23 Septembre 2024
La série Emily in Paris, désormais bien installée sur Netflix avec quatre saisons à son actif, a toujours été perçue comme un divertissement léger, idéal pour le binge-watching occasionnel. Avec son esthétisme tape-à-l'œil, ses intrigues amoureuses rocambolesques et son univers de haute couture, la série semble faite sur mesure pour l'ère des réseaux sociaux. Pourtant, si cette superficialité amusante a su séduire un large public, notamment ceux à la recherche d'un moment d'évasion, elle montre désormais ses limites. Alors que la deuxième partie de la saison 4 clôture un nouveau chapitre de la vie d'Emily Cooper (Lily Collins), il devient légitime de se demander si la série ne s'essouffle pas dans une répétition lassante, ou si elle peut réellement prendre un tournant plus mature.
Depuis ses débuts, Emily in Paris se repose sur une formule simple mais efficace : une jeune américaine brillante, Emily, débarque à Paris pour un job de rêve dans le marketing, et jongle entre sa carrière, ses amitiés et ses amours. Jusqu'ici, l'intérêt principal de la série réside davantage dans ses décors pittoresques, ses looks haute couture et ses intrigues amoureuses convenues, que dans la profondeur de ses personnages ou de ses scénarios. Et c’est justement cette approche délibérément superficielle qui a permis à la série de devenir un tel phénomène. Mais à l’aube de la cinquième saison, une question s’impose : est-ce que Emily in Paris est capable d’évoluer ou est-elle vouée à rester bloquée dans une boucle de frivolité et de répétition narrative ?
La deuxième partie de la saison 4 nous donne des indices, avec des tentatives timides d’introduire des thématiques plus profondes, sans pour autant abandonner son ton léger et farfelu. Pourtant, ces efforts de maturation sont parfois déséquilibrés par des arcs narratifs peu inspirés et des personnages secondaires caricaturaux, comme le prouve l’arrivée de Genevieve (Thalia Besson), fille de Sylvie, qui semble sortir tout droit d'un soap adolescent. Ce manque d’originalité contribue à l’impression que la série piétine, malgré quelques éclairs de nouveauté. Au centre de tout, Emily elle-même reste un personnage étonnamment monolithique. Si son parcours professionnel est ponctué de succès éclatants, son évolution personnelle est quasiment inexistante. On en sait toujours aussi peu sur sa vie à Chicago avant son arrivée à Paris, et sa gestion des relations amoureuses et amicales tourne souvent en rond.
Cette superficialité devient particulièrement frustrante lorsque l'on observe le traitement de sa relation avec Gabriel (Lucas Bravo), un chef cuisinier charmant avec qui elle entretient une dynamique "je t’aime moi non plus" fatigante. Le couple Emily-Gabriel, déjà usé par quatre saisons de montagnes russes émotionnelles, se retrouve de nouveau mis à mal par l’introduction d’un nouvel intérêt amoureux, Marcello (Eugenio Franceschini). Bien que l’ajout de ce personnage semble vouloir apporter un peu de fraîcheur et d'imprévu, l’intrigue amoureuse d’Emily n’évolue guère. Elle reste prisonnière d’un schéma récurrent où chaque problème se résout de manière précipitée, souvent au profit d’un rebondissement superficiel plutôt que d’une véritable exploration des sentiments. À ce stade, il est légitime de se demander si Emily peut véritablement grandir en tant que personnage ou si elle est condamnée à répéter les mêmes erreurs, saison après saison.
Malgré ces faiblesses, la seconde partie de la saison 4 ose timidement s’aventurer sur de nouveaux terrains. En prenant quelques risques – notamment avec l’introduction d’un séjour à Rome qui offre une bouffée d’air frais à la série –, la série tente de rompre avec sa routine habituelle. Même si cet épisode romain reste dans la veine excentrique et légère d’Emily in Paris, il parvient à apporter une dynamique différente et plus intéressante à l’intrigue globale. Ce déplacement géographique, bien qu’éphémère, symbolise un besoin de changement, aussi bien pour Emily que pour les spectateurs lassés par la redondance parisienne. Autre point positif de cette seconde moitié de saison : la performance de Lily Collins. Sans être révolutionnaire, l'actrice parvient à ajouter un soupçon de profondeur à son personnage, rendant Emily plus humaine et moins mécanique dans ses réactions.
Ces moments plus introspectifs, bien que rares, apportent un équilibre bienvenu à une série souvent trop superficielle. Cependant, Emily in Paris semble incapable de s’éloigner trop longtemps de ses racines superficielles. L’un des défauts majeurs de cette saison reste l’inconsistance narrative. Des intrigues amorcées en première partie sont rapidement oubliées, comme le triangle amoureux entre Mindy (Ashley Park), Benoît et Nicolas, ou la rupture émotionnelle entre Camille (Camille Razat) et Sofia, rapidement balayée pour réintroduire Camille dans la course à Gabriel. Ce manque de continuité donne à la série un caractère volage qui, s’il peut être divertissant à court terme, finit par lasser à la longue. Le spectateur se retrouve ainsi perdu dans un tourbillon de retournements de situation qui, au lieu de surprendre, donnent l’impression d’un manque de direction claire.
Ce problème est d’autant plus flagrant dans les relations amoureuses. Que ce soit entre Emily et Gabriel, Mindy et ses divers prétendants, ou encore Sylvie et son nouvel amour, chaque relation semble en perpétuelle reconstruction, sans jamais vraiment atteindre de point culminant satisfaisant. La série donne l'impression de constamment remettre à zéro ses personnages, ce qui crée une frustration chez le spectateur, incapable de s’attacher durablement à une intrigue ou à une évolution de caractère. Malgré tout, certains personnages réussissent à maintenir le cap. Sylvie, incarnée par l’excellente Philippine Leroy-Beaulieu, reste l’un des piliers les plus solides de la série. Son autorité naturelle et son pragmatisme font d’elle un personnage central, apportant une maturité bienvenue au milieu des frivolités d’Emily. Sylvie est, en quelque sorte, l'antidote à la légèreté exaspérante des autres protagonistes.
Sa relation amoureuse dans cette deuxième partie de saison, bien que discrète, est gérée avec plus de réalisme et de finesse que celles des autres personnages, offrant ainsi un modèle d’équilibre émotionnel que la série ferait bien d’explorer davantage. Mindy, de son côté, continue d’évoluer positivement. Si son triangle amoureux peut sembler redondant, son parcours en tant qu'artiste en quête de reconnaissance et d'indépendance reste l'un des rares arcs narratifs véritablement attachants de la série. Les scènes où elle montre ses talents de chanteuse apportent des moments de pause et de réflexion qui contrebalancent efficacement le tourbillon d’intrigues souvent confuses. Au final, la deuxième partie de la saison 4 de Emily in Paris oscille entre stagnation et promesses d’évolution. Si la série reste fidèle à sa nature légère et colorée, quelques efforts sont faits pour sortir Emily et ses amis de leur zone de confort. Cependant, ces tentatives demeurent limitées et risquent de se dissiper rapidement si la saison 5 ne parvient pas à capitaliser sur les quelques pistes de renouveau amorcées ici.
L’introduction de nouveaux personnages comme Marcello, et le potentiel dramatique d’une réinvention d’Emily, laissent entrevoir des possibilités intéressantes. Mais si la série continue de privilégier la superficialité au détriment d’un développement cohérent de ses personnages, elle pourrait bien perdre ce qui fait son charme. Emily in Paris a su s’imposer comme un plaisir coupable, un moment d’évasion visuelle et narrative pour ses fans. Cependant, à l’issue de cette quatrième saison, il est temps pour la série de se poser les bonnes questions. Peut-elle vraiment grandir sans perdre son essence, ou est-elle condamnée à répéter les mêmes schémas encore et encore ? Si la réponse n’est pas encore claire, il est certain qu’un virage plus audacieux et réfléchi pourrait enfin offrir à Emily le développement qu’elle mérite. Croisons les doigts pour que la saison 5, récemment confirmée, soit celle de la maturité.
Note : 5/10. En bref, une seconde partie sauvée par sa fin alors que la saison ose s’aventurer où Emily in Paris ne s’était pas vraiment aventurée. Cela reste timide mais cela donne de l’espoir pour la saison 5.
Disponible sur Netflix
Netflix a renouvelé Emily in Paris pour une saison 5
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