinto, en fiancée élégante et trop parfaite, incarne quant à elle une tension constante : celle d’un personnage qui pressent l’implosion, sans oser la provoquer. L’un des reproches majeurs adressés à la saison 1 concernait la pauvreté de ses personnages secondaires. Trop effacés, trop stéréotypés, ils servaient davantage de décor que de levier dramatique. Ce n’est plus le cas ici. Chaque figure a son utilité, son arc narratif, son mystère à défendre. Mention spéciale pour Gavin Drea, dans le rôle du journaliste Callum. Son personnage, à la fois enquêteur tenace et témoin indirect d’un drame en gestation, apporte un contrepoint salutaire à Tess.
Leur relation, faite de méfiance mutuelle et de révélations partagées, enrichit l’intrigue sans jamais la détourner de son fil rouge. Quant à Millie Brady (Eliza), elle offre une performance tout en tension retenue. À la fois rivale, alliée potentielle et clé d’un passé obscur, elle devient progressivement l’un des pivots émotionnels de la série. Son affrontement avec Tess n’est jamais frontal, mais toujours sous-entendu, chargé d’histoire et de regrets. Ce qui rend cette seconde saison aussi réussie, c’est qu’elle ne cherche pas à réparer les erreurs du passé : elle les contourne. Elle se sert du chaos narratif de la première comme d’un tremplin pour aller ailleurs.
Là où la saison 1 tergiversait, la saison 2 tranche. Là où elle semait des mystères sans queue ni tête, elle construit un suspense intelligent, tendu, presque suffocant par moments. Il serait faux de dire que tout fonctionne parfaitement. Certains raccourcis scénaristiques prêtent à discussion, et certaines coïncidences restent un peu faciles. Mais dans l’ensemble, la progression est flagrante. Surface a trouvé son souffle, sa direction, sa voix. Et surtout, elle a trouvé une héroïne à sa mesure. L’esthétique de la série a également évolué. L’image se fait plus contrastée, plus froide.
Les éclairages jouent sur les clairs-obscurs, les décors deviennent symboliques : hôtels de luxe impersonnels, appartements trop épurés, bibliothèques pleines d’ombres. Chaque lieu devient un écho au chaos intérieur de Tess. La musique, elle aussi, accompagne cette transformation. Plus discrète, plus organique, elle soutient l’intrigue sans l’envahir. L’ensemble participe à créer une atmosphère plus immersive, plus cohérente avec le propos. Surface, saison 2, n’efface pas les défauts de son origine, mais elle s’en affranchit avec une rare intelligence. En choisissant de s’éloigner de ses bases fragiles pour embrasser pleinement le thriller psychologique, la série signe un retour inattendu et brillamment maîtrisé.
Il reste à espérer que cette évolution ne s’arrête pas là. Car au terme de ces huit épisodes, une chose est certaine : Surface mérite enfin d’être regardée. Non plus comme une curiosité bancale, mais comme une série qui a su apprendre de ses erreurs pour proposer une vision plus dense, plus sombre, et surtout, plus captivante.
Note : 6/10. En bref, une série qui a su apprendre de ses erreurs. Elle n’efface pas les défauts de son origine, mais elle s’en affranchit avec une rare intelligence.
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