5 Février 2025
L’intégration de la sexualité des personnes en situation de handicap dans la fiction est une démarche aussi audacieuse que nécessaire. Extra, série courte en dix épisodes, tente de s’emparer de cette thématique rarement abordée, en adoptant un ton mêlant humour et réflexion sociale. Pourtant, malgré une ambition évidente, le résultat peine à convaincre et laisse un goût d’inachevé. En effet, la belle petite surprise qu’était les deux premiers épisodes découverts lors du Festival Séries Mania 2024 disparaît au fil des épisodes pour donner une série convenu et pas toujours percutante. Catherine, interprétée par Anne Girouard, est une femme dont la vie semble bien rangée.
Entre son rôle de cheffe de chœur dans une chorale inclusive et sa vie familiale, elle évolue dans un cadre relativement prévisible. Pourtant, une découverte impromptue déclenche en elle une réflexion qui la conduit à franchir une ligne inhabituelle : elle décide de devenir assistante sexuelle pour les personnes en situation de handicap. Derrière cette décision, se profile une motivation plus trouble qu’un simple élan altruiste. Sa propre vie intime, marquée par une certaine frustration, semble jouer un rôle non négligeable dans cette transformation. C’est ici que la série peine à poser des bases claires : les intentions du personnage principal sont-elles fondées sur une volonté sincère d’aider ou sur un besoin personnel de réinvention ?
Ce manque de lisibilité dans la trajectoire de Catherine laisse place à une ambiguïté qui gêne plus qu’elle ne nourrit le propos. L’une des principales difficultés de Extra réside dans son positionnement tonal. Si l’humour permet souvent d’aborder des sujets complexes avec légèreté, encore faut-il que celui-ci soit employé avec justesse. La série oscille entre des scènes absurdes et d’autres plus graves, mais sans parvenir à établir une harmonie entre ces registres. Là où certains dialogues cherchent à provoquer le rire, le contexte dramatique de certaines situations empêche parfois l’adhésion. L’idée de faire découvrir un métier tabou en France par le biais de la comédie est pertinente, mais le traitement manque de nuances.
Certains moments, en particulier ceux impliquant l’apprentissage de Catherine en tant qu’assistante sexuelle, sont présentés de manière trop mécanique, sans véritable construction émotionnelle. Le sujet de l’assistance sexuelle est un thème qui mérite une approche réfléchie. Dans d’autres pays européens, cette pratique est encadrée et reconnue, tandis qu’en France, elle reste assimilée à la prostitution et donc illégale. L’enjeu de la série est donc double : sensibiliser sur cette réalité tout en explorant la complexité des rapports humains liés au désir et au handicap. Malheureusement, la série peine à aller au-delà de la surface des choses.
Plutôt que d’interroger réellement la place de la sexualité dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap, elle se focalise sur les tourments internes de son héroïne. Résultat : le sujet initial, pourtant riche, s’efface au profit d’un récit centré sur une crise personnelle qui détourne l’attention. Certaines scènes illustrent ce déséquilibre, notamment lorsque Catherine prend des initiatives discutables avec ses choristes. Plutôt que d’offrir une réflexion sur la notion de consentement et sur l’éthique d’une telle profession, la série s’enlise dans des situations qui suscitent davantage de malaise que d’interrogations pertinentes.
Si Anne Girouard parvient à donner du relief à Catherine grâce à son jeu nuancé, les personnages secondaires souffrent d’une écriture plus inégale. Le mari de Catherine, Antoine, semble prisonnier de son rôle d’époux distant, tandis que les autres membres de la chorale peinent à exister au-delà de leur fonction narrative. Là où la série aurait pu offrir des portraits variés et nuancés de personnes en situation de handicap, elle se contente souvent de les inscrire dans des dynamiques simplistes. Certains personnages, comme la secrétaire de la chorale ou le frère de Catherine, auraient mérité plus de développement pour enrichir le propos.
Sur le plan visuel, Extra adopte une réalisation sobre qui ne cherche pas à en faire trop. Ce choix permet une certaine proximité avec les personnages, mais il limite aussi l’impact émotionnel de certaines scènes. Si l’esthétique de la série reste efficace, elle manque parfois d’audace pour transcender son sujet. Les décors, bien que réalistes, ne participent pas activement à la narration. La ville de Vienne, où se déroule l’intrigue, aurait pu être exploitée de manière plus significative pour ancrer l’histoire dans un contexte sociétal spécifique. Au lieu de cela, l’environnement reste en arrière-plan, sans véritable influence sur l’évolution des personnages.
À l’issue des dix épisodes, Extra laisse un sentiment mitigé. L’intention de départ, louable, ne trouve pas toujours l’expression qu’elle méritait. Le sujet de l’assistance sexuelle est abordé, mais sans la profondeur nécessaire pour en faire une réflexion aboutie. La série semble osciller entre plusieurs directions sans jamais choisir un cap clair. L’humour aurait pu être un excellent vecteur de réflexion, mais son utilisation maladroite crée parfois plus de confusion que de recul critique. De même, les dilemmes personnels de l’héroïne finissent par éclipser le véritable sujet, rendant le propos flou.
Extra avait le potentiel d’ouvrir un débat essentiel sur la sexualité des personnes en situation de handicap et sur la place de l’assistance sexuelle en France. Cependant, en cherchant à combiner humour, réflexion sociale et drame personnel, la série peine à offrir un regard cohérent et percutant sur son sujet.
Si certaines scènes fonctionnent et que le talent d’Anne Girouard apporte une véritable plus-value, l’ensemble manque d’unité. Les bonnes intentions ne suffisent pas toujours à faire une œuvre marquante, et Extra en est un exemple frappant. Aborder un sujet tabou demande une rigueur et une finesse qui font ici défaut, laissant une impression d’inachevé.
Note : 4.5/10. En bref, tout n’est pas raté dans Extra mais elle n’est finalement pas aussi « extra » que le laissait espérer les deux premiers épisodes.
Disponible sur le portail Ciné+ OCS via myCanal
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