American Sports Story: Aaron Hernandez (Saison 1, épisodes 1 et 2) : tragédie sportive ou drame social ? 

American Sports Story: Aaron Hernandez (Saison 1, épisodes 1 et 2) : tragédie sportive ou drame social ? 

La série American Sports Story: Aaron Hernandez suscite de vifs débats dès ses premiers épisodes. S’inspirant de la vie tumultueuse d’un joueur prometteur des New England Patriots devenu criminel, cette première saison, produite par FX, mêle réalité et fiction pour explorer les facettes sombres de ce personnage complexe. Les deux premiers épisodes, "If It's to Be" et "Consequences, with Extreme Prejudice", plantent le décor en revenant sur l’enfance d’Hernandez, son ascension dans le monde du football américain, et ses premiers démêlés avec la justice. Il est essentiel de rappeler que cette série n’est pas un documentaire, mais bien une série dramatique basée sur des faits réels. Cela signifie que certaines libertés narratives ont été prises, notamment pour accentuer l’aspect dramatique du récit. En tant que spectateur, il est donc primordial de garder à l’esprit que ce que l’on voit n’est pas toujours fidèle à 100 % à la réalité. 

 

Cependant, les événements clés de la vie d’Hernandez sont bien présents et les faits les plus marquants de son histoire sont largement abordés. Dès les premières minutes du premier épisode, la série choisit de s’écarter des terrains de football pour plonger le spectateur dans un club de strip-tease en Floride, en 2013. Ce choix scénaristique pose d’emblée le ton de la série : il ne s’agit pas ici d’un hommage à la carrière d’un joueur, mais bien de l’exploration des zones d’ombre de sa personnalité et de sa descente aux enfers. La série introduit Alexander Bradley (surnommé Sherrod), un ami proche d’Hernandez, pour ensuite révéler le moment où Hernandez lui tire une balle dans la tête pendant son sommeil. Cet acte de violence, qui fait écho à un témoignage rendu lors d’un procès, est sans doute l’un des moments les plus choquants et symboliques de la série. Il illustre la dérive d’un homme qui, malgré son talent, semble incapable de fuir ses propres démons.

 

"If It's to Be" nous plonge ensuite dans le passé d’Hernandez, à Bristol, dans le Connecticut, où il grandit dans une famille dysfonctionnelle. Le portrait qui est dressé de son père, Dennis Hernandez, est celui d’un homme autoritaire et violent, qui exerce une pression immense sur ses enfants pour qu’ils réussissent. C’est là que la série fait un excellent travail en soulignant les contradictions de cet homme : bien qu’il souhaite éloigner ses fils des ennuis, sa méthode basée sur la violence et le contrôle finit par briser Aaron psychologiquement. Cette première partie de la série met aussi en lumière l’importance de la famille et de l’environnement social dans la construction de l’identité d’Aaron Hernandez. Malgré un avenir prometteur dans le football, le jeune homme est profondément marqué par les abus physiques et émotionnels qu’il subit. Ces traumas initiaux, ajoutés à une lutte intérieure avec sa sexualité, créent une tension sous-jacente qui ne cessera de grandir au fil des épisodes. Ce n’est donc pas simplement l’histoire d’un athlète en déclin que la série raconte, mais aussi celle d’un homme pris au piège de son propre passé.

 

Le deuxième épisode, "Consequences, with Extreme Prejudice", fait un bond dans le temps pour s’intéresser à la période universitaire d’Hernandez, alors qu’il rejoint les Florida Gators sous la direction du coach Urban Meyer. Ici, la série aborde un thème fondamental : celui des athlètes universitaires qui échappent souvent aux conséquences de leurs actes en raison de leur statut privilégié. La scène où Hernandez frappe un barman dans un bar après une dispute sur l’addition est particulièrement révélatrice. Alors que dans la réalité cet incident n’a pas eu de grandes répercussions légales pour le joueur, la série met en lumière l’impunité dont bénéficient souvent les athlètes de haut niveau. Cette question d’impunité est centrale dans l’analyse du personnage d’Hernandez. À maintes reprises, il semble que son comportement autodestructeur est encouragé, voire protégé, par son entourage. Que ce soit à travers l’intervention d’avocats influents ou la complicité tacite de son équipe, Hernandez évite les conséquences de ses actes. 

 

Ce cycle d’impunité renforce une idée déjà bien ancrée chez le jeune homme : celle qu’il est intouchable, ce qui le pousse à franchir des limites toujours plus extrêmes. Un autre aspect clé de la série, souvent mis en avant dans ces deux premiers épisodes, est la lutte intérieure d’Hernandez avec sa sexualité. En choisissant de montrer des moments intimes entre Hernandez et son ami d’enfance Dennis SanSoucie, la série introduit une autre dimension de la tragédie de l’athlète. Son homosexualité, bien que largement spéculée dans les médias, n’a jamais été confirmée publiquement. Cependant, la série en fait un élément central de son récit, soulignant à quel point la pression de son père et la culture hyper-masculine du football l’ont poussé à réprimer cette part de lui-même. Ce choix narratif peut diviser les spectateurs, mais il est indéniable qu’il ajoute une couche supplémentaire à la complexité du personnage. En effet, l’idée que Hernandez ait été en conflit constant avec sa propre identité sexuelle renforce la tragédie de son histoire. La série montre comment cette répression a pu contribuer à son comportement erratique et violent, ainsi qu’à sa descente aux enfers. 

 

L’une des principales questions soulevées par cette adaptation est celle du besoin de dramatiser une histoire aussi récente et tragique. Les réactions mitigées des réseaux sociaux lors de l’annonce de la série sont compréhensibles : pourquoi raconter une nouvelle fois cette histoire, alors que des documentaires comme Killer Inside sur Netflix ou le podcast Gladiator ont déjà exploré les faits de manière exhaustive ? La réponse réside peut-être dans la façon dont la série choisit d’explorer les thèmes universels de la masculinité toxique, de l’impunité et des conséquences des traumatismes non résolus. Toutefois, ces premiers épisodes laissent planer le doute quant à la réelle profondeur de cette exploration. Si certains aspects du récit semblent prometteurs, comme la critique de la culture du football universitaire ou l’examen des dynamiques familiales destructrices, d’autres choix narratifs flirtent dangereusement avec le sensationnalisme. 

 

Les deux premiers épisodes de American Sports Story offrent un portrait nuancé et souvent troublant d’Aaron Hernandez. Si la série parvient à éviter les pièges du sensationnalisme gratuit, elle pourrait offrir une réflexion intéressante sur les forces sociales et personnelles qui ont conduit à la chute de cet athlète prometteur. Néanmoins, il reste à voir si elle réussira à maintenir cet équilibre sur la longueur, ou si elle se laissera happer par la tentation de simplifier une histoire aussi complexe que tragique. Quoi qu’il en soit, ces premiers épisodes nous rappellent que la gloire sportive n’est jamais qu’une partie de l’histoire, et que les vrais drames se jouent souvent en dehors du terrain.

 

Note : 5.5/10. En bref, une série intéressante et nuancée qui pourrait pousser plus loin certaines de ses réflexions sociales et sportives. 

Disponible sur Disney+

 

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