29 Octobre 2024
La saison 2 de Miskina, la Pauvre, la série comique semi-autobiographique de Melha Bedia, est disponible sur Prime Video, et après une première saison qui avait laissé un sentiment mitigé, je me suis lancé dans la suite avec curiosité. Si la série continue à explorer les thèmes familiers de l’auto-fiction de Bedia – la double culture, les relations familiales compliquées, et le quotidien d’une trentenaire sans repères – elle laisse cette fois encore un goût d’inachevé. Entre moments drôles et une évolution narrative parfois confuse, cette saison 2 me laisse avec des sentiments partagés. Dès la saison 1, Miskina, la Pauvre dressait le portrait de Fara, une jeune femme de 30 ans qui peine à trouver sa voie, aussi bien dans sa vie personnelle que professionnelle. Fara est une héroïne atypique dans le paysage de la comédie française : une trentenaire un peu perdue, en conflit constant avec les attentes sociales et familiales, mais qui ne manque pas de repartie ni de tendresse.
Melha Bedia reprend ici avec talent ce personnage fragile, touchant et parfois agaçant. Cependant, après les huit épisodes de la première saison, cette nouvelle salve de six épisodes reste en surface et peine à vraiment approfondir l’évolution de Fara. On la retrouve encore dans une sorte de boucle, perdue entre ses amours, ses dettes et ses relations familiales dysfonctionnelles. Alors que la saison 2 commence avec des enjeux potentiellement plus intéressants, comme la dette de 100 000 euros laissée par sa grand-mère, l’intrigue finit par retomber dans les mêmes schémas. Fara semble avancer sans véritable but, et les scénaristes n’explorent pas en profondeur les possibilités offertes par les nouveaux développements. Cette répétition, qui peut être vue comme un style pour souligner le côté « en galère perpétuelle » du personnage, finit par donner une impression de stagnation.
L’un des points forts de la série réside dans sa galerie de personnages secondaires. La sœur de Fara, jouée par Shirine Boutella, devient ici un personnage plus central, et sa relation avec son mari (interprété par Victor Belmondo) ajoute un contraste intéressant. Les scénaristes montrent les défis d’un couple aux valeurs et croyances différentes, notamment avec le choix du mari de se convertir à l’islam et de devenir influenceur musulman. Cependant, cette dynamique qui aurait pu apporter de la profondeur au récit semble trop souvent esquivée, comme si les scénaristes hésitaient à creuser vraiment le sujet. Par ailleurs, les deux prétendants de Fara, interprétés par Xavier Lacaille et Hakim Jemili, restent des personnages attachants et drôles, mais là encore, la série peine à s’engager pleinement dans cette intrigue amoureuse. Le triangle amoureux, bien qu’essentiel dans la vie de Fara, donne l’impression de tourner en rond.
Au lieu d’apporter un véritable développement personnel à Fara, il ne semble être qu’un ressort comique supplémentaire. Les dialogues sont souvent percutants, mais l’humour finit par s’user face à la redondance des situations. L’écriture de la série alterne entre situations comiques et dramatiques, avec quelques moments où le ton semble juste. Cependant, on retrouve également un certain nombre de clichés associés à la communauté franco-musulmane, que la série aborde sans vraiment chercher à les déconstruire ou les approfondir. Là où d’autres séries ont su tirer parti des stéréotypes pour les revisiter, Miskina se contente parfois de les effleurer, sans apporter la nuance que ce type de thématique demande. Un exemple en est le voyage à Alicante, qui aurait pu être l’occasion pour Fara de renouer avec ses racines familiales et d’en apprendre plus sur elle-même. Ce voyage, qui rappelle celui en Algérie dans la première saison, ajoute certes une dimension visuelle et un exotisme intéressant, mais reste sous-exploité au niveau narratif.
Au lieu de servir d’éveil pour le personnage principal, il devient davantage un décor pour de nouvelles péripéties sans véritable impact sur l’évolution personnelle de Fara. Il faut saluer la volonté de Melha Bedia de proposer une réalisation soignée, avec des scènes extérieures et des décors travaillés, ce qui est plutôt rare dans les comédies françaises. La série affiche une qualité visuelle qui la distingue dans le paysage de la fiction hexagonale, et certains épisodes sont visuellement plaisants. Le choix de mélanger des références de la culture populaire française, notamment avec un épisode hommage aux émissions cultes, ajoute une touche de nostalgie appréciable pour le public. Cependant, cette volonté de bien faire est parfois maladroite. La série oscille constamment entre le registre comique et dramatique sans trouver de véritable équilibre, ce qui crée une dissonance. La narration, trop décousue, passe d’une intrigue à une autre sans vraiment leur donner la place qu’elles méritent.
Les tiroirs narratifs, comme la mention de la drogue dans le coffre de voiture, restent ouverts sans être exploités pleinement, ce qui crée une frustration. Cela donne l’impression que la série veut trop en faire, sans pour autant maîtriser l’ensemble des éléments qu’elle souhaite aborder. Là où des séries comme Platane d’Éric Judor ou En Place de Jean-Pascal Zadi apportent une fraîcheur et une audace assumées dans le renouveau de la fiction comique française, Miskina semble encore hésiter. Elle se situe dans une zone grise entre la comédie et le drame, mais sans arriver à trouver un équilibre solide. Bien sûr, le show reste divertissant, et certains moments sont réellement drôles et touchants, mais l’ensemble manque de la cohérence qui ferait de cette série un incontournable. La série s’inspire de Ramy, une série américaine qui réussit brillamment à aborder les dilemmes de la double culture avec une complexité et une subtilité souvent absentes dans Miskina.
Là où Ramy apporte une profondeur quasi-philosophique sur les questions d’identité, Miskina semble en rester au stade de la comédie de surface, sans atteindre cette profondeur. Ce n’est pas forcément un défaut en soi, mais dans un paysage où les spectateurs attendent plus de réalisme et de nuances, cela peut décevoir. La saison 2 de Miskina, la Pauvre est en somme une comédie sympathique, portée par des personnages attachants et une écriture souvent drôle. Cependant, elle manque de la profondeur qui permettrait de réellement marquer les esprits. Melha Bedia réussit à créer un univers chaleureux, avec des personnages qui rappellent des situations bien réelles pour de nombreux jeunes adultes en quête de sens. Mais en choisissant de s’en tenir aux clichés, sans oser davantage d’audace narrative, la série finit par donner une impression de déjà-vu.
Si la saison 1 m’avait laissé un goût amer, cette saison 2 parvient à redresser légèrement la barre, mais reste insuffisante pour transformer Miskina en un incontournable. Entre des intrigues qui peinent à se renouveler et des personnages qui évoluent peu, cette saison 2 m’a semblé parfois trop hésitante, manquant de l’audace nécessaire pour véritablement dépoussiérer le genre. En fin de compte, Miskina, la Pauvre est une série plaisante, mais qui pourrait faire bien plus. En osant s’aventurer hors de sa zone de confort, en assumant davantage de profondeur et de complexité, elle pourrait réellement se distinguer dans le paysage de la comédie française. Pour l’instant, elle reste une série agréable, sans grande prétention, qui amuse sans véritablement captiver.
Note : 5.5/10. En bref, dans la lignée de la première saison. C’est ni exceptionnel ni mauvais.
Disponible sur Amazon Prime Video
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