9 Janvier 2025
Un Ours dans le Jura // De Franck Dubosc. Avec Franck Dubosc, Laure Calamy et Benoît Poelvoorde.
Franck Dubosc, une figure bien connue du paysage humoristique français, réussit une fois de plus à intriguer, mais cette fois-ci en tant que réalisateur. Avec Un Ours dans le Jura, il s'éloigne de son registre habituel pour nous offrir une œuvre oscillant entre comédie noire et thriller, avec une pointe d'absurde. Un mélange qui fonctionne par moments, mais qui laisse aussi quelques frustrations. Le titre du film, Un Ours dans le Jura, suscite immédiatement la curiosité. Cependant, l'absence de réponse claire à la question centrale – où est passé cet ours ? – peut dérouter.
Michel et Cathy, un couple usé par le temps et les difficultés financières, ne se parle plus vraiment. Jusqu’au jour où Michel, pour éviter un ours sur la route, heurte une voiture et tue les deux occupants. 2 morts et 2 millions en billets usagés dans le coffre, forcément, ça donne envie de se reparler. Et surtout de se taire.
Était-il réel ou une simple hallucination collective ? Le long-métrage choisit de ne pas donner de réponse, une décision audacieuse qui peut soit frustrer, soit fasciner. Pour ma part, j'aurais apprécié une résolution plus concrète, surtout lorsque le titre et l'intrigue initiale semblent orienter le spectateur vers cette piste. Il est difficile de ne pas penser au chef-d'œuvre des frères Coen, Fargo, en regardant ce film. Dubosc s'inspire clairement de cet univers, mais parvient à l'adapter au contexte français avec brio. Les paysages enneigés du Jura deviennent presque un personnage à part entière, magnifiés par une réalisation soignée.
Ce décor, à la fois majestueux et oppressant, amplifie le sentiment de décalage entre les personnages et les événements extraordinaires auxquels ils font face. L’intrigue démarre fort : un homme lambda, endetté jusqu’au cou, se retrouve soudainement avec deux cadavres sur les bras et un sac de billets posé sur la table de sa cuisine. Ce point de départ, simple mais efficace, pose les bases d’un engrenage implacable où culpabilité, absurdité et violence s’entremêlent. Dubosc, en tant qu’acteur, opte ici pour une sobriété inhabituelle. Cela lui permet de laisser briller ses partenaires, notamment Benoît Poelvoorde en gendarme aussi rusé que maladroit. C’est un plaisir de voir Poelvoorde dans un rôle aussi bien écrit, qu’il porte avec un mélange de finesse et de folie.
Laure Calamy, quant à elle, incarne une femme forte et amorale avec une énergie qui dynamise chaque scène où elle apparaît. Sa relation avec son mari, un homme faible mais sincèrement amoureux, apporte une dimension humaine au milieu du chaos. Cependant, tous les personnages ne bénéficient pas du même soin dans l’écriture. Par exemple, le handicap du fils est évoqué mais jamais approfondi, ce qui donne l’impression d’un élément narratif sous-exploité. Ces omissions n’entachent pas gravement le film, mais elles limitent la profondeur de certains arcs secondaires. Ce qui distingue véritablement Un Ours dans le Jura, c’est son humour. Dubosc maîtrise ici l’art de l’humour noir et du décalage. Les situations absurdes s’enchaînent, jouant souvent sur l’innocence des personnages face à des événements violents ou graves.
Voir Dubosc manipuler une arme sans aucune conscience de la situation dramatique est un exemple parfait de cette dynamique. Le film parvient à équilibrer l’humour et la tension, rendant certains moments hilarants tout en maintenant l’attention du spectateur. Malgré ses qualités indéniables, le film souffre par moments d’un rythme inégal. Certaines scènes semblent s’étirer inutilement, notamment lorsqu’il s’agit de gags de situation. Cela ralentit l’intrigue et peut faire décrocher par endroits. On sent que Dubosc, en tant que réalisateur, hésite parfois à couper dans certaines performances, ce qui est compréhensible mais regrettable.
Au-delà de son intrigue principale, Un Ours dans le Jura aborde des thèmes profonds, tels que la relation à l’autre et la complexité des dynamiques de couple. Les interactions entre les protagonistes et un groupe de migrants apportent des moments touchants, tandis que le couple central offre une réflexion sur les forces et les faiblesses dans une relation. Cette exploration thématique enrichit le film, lui donnant une dimension plus universelle. Malgré ses imperfections, Un Ours dans le Jura reste une belle surprise. Franck Dubosc démontre qu’il est capable d’aller au-delà de son image de comique populaire pour proposer un cinéma audacieux et personnel. Ce mélange de thriller et de comédie noire est un pari risqué, mais globalement réussi.
Si vous aimez les films qui sortent des sentiers battus, avec une pointe de cynisme et une dose d’absurde, ce long-métrage est fait pour vous. Il est rare de voir une comédie noire française aussi bien ficelée, et cela mérite d’être salué. Certes, le film aurait gagné à resserrer son récit et à approfondir certains aspects, mais cela n’enlève rien à son charme. Une chose est sûre : Franck Dubosc est bien plus intéressant derrière la caméra qu’on aurait pu le croire.
Note : 7/10. En bref, un Fargo à la française réussi. Difficile d’imaginer Franck Dubosc à la réalisation et à l’écriture et pourtant… il ne cessera de me surprendre.
Sorti le 1er janvier 2025 au cinéma
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