25 Janvier 2025
Nightbitch // De Marielle Heller. Avec Amy Adams, Scoot McNairy et Arleigh Snowden.
Dans le cinéma contemporain, certaines œuvres tentent d’explorer des thématiques universelles avec des approches originales. Nightbitch, réalisé par Marielle Heller (L’extradinaire Mr Rogers, The Diary of a Teenage Girl et Les faussaires de Manhattan), fait partie de ces projets audacieux. Avec un synopsis intriguant – une mère au foyer persuadée de se transformer en chien – le film promettait une exploration unique des difficultés de la maternité et des bouleversements identitaires qu’elle engendre. Malheureusement, malgré quelques moments marquants, l’ensemble s’avère inégal, oscillant entre satire incisive et drame convenu.
Après la naissance de son fils, une ancienne artiste reste chez elle et commence à développer la peur de se transformer en chien.
Au cœur de Nightbitch se trouve une réflexion sur la maternité, mais pas celle idéalisée que l’on voit souvent. Ici, la maternité est dépeinte comme une force dévastatrice, capable d’effacer toute trace d’identité individuelle. Le film raconte l’histoire de "Mother", une artiste prometteuse qui a tout abandonné pour s’occuper de son jeune enfant. Rapidement, elle se retrouve submergée par un quotidien monotone et des responsabilités accablantes. Loin d’être une période d’épanouissement, la maternité devient pour elle une spirale descendante où elle perd peu à peu ce qui la définissait. Le point de départ est fascinant.
Il met en lumière un aspect rarement abordé de la parentalité : cette impression d’abandonner une partie de soi au profit de son rôle de parent. À travers les yeux de "Mother", on assiste à une déconstruction progressive de sa vie d’avant. Son intellect, ses aspirations artistiques, et même son estime de soi s’effacent devant les besoins constants de son enfant. Ce regard, bien qu’inconfortable, permet d’aborder des tabous autour de la maternité avec un ton mordant. La grande originalité de Nightbitch réside dans son choix d’explorer cette crise existentielle à travers une transformation littérale. Lorsque "Mother" commence à remarquer des poils sur son corps et ressent des instincts canins, le film bascule dans un mélange de drame psychologique et de fantastique.
Cette métaphore, bien qu’extrême, reflète de manière symbolique le retour à un état primal, une quête pour retrouver une connexion avec son instinct naturel et, peut-être, une forme de liberté. Cependant, si cette idée est audacieuse, elle n’est pas pleinement exploitée. Les scènes où la transformation se manifeste réellement sont trop brèves et souvent traitées comme des éléments secondaires. Ce choix atténue l’impact émotionnel et narratif de cette métaphore, qui aurait pu être un véritable fil conducteur pour le film. L’une des forces de Nightbitch réside dans son ton corrosif. Le film n’hésite pas à mettre à nu les absurdités et les pressions sociales qui entourent la maternité.
Des dialogues acerbes aux situations burlesques, il y a une volonté claire de briser l’image lisse et idéalisée de la mère parfaite. Les interactions entre "Mother" et les autres personnages, notamment son mari souvent absent ou le groupe de mères qu’elle rencontre, offrent des moments de satire particulièrement bien sentis. Cependant, cet équilibre entre comédie noire et drame vacille à mesure que le récit avance. Si la première moitié du film captive par son audace et son humour acide, la seconde moitié s’essouffle. Le ton devient plus consensuel, et les situations perdent de leur mordant. Ce changement affaiblit le message initial et laisse un sentiment d’inachevé.
Amy Adams, qui incarne "Mother", livre une performance impressionnante. Elle parvient à capturer avec une grande justesse la complexité de son personnage : une femme tiraillée entre l’amour qu’elle porte à son enfant et le ressentiment grandissant envers cette vie qui l’écrase. Ses expressions, souvent subtiles, traduisent parfaitement son mal-être et son désir d’échapper à cette prison invisible qu’est devenue sa maison. Cependant, malgré le talent d’Amy Adams, le film peine à lui donner un véritable écrin. Les autres personnages, notamment son mari interprété par Scoot McNairy, manquent de profondeur. Si quelques scènes entre eux sont touchantes, elles ne suffisent pas à créer une dynamique réellement marquante.
Le groupe de mères, qui aurait pu servir de miroir ou de contrepoint à l’héroïne, est relégué à des rôles anecdotiques. Sur le plan visuel, Nightbitch alterne entre moments percutants et séquences plus banales. La mise en scène, parfois inventive, n’exploite pas toujours pleinement le potentiel du sujet. Les scènes où "Mother" bascule dans son état primal auraient pu être plus intenses, plus viscérales. Au lieu de cela, elles restent souvent en retrait, presque aseptisées. Ce manque d’audace visuelle affaiblit l’impact global du film, qui aurait gagné à plonger plus profondément dans le registre du fantastique ou de l’horreur corporelle.
De même, le montage, bien que rythmé dans la première partie, devient plus chaotique vers la fin. Certains arcs narratifs sont laissés en suspens, et le dénouement manque de clarté. Cette impression de précipitation donne au film un air inachevé, comme si le réalisateur avait hésité à pousser son concept jusqu’au bout. Ce qui rend Nightbitch frustrant, c’est son incapacité à maintenir la force de son message initial. La maternité, abordée ici sous un angle sombre et inhabituel, est une thématique riche et universelle. Pourtant, le film semble avoir peur de s’enfoncer trop profondément dans cette exploration. Plutôt que d’assumer pleinement son concept, il choisit de revenir à des schémas narratifs plus classiques dans sa seconde moitié.
Ce recul se ressent également dans l’évolution de "Mother". Alors que le film semblait s’orienter vers une transformation radicale et libératrice, il finit par ramener son héroïne à son point de départ. Cette conclusion, bien que réaliste, laisse un goût d’inachevé. Elle donne l’impression que le film a abandonné ses ambitions en cours de route. Nightbitch est un film qui, malgré ses qualités, risque de diviser. Certains apprécieront son approche satirique et son ton corrosif, tandis que d’autres seront frustrés par son manque de cohérence et son audace limitée. Ce qui aurait pu être une œuvre marquante sur les sacrifices et les frustrations liés à la maternité devient un récit trop timoré, incapable de pleinement assumer ses ambitions.
Pourtant, le film mérite d’être vu, ne serait-ce que pour la performance d’Amy Adams et les questions qu’il soulève. Mais il est difficile de ne pas imaginer ce qu’il aurait pu être avec une mise en scène plus audacieuse et un scénario plus abouti. Avec Nightbitch, Marielle Heller livre un film intrigant mais imparfait. Si le point de départ est prometteur et les premières scènes captivantes, l’ensemble souffre d’un manque d’audace et d’une exécution inégale. Ce qui aurait pu être une exploration profonde et provocante des enjeux de la maternité devient un récit qui aboie plus qu’il ne mord. Malgré tout, le film reste une expérience à part, portée par une Amy Adams magistrale, mais qui laisse un sentiment de frustration face à un potentiel inexploité.
Note : 4.5/10. En bref, dommage que le côté mordant et comédie noire du film s’essouffle au fil du temps.
Sorti le 24 janvier 2025 directement sur Disney+
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