The Bear (Saison 3, 10 épisodes) : frustration sous pression

The Bear (Saison 3, 10 épisodes) : frustration sous pression

The Bear, cette série qui a captivé mon attention depuis ses débuts avec son portrait intense et poétique du monde culinaire, revient pour une troisième saison attendue avec impatience. Dès ses débuts, la série s'est démarquée par son approche innovante et viscérale, mêlant les éléments de drame, de comédie noire, et une exploration approfondie du labeur créatif et des relations humaines. Cependant, cette nouvelle saison, bien qu’ambitieuse, laisse une sensation d’inachevé, marquant ainsi un tournant dans la trajectoire de la série. Dès les premières minutes de cette nouvelle saison, The Bear réaffirme son statut de série télévisée d'exception. L’épisode inaugural, intitulé "Tomorrow", se démarque par son traitement presque expérimental, où le dialogue cède la place à une série de plans rapides, accompagnés d'une bande-son envoûtante signée Trent Reznor et Atticus Ross. 

 

Cette ouverture, bien que déroutante, capte l’essence de la série : un voyage impressionniste à travers l’esprit tourmenté de Carmy Berzatto, le personnage central. On navigue entre le passé et le présent, les souvenirs et les anticipations, dans un flou temporel qui reflète parfaitement l’état psychologique du protagoniste. Toutefois, ce choix narratif audacieux peut sembler à la fois fascinant et frustrant. Lors d’un premier visionnage, l'épisode peut paraître trop abstrait, éloigné des récits plus linéaires auxquels le public est habitué. Cependant, une fois la saison terminée, revisiter cet épisode permet de mieux en saisir la profondeur et les nuances. The Bear n'est pas une série qui se contente de raconter une histoire ; elle exige un engagement et une réflexion active de la part de son audience, ce qui, bien que stimulant pour certains, peut en rebuter d'autres.

 

L'un des aspects les plus marquants de cette troisième saison est son caractère transitoire. Les dix épisodes qui la composent semblent parfois tourner en rond, abordant des conflits déjà explorés dans les saisons précédentes sans offrir de véritables avancées narratives. Certes, The Bear a toujours été une série qui prend son temps, préférant la lente maturation des personnages à des rebondissements rapides. Mais ici, cette lenteur frôle parfois la stagnation. Carmy, ce chef talentueux mais tourmenté, continue de s'auto-saboter, tant dans sa vie professionnelle que personnelle. Son obsession pour la perfection, symbolisée par ses « non-négociables » pour faire du Bear un restaurant de classe mondiale, le pousse à des extrêmes, aliénant ses proches et menaçant sa propre santé mentale. De son côté, Sydney, chef de cuisine et bras droit de Carmy, commence à douter de sa place dans cette entreprise, se demandant si elle est vraiment considérée comme une partenaire à part entière ou simplement une exécutante des volontés de Carmy.

 

Cette saison soulève de nombreuses questions — Carmy va-t-il se réconcilier avec Claire ? Sydney va-t-elle signer l'accord de partenariat ? Le restaurant va-t-il réussir à survivre financièrement ? — mais au lieu d'y répondre, elle se contente de les prolonger, laissant les spectateurs dans l’incertitude. Ce manque de résolution est particulièrement frustrant dans un contexte où les attentes étaient si élevées. Malgré ces critiques, il serait injuste de ne pas reconnaître les moments de génie qui ponctuent cette saison. Deux épisodes, en particulier, se distinguent par leur qualité exceptionnelle. L'épisode "Napkins", réalisé par Ayo Edebiri, est un retour en arrière qui met en lumière le parcours de Tina, devenue sous-chef. Cet épisode, bien que déconnecté du fil narratif principal, offre un aperçu émouvant de la manière dont les personnages trouvent un sens et une communauté au sein du restaurant. 

 

L'autre épisode, "Ice Chips", centré sur la sœur enceinte de Carmy, Natalie, est un véritable tour de force émotionnel, explorant les thèmes de la famille, du pardon, et des relations intergénérationnelles avec une sensibilité remarquable. Avec notamment une scène en particulier à l’hôpital qui m’a bouleversé. Ces épisodes montrent que, lorsque The Bear se concentre sur l'exploration des personnages et des thèmes humains fondamentaux, elle atteint des sommets de narration télévisuelle. Malheureusement, ces moments sont trop rares au cours de cette saison, qui semble souvent s’égarer dans des intrigues secondaires moins convaincantes. The Bear a toujours excellé dans la transmission des émotions à travers le prisme de la cuisine. La série capture de manière poignante comment la préparation des aliments peut être une métaphore de la vie elle-même — pleine de défis, de répétitions, de moments de grâce et de frustration. 

 

Cette saison continue de jouer sur cette corde sensible, en particulier dans l'arc narratif de Marcus, le pâtissier, qui trouve dans la pâtisserie un moyen d'exorciser son chagrin face à la perte de sa mère. Cependant, cette saison semble également s’enliser dans sa propre admiration pour le monde culinaire réel. Les apparitions de chefs célèbres comme Grant Achatz et Christina Tosi, bien qu'impressionnantes, distraient parfois du récit principal, donnant l'impression que la série se perd dans un exercice de style plutôt que de se concentrer sur les personnages fictifs que les spectateurs ont appris à aimer. En fin de compte, la troisième saison de The Bear est un mélange complexe de moments de pure beauté et de frustrations narratives. Elle continue de briller par son esthétique, ses performances d'acteurs et sa capacité à capturer l'essence des relations humaines à travers le prisme du travail et de la création. 

 

Cependant, elle souffre également de sa nature inachevée, laissant de nombreuses questions en suspens et un sentiment d'incomplétude. C’est une saison qui pousse les frontières de la série, parfois à ses propres dépens. Pourtant, même dans ses faiblesses, The Bear reste l'une des séries les plus captivantes et les plus ambitieuses de la télévision actuelle. Elle nous rappelle que, tout comme dans la cuisine, la quête de perfection est une course sans fin, où les échecs et les imperfections sont autant de marches vers une éventuelle maîtrise. En espérant que la prochaine saison saura transformer ces promesses en une expérience plus satisfaisante et cohérente.

 

Note : 6/10. En bref, une très belle saison, qui prouve que la série peut encore être magistrale. Mais ces moments sont trop peu nombreux par rapport aux deux saisons précédentes, rendant l’expérience frustrante. 

Disponible sur Disney+

 

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