9 Avril 2025
La saison 1 de Clean dévoile une fiction qui ose plonger dans des zones souvent délaissées par les productions télévisuelles traditionnelles. L’histoire, répartie sur quatre épisodes, ne cherche pas à faire l’unanimité. Elle propose plutôt une plongée dans des existences malmenées par la précarité, la solitude et les rapports de force sociaux. Là où d'autres se contentent de survoler le sujet, cette série prend le temps de déployer ses enjeux, tout en laissant émerger une tension croissante. Lola, le personnage principal, est femme de ménage dans une grande société de nettoyage.
Ce quotidien discret cache en réalité une existence sous pression. L’endettement chronique, les démarches pour conserver la garde de ses filles, et les conflits avec un ex-mari composent un contexte étouffant. L’idée de sortir de cette impasse ne vient pas d’un coup de chance, mais d’une observation banale qui va tout faire basculer. Lorsqu’elle découvre par hasard que l’un des courtiers de la banque dans laquelle elle intervient pratique le délit d’initié, une porte s’entrebâille. Ce n’est pas tant l’envie de tricher qui l’anime que le besoin vital de changer les règles du jeu. Ce choix de basculer dans l’illégalité n’est ni glorifié ni condamné de manière frontale. Il est plutôt présenté comme une conséquence logique d’un système verrouillé.
Ce système, justement, place ses protagonistes dans une forme d’invisibilité sociale qui leur permet d’agir sans attirer les soupçons. Lola n’agit pas seule. Deux collègues se joignent à elle : Jess et Mina. Leur complicité n’est pas instantanée, elle se construit à mesure que le projet prend forme. À travers ce trio, la série esquisse une dynamique de solidarité qui se renforce face à l’adversité. Ce n’est pas une fiction qui cherche à idéaliser ses personnages. Chacune porte ses failles, ses contradictions, ses colères et ses ambiguïtés. Ce qui ressort avant tout, c’est une volonté de ne plus subir.
Les stratégies mises en place pour tirer profit des informations détenues par le courtier ne sont pas sans risque. Elles impliquent des détours complexes, des mensonges, une double vie à assumer. La tension monte progressivement, sans jamais éclipser les enjeux humains derrière les actes. La force de la série réside aussi dans sa manière de mêler les registres. Ce n’est ni un pur thriller ni une simple chronique sociale. C’est un peu des deux. Le récit avance sur un fil tendu entre la peur de l’échec et l’excitation de reprendre la main sur son destin.
Certains moments frôlent l’absurde, d’autres ramènent à une réalité brute. Ce mélange de tons permet aux personnages d’exister pleinement, sans être enfermés dans une posture unique. La réalisation de Cathy Verney offre une lecture fluide, soutenue par un rythme régulier qui ne faiblit pas au fil des épisodes. Le style visuel accompagne les évolutions de l’intrigue, sans artifices inutiles. Le choix de filmer certains instants avec une proximité marquée souligne l’intensité des dilemmes intimes qui traversent Lola et ses acolytes. Le jeu d’Alix Poisson dans le rôle principal capte l’attention sans jamais chercher à dominer la scène. Il s’agit plutôt d’une présence constante, réflexive, qui imprime son rythme au récit.
Ses interactions avec les autres personnages permettent de faire émerger des émotions différenciées, loin des clichés habituels. Le duo qu’elle forme avec Léonie Simaga, et l’énergie que dégage Thaïs Vauquières, complètent un équilibre d’ensemble convaincant. Il y a dans cette série une façon d’aborder les rapports de classe sans discours appuyé. Les actions parlent d’elles-mêmes. La manière dont les trois protagonistes naviguent dans un univers codifié, celui de la finance et de ses zones grises, interroge sur la légitimité des accès aux ressources. Le spectateur se retrouve face à un renversement des rôles : celles qu’on considère comme des invisibles prennent le pouvoir en exploitant les angles morts du système.
Cette posture de rébellion tranquille donne une couleur particulière au projet. Ce n’est ni un plaidoyer ni une simple diversion. Plutôt un espace de réflexion et de fiction où les marges deviennent le centre. Il y a une forme de satisfaction à voir ces femmes construire une stratégie, assumer les conséquences, mais surtout ne plus rester passives face à une réalité qui les étouffe. En même temps, la série n’occulte pas les failles de son propre dispositif. L’aspect financier, bien que central, n’est pas toujours présenté de manière accessible. Certaines explications sur les mécanismes boursiers peuvent sembler opaques pour un public non averti.
Cela n’empêche pas la compréhension globale, mais crée ponctuellement un petit décalage entre l’intention pédagogique et la clarté du propos. En quatre épisodes, Clean trace une trajectoire dense, sans perdre de vue ses personnages. Leur transformation s’opère autant dans les actes que dans les regards. Leurs choix, même quand ils déroutent, sont le reflet d’une volonté de rompre avec l’assignation à la souffrance silencieuse. Cette façon de raconter une revanche, sans en faire une success story classique, donne à la série une tonalité singulière. Plutôt que de distribuer les bons et les mauvais points, Clean montre des parcours.
Des itinéraires cabossés, portés par des femmes qui, en se réappropriant leur narratif, brouillent les lignes entre légitimité et transgression. Il ne s’agit pas de juger, mais de suivre. De ressentir. De comprendre sans étouffer l’ambiguïté. En refermant cette première saison, l’impression qui domine est celle d’une fiction qui laisse une trace. Non pas par l’ampleur de son dispositif, mais par la sincérité de son approche. Chaque personnage, chaque décision, chaque écart face à la norme, raconte quelque chose d’une société en tension. Clean n’offre pas de réponses toutes faites, mais ouvre un espace de questionnement utile et rarement exploré à la télévision.
Note : 7/10. En bref, en quatre épisodes, Clean trace une trajectoire dense, sans perdre de vue ses personnages. Leur transformation s’opère autant dans les actes que dans les regards. Cette façon de raconter une revanche, sans en faire une success story classique, donne à la série une tonalité singulière.
Disponible sur M6+
⚠️ Compte tenu des audiences catastrophiques des deux premiers épisodes M6 a décidé de programmer les deux derniers épisodes de la saison à 0h45. On peut donc imaginer que la série n’aura pas de saison 2.
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