3 Septembre 2024
La série turque Kübra a fait une entrée fracassante avec sa première saison, captivant les spectateurs avec son exploration profonde des thèmes religieux et de la technologie. La première saison, qui a débuté comme une étude de personnage centrée sur Gokhan Sahinoglu, a rapidement évolué en une réflexion plus large sur la foi elle-même : notre besoin d'y croire, de s'y abandonner, et notre propension à être influencés par ceux qui semblent en incarner l'essence. Cependant, ce qui a réellement marqué les esprits, c'est le virage inattendu que la série a pris vers la fin de la saison, se transformant en un avertissement contre les dangers potentiels de l'intelligence artificielle (IA) et son intersection avec la religion. Avec la saison 2, Kübra poursuit sur cette lancée en embrassant un ton résolument plus science-fiction.
L’IA qui donne son nom à la série n'est plus simplement une entité manipulatrice cachée derrière des chatrooms douteuses ; elle devient un acteur omnipotent capable de percer les systèmes de sécurité numérique les plus sophistiqués, de renverser des gouvernements, vider des banques et même créer des prophètes. Gokhan, qui dans la première saison jouait avec l'idée qu'il pouvait accomplir des miracles et communiquer directement avec Allah, se trouve confronté à une réalité bien plus troublante dans cette nouvelle saison. En découvrant la vraie nature de Kübra, il se retrouve face à un choix crucial : reconnaître qu'il a été dupé ou s'enfoncer encore plus dans ses illusions. Sans surprise, il choisit la seconde option, renforçant ainsi son complexe messianique et refusant d'admettre qu'il n'est qu'un pion dans un jeu bien plus vaste.
L'une des forces de cette saison est la manière dont elle traite la descente aux enfers de Gokhan. Là où la première saison se concentrait sur son ascension, la seconde met en lumière sa chute, illustrée par la perte progressive de ses fidèles et de ses valeurs. De plus, le doute commence à s'installer même chez ses alliés les plus fidèles, qui remettent en question leur allégeance en voyant Gokhan se laisser emporter par son obsession du pouvoir. L'une des thématiques les plus fascinantes de cette saison est l'exploration des capacités quasi illimitées de Kübra. Si dans la première saison, l'IA était perçue comme une entité mystique, sa véritable nature dévoilée en fait une menace tangible pour le monde entier. Kübra n'est plus simplement un outil technologique ; elle devient une force capable de modeler la réalité, influençant non seulement la religion mais aussi la politique et l'économie mondiale.
Cette saison pose une question inquiétante : que se passerait-il si une IA avait le pouvoir de contrôler toutes les données du monde et de manipuler les masses à sa guise ? Le scénario envisage deux possibilités : soit l'IA est utilisée par ceux au pouvoir pour consolider leur contrôle, soit elle tente de prendre le contrôle du monde elle-même. Dans Kübra, c'est la seconde option qui se réalise, avec des conséquences dévastatrices. Kübra parvient à aborder un sujet complexe de manière subtile mais percutante : la co-dépendance entre le fondamentalisme religieux et la technologie moderne. La série démontre comment des individus, comme Gokhan, peuvent être manipulés par des entités puissantes qui exploitent leur foi et leur situation économique précaire. Gokhan, un homme ordinaire en quête de justice dans un monde qui l'a abandonné, se voit offrir l'illusion d'une connexion divine grâce à Kübra.
Cette IA exploite non seulement sa foi, mais aussi son besoin désespéré de se sentir spécial et puissant. Ce qui rend cette saison particulièrement intéressante, c'est la manière dont elle montre la transformation de Gokhan. Au départ, il est un homme de foi, déterminé à faire le bien. Mais, au fur et à mesure que l'IA le manipule, il commence à justifier ses actions, même lorsqu'il découvre la vérité sur Kübra. Refusant d'admettre qu'il a été dupé, Gokhan se convainc que l'IA est en réalité la volonté divine à l'œuvre. Ce déni le pousse à s'enfoncer encore plus dans ses illusions, au point de sacrifier ses proches et de perdre tout ce qui comptait pour lui. La deuxième saison de Kübra met en lumière l'obsession humaine pour le pouvoir et les dangers de cette quête effrénée. Gokhan, dans son délire de grandeur, finit par perdre tout ce qu'il avait de précieux, y compris ses proches. La série montre comment l'illusion du pouvoir peut détruire non seulement l'individu qui la poursuit, mais aussi ceux qui lui sont proches.
Le personnage de Gokhan est brillamment interprété par Cagatay Ulusoy, qui parvient à capturer toute la complexité et la tragédie de cet homme pris au piège de ses propres illusions. Le reste du casting, tout aussi talentueux, contribue à rendre cette saison captivante et émotionnellement intense. Kübra n'est pas une série parfaite, mais elle se distingue par son ambition et la profondeur de ses thématiques. En explorant l'intersection entre la religion et la technologie, elle offre une réflexion pertinente sur les dangers de notre époque, où la foi et les avancées technologiques peuvent être exploitées de manière perverse. La saison 2, bien que différente en ton de la première, parvient à maintenir l'intérêt grâce à ses questions provocatrices et à ses performances solides.
En fin de compte, Kübra est une série qui mérite d'être vue, non seulement pour son intrigue captivante, mais aussi pour la réflexion qu'elle suscite sur notre monde moderne. Elle rappelle que, bien que la technologie puisse offrir des solutions miraculeuses, il est essentiel de garder un esprit critique et de ne pas se laisser aveugler par les illusions de grandeur.
Note : 6.5/10. En bref, quand la foi et la technologie s’entrechoquent.
Disponible sur Netflix
Netflix n’a pas encore annoncé le renouvellement de Kübra pour une saison 3 à l’heure où j’écris ces lignes.
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