1923 (Saison 2, 7 épisodes) : la brutalité de l’Ouest en pleine lumière

1923 (Saison 2, 7 épisodes) : la brutalité de l’Ouest en pleine lumière

Il y a quelque chose de profondément fascinant dans l’univers de 1923. À première vue, cette série semble simplement prolonger l’héritage de Yellowstone, comme un chapitre de plus dans cette fresque familiale qui traverse les époques. Mais en s’immergeant dans la saison 2, une évidence s’impose : cette histoire ne se contente pas de perpétuer une lignée. Elle explore, encore et encore, la même obsession, la même quête viscérale – défendre un territoire coûte que coûte, quitte à embrasser la violence la plus archaïque. Derrière cette chronique du Montana en pleine mutation, Taylor Sheridan déploie une vision du monde sans concession, où l’environnement est plus qu’un décor : il devient un personnage à part entière. 

 

La montagne n’est pas simplement froide, elle est hostile. La neige n’est pas seulement un élément climatique, elle est une menace, une arme, un piège. L’Ouest n’est pas un rêve américain ; c’est un cauchemar éveillé, une terre d’épreuves où seuls les plus durs survivent. La saison 2 débute avec une intensité dramatique qui ne faiblira jamais. Tout respire la menace, que ce soit dans les regards, dans les silences, ou dans les hurlements du vent. Dès les premiers épisodes, l’affrontement entre la famille Dutton et les forces qui souhaitent les anéantir atteint une nouvelle dimension. Plus question ici de simples querelles de voisinage. 

 

L’enjeu est clair : raser leur monde, effacer leur lignée, effondrer leur empire. Donald Whitfield, interprété avec une perfidie jouissive par Timothy Dalton, incarne ce capitalisme sans âme, cette volonté de conquête qui ne recule devant rien. Son pouvoir ne vient pas d’un fusil ou d’une terre, mais de sa capacité à corrompre, manipuler, détruire à distance. Et pourtant, même avec toute sa richesse, ce personnage reste profondément ancré dans la crasse morale. Sa cruauté sexuelle, son plaisir sadique à soumettre, sont autant de démonstrations d’un pouvoir totalement débridé, sans foi ni loi.

 

Parallèlement à la guerre territoriale qui se joue dans les plaines du Montana, la série déploie deux récits épiques : celui de Spencer, vétéran endurci perdu entre les continents, et celui d’Alexandra, son épouse anglaise, seule face à l’Amérique rugissante. Leur séparation devient rapidement l’un des ressorts émotionnels les plus puissants de la saison. Le parcours de Spencer, presque mythologique, s’apparente à une quête initiatique. Héros à la carrure d’Indiana Jones, il incarne cette masculinité romantisée que Sheridan chérit tant. Chez lui, la violence n’est pas gratuite. 

 

Elle est légitime, ciblée, presque noble. Spencer tue, mais pour protéger. Il frappe, mais pour survivre. Il souffre, mais ne plie jamais. Quant à Alexandra, son parcours n’est pas moins digne d’intérêt. Isolée, étrangère dans un monde brutal, elle doit apprendre à se battre avec d’autres armes – la ruse, l’intelligence, la détermination. Ce duo, séparé par les océans mais uni par un lien indestructible, incarne une forme de romantisme ancien, rare à l’écran. Au centre de cette tempête, le couple formé par Cara et Jacob Dutton incarne la colonne vertébrale de l’univers. 

 

Helen Mirren et Harrison Ford livrent des performances d’une densité remarquable, oscillant entre autorité, tendresse et désespoir. Il y a chez eux une compréhension mutuelle, une forme de langage silencieux, qui traverse chaque scène. Cara n’est pas simplement la femme du patriarche. Elle est stratège, gardienne, figure maternelle et guerrière. Sa violence n’est jamais gratuite, mais toujours maîtrisée. Sa fameuse gifle à une jeune femme en pleine crise reste l’une des scènes les plus saisissantes de la saison – une de ces rares séquences télévisuelles où la tension se libère d’un coup sec, sans préavis.

 

Jacob, quant à lui, incarne cette masculinité rugueuse, mais jamais caricaturale. Il ne parle pas beaucoup, mais chaque mot pèse. Chaque décision engage une famille entière. Même dans les moments les plus sombres, il reste debout, comme un vieux chêne face à l’ouragan. Impossible d’évoquer cette saison sans parler de l’arc narratif de Teonna Rainwater. Ce personnage, porteur d’une charge symbolique immense, poursuit son évasion après les atrocités subies dans une école religieuse destinée à effacer son identité. Son combat n’est pas seulement celui d’une jeune fille pour sa liberté. C’est celui d’un peuple entier pour sa survie.

 

Sheridan, sans jamais sombrer dans le didactisme, parvient à évoquer la violence coloniale et religieuse avec une précision glaçante. Le personnage du prêtre Renaud, implacable chasseur d’âmes, incarne cette foi fanatique qui a broyé des générations d’enfants autochtones. Le chemin de Teonna est semé d’embûches, mais porté par une rage salvatrice. Elle ne subit pas l’histoire : elle la confronte, la refuse, la retourne contre ceux qui l’écrasent. Cette dimension politique, brutale mais nécessaire, donne à 1923 une profondeur rarement atteinte dans les fictions historiques contemporaines.

 

À travers ces récits entremêlés, la série peint le portrait d’une Amérique naissante, mais déjà gangrenée. Une terre où l’argent achète tout, où la loi est celle du plus fort, et où la morale s’efface face à la nécessité de survivre. Il n’y a pas de salut ici. Seulement des choix impossibles. Chaque personnage, qu’il soit héros ou antagoniste, agit selon une logique de survie. Même les figures secondaires – qu’il s’agisse de Liz Strafford, déchirée entre amour et instinct de protection, ou des membres de la famille élargie Dutton – sont pris dans un engrenage d’une cruauté implacable.

 

La série ne cherche jamais à justifier leurs actions, mais elle les contextualise avec une efficacité redoutable. Ce monde est dur, alors les hommes doivent l’être encore plus. Le sentiment d’injustice est omniprésent, mais il ne pousse jamais à la plainte. Il forge les caractères, détruit les faibles, exalte les autres. Au-delà du fond, 1923 impressionne par sa forme. Chaque plan semble conçu pour être iconique. La lumière hivernale, crue, transforme les paysages en tableaux de maître. Les costumes, soignés jusque dans les moindres détails, ancrent l’action dans une époque parfaitement reconstituée. Les décors naturels, quant à eux, ajoutent une dimension épique rarement égalée à la télévision.

 

Et que dire de la musique ? Discrète, mais toujours juste, elle accompagne les scènes comme une ombre, accentuant les tensions sans jamais les surligner. C’est une œuvre d’orfèvre, visuellement somptueuse, qui mérite d’être vue sur le plus grand écran possible. Il serait facile de reprocher à 1923 sa tonalité résolument sombre, son absence d’espoir ou sa glorification de la violence. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Cette série ne cherche pas à édulcorer le passé. Elle ne propose pas une relecture idéalisée de l’Ouest, mais au contraire, une plongée brutale dans ses entrailles.

 

Chaque épisode est un rappel de ce que l’Amérique a été – un lieu de conquête, d’injustice, de survie. C’est une série qui dérange, qui frappe, qui bouleverse. Et c’est précisément pour cela qu’elle captive autant. Avec cette deuxième saison de 1923, Taylor Sheridan confirme son statut de conteur hors pair. Il ne révolutionne pas son style – et n’en a pas besoin. Sa signature est là : une poésie virile, un romantisme brutal, une nostalgie assumée pour une époque qui n’a jamais existé telle qu’on la fantasme. Certains y verront une série trop sérieuse, trop dramatique, voire excessive. 

 

Mais dans un paysage audiovisuel souvent tiède, 1923 offre une claque salutaire. Elle assume ses excès, ses envolées mélodramatiques, sa grandeur presque opératique. La série s’inscrit dans une lignée classique, mais avec une puissance moderne. Elle puise dans les codes du western, de la tragédie antique, du roman familial, pour en faire une œuvre dense, rugueuse, mais profondément humaine. En refermant cette saison, une chose est certaine : ce monde ne pardonne rien. Mais c’est précisément ce qui le rend aussi hypnotisant.

 

Note : 8/10. En bref, dans un paysage audiovisuel souvent tiède, 1923 offre une claque salutaire. Elle assume ses excès, ses envolées mélodramatiques, sa grandeur presque opératique. La série s’inscrit dans une lignée classique, mais avec une puissance moderne.

Disponible sur Paramount+

La saison 2 de 1923 est la dernière de la série. Un nouveau spin off prequel de Yellowstone est prévu : 1944, et se déroulera en plein coeur de la Seconde Guerre Mondiale. 

 

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