Elixer (Saison 1, 8 épisodes) : Succession au pays du gouda

Elixer (Saison 1, 8 épisodes) : Succession au pays du gouda

La première saison d’Elixer, série néerlandaise diffusée sur NPO+, s’attaque à un univers rarement exploré en profondeur : celui de l’industrie pharmaceutique. Sur le papier, le concept intrigue. Mélanger les tensions d’un drame familial à la mécanique opaque des grands groupes pharmaceutiques promettait un cocktail à la fois critique, intime et tendu. Dans les faits, la série peine à tenir la distance. Dès les premières scènes, Elixer installe un climat lourd, tendu, presque suffocant. La série s’ouvre sur un accident, celui de Ludo Rombauts, PDG d’un géant pharmaceutique familial, qui doit brutalement céder sa place. 

 

C’est sa fille, Isabelle, qui se retrouve parachutée à la tête de l’entreprise. Elle est visiblement mal préparée à affronter un milieu qui ne fait de cadeau à personne – encore moins à ceux qui ne rentrent pas dans le moule. Cette mise en situation offre une base solide : conflits d’héritage, tensions familiales, responsabilités écrasantes et enjeux éthiques liés aux médicaments. Mais ce bon départ s’essouffle rapidement. Après deux épisodes au rythme soutenu, les failles commencent à apparaître. La réalisation ne suit pas toujours, et l’univers visuel, sans être laid, rappelle trop souvent un style télévisuel daté, presque institutionnel, sans prise de risque esthétique. L’ambition est là dans le fond, mais pas dans la forme.

 

Difficile de ne pas penser à Succession quand on observe les dynamiques au sein de la famille Rombauts : un patriarche vieillissant, une succession incertaine, des enfants qui se battent plus pour l’héritage que pour la vision d’entreprise. La série veut jouer sur cette tension permanente entre héritage affectif et intérêts économiques, mais la tension finit par se diluer. La sœur, parachutée à la direction, est censée être le cœur du conflit. Mais ses longs monologues d’entreprise, souvent forcés, cassent le rythme. Il manque cette nervosité, cette fébrilité constante qui fait vibrer les meilleures séries de ce genre. 

 

Ici, les dialogues sont souvent trop écrits, trop maîtrisés, comme s’ils n’étaient jamais passés par l’épreuve du réel. Ce n’est pas la première fois que ce genre de série européenne promet beaucoup et s’effondre à mi-parcours. Il y a une tendance, notamment dans les productions néerlandaises, à ne pas réussir à maintenir un cap narratif solide sur la longueur. Après quatre épisodes, l’attention commence à se disperser. Trop de personnages secondaires, trop de sous-intrigues introduites sans être véritablement creusées. On sent que la série veut dire beaucoup de choses : sur la santé mentale, sur l’argent, sur la famille, sur la morale en entreprise… mais elle finit par dire tout cela en surface.

 

Elixer se veut un regard critique sur les dérives du système pharmaceutique. C’est un terrain riche, notamment avec l’intrigue autour d’un antidépresseur aux effets secondaires dramatiques. L’idée est intéressante : suivre les conséquences humaines d’un médicament conçu dans un laboratoire, validé à la va-vite, vendu à grande échelle, puis rattrapé par les dégâts qu’il provoque. Le problème, c’est que tout cela reste assez téléphoné. Le suspense ne prend jamais totalement. Les enjeux financiers sont là, mais ils manquent de densité. Et les scènes censées choquer tombent souvent à plat.

 

La série évoque aussi la place des investisseurs, les manipulations de dossiers médicaux, la pression de la performance… mais toujours en restant dans une forme de retenue. Trop polie pour être percutante, trop sage pour réellement bousculer. Tout n’est pas à jeter. Certains choix de casting fonctionnent bien, en particulier les rôles plus jeunes. Lola, notamment, apporte un souffle plus brut à une série souvent trop lisse. Son personnage, lié de manière intime à l’un des fils Rombauts, permet d’ancrer la série dans une réalité émotionnelle plus directe. Le jeu de J-Leeta Tijmes est crédible, parfois même poignant.

 

Autre aspect positif : les deux derniers épisodes. Sans révolutionner la structure, ils offrent un rythme plus soutenu, recentrent l’intrigue, réduisent le nombre de pistes secondaires pour revenir à ce qui compte vraiment. Le final donne une certaine forme de clôture, mais il arrive un peu tard. L’investissement émotionnel du spectateur, déjà mis à rude épreuve par la dispersion narrative du milieu de saison, n’est plus tout à fait au rendez-vous. La série tente de s'étendre géographiquement, avec des scènes à Los Angeles, en Chine, et bien sûr aux Pays-Bas. 

 

Cela donne l’impression que l’histoire se veut globale, mais cette volonté d’internationalisation est plus décorative que structurelle. Rien dans la mise en scène ne justifie vraiment ces allers-retours. Ils semblent souvent forcés, ajoutés pour donner du volume plutôt que du fond. La série veut être à la hauteur des géants américains du genre, comme Painkiller ou Dopesick, mais elle n’en a ni le mordant ni l’efficacité. On comprend la volonté de proposer une alternative néerlandaise, plus intime, plus locale, mais le résultat reste tiède. Ce qui aurait pu être le fil conducteur – la critique des abus de pouvoir dans l’industrie pharmaceutique – devient un bruit de fond. 

 

La réalisatrice, elle-même marquée par une expérience personnelle avec le cancer, essaie d’insuffler un regard personnel et engagé. Mais cet élan est trop souvent noyé dans une narration qui cherche à trop en faire. Le discours sur la santé mentale, pourtant pertinent, est aussi abordé sans vraie force. Quelques scènes fonctionnent, notamment autour des jeunes personnages, mais elles manquent de constance. Le sujet du tabou, du mal-être psychologique, méritait mieux. Elixer avait toutes les cartes en main pour proposer quelque chose de différent. L’intention est louable, le sujet pertinent, la structure de départ efficace. Mais tout cela s’effrite trop rapidement. 

 

Le cœur émotionnel ne bat pas assez fort, l’esthétique manque de personnalité, et les dialogues, souvent trop mécaniques, freinent l’immersion. La série n’est pas catastrophique. Elle se regarde, parfois même avec un intérêt renouvelé. Mais elle ne dépasse jamais ce stade : celui d’une tentative correcte, mais inaboutie. Une série qui voulait trop en dire, trop en montrer, sans prendre le temps d’approfondir. Et dans un univers aussi complexe et sensible que celui de la pharmaceutique, le manque de précision se paie cher.

 

Note : 4.5/10. En bref, la série n’est pas catastrophique. Elle se regarde mais ne dépasse pas le stade d’une tentative correcte mais inaboutie. 

Prochainement en France

Disponible sur NPO+, accessible via un VPN

 

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