11 Septembre 2024
Tatami // De Zar Amir Ebrahimi et Guy Nativ. Avec Arienne Mandi, Zar Amir Ebrahimi et Ash Golden.
Le film Tatami, réalisé par Zar Amir Ebrahimi et Guy Nattiv, est une œuvre captivante qui se distingue autant par son esthétique singulière que par la profondeur de son propos. Ce long métrage, à mi-chemin entre le thriller et le drame sportif, plonge le spectateur dans une atmosphère intense, en noir et blanc, évoquant les grands classiques du cinéma. Ce choix visuel, avec un format carré surprenant, accentue l'oppression ressentie tout au long du film, renforçant l'immersion du spectateur dans l'histoire. Il ne faut pas s’étonner de cette esthétique inhabituelle, car elle sert un but précis : elle renforce le climat de tension omniprésent. L’intrigue de Tatami se déroule lors des championnats du monde de judo, où Leila Hosseini, une judoka iranienne, doit faire face à bien plus que ses adversaires sur le tatami. Au cœur de cette compétition sportive se joue une véritable tragédie politique et humaine.
La judokate iranienne Leila et son entraîneuse Maryam se rendent aux Championnats du monde de judo avec l'intention de ramener sa première médaille d'or à l'Iran. Mais au cours de la compétition, elles reçoivent un ultimatum de la République islamique ordonnant à Leila de simuler une blessure et d’abandonner pour éviter une possible confrontation avec l’athlète israélienne. Sa liberté et celle de sa famille étant en jeu, Leila se retrouve face à un choix impossible : se plier au régime iranien, comme l'implore son entraîneuse, ou se battre pour réaliser son rêve.
Leila, portée par son désir de victoire et de reconnaissance, est confrontée à des pressions énormes de la part du régime iranien, qui lui ordonne de se retirer pour éviter de rencontrer une athlète israélienne, une situation malheureusement familière dans le monde du sport iranien. Ce qui rend Tatami particulièrement poignant, c'est la dualité des personnages principaux, notamment celle de Leila et de son entraîneuse Maryam. Maryam, autrefois une grande judokate, a elle-même cédé à la pression politique il y a des années. Ce qui se joue pour elle n'est pas seulement l'avenir de son élève, mais aussi la confrontation avec ses propres choix passés. Leila, quant à elle, incarne une nouvelle génération d'athlètes qui refuse de plier face aux injonctions politiques. Son combat, bien au-delà du sport, est celui de la liberté et de la dignité. Les scènes de judo, bien que difficiles à filmer, sont superbement réalisées dans ce film. Elles ne cherchent pas seulement à représenter les affrontements physiques, mais deviennent le reflet des luttes internes des personnages.
Chaque combat sur le tatami est un miroir des dilemmes moraux auxquels Leila et Maryam sont confrontées. Le réalisateur parvient à capturer avec brio l’intensité des efforts physiques, mais aussi la pression psychologique qui pèse sur ces femmes. Cependant, ce qui rend Tatami véritablement marquant, c’est la manière dont le film lie sport et politique. Loin d'être un simple drame sportif, il s'agit avant tout d'un film politique qui dénonce l'oppression exercée sur les athlètes iraniens, en particulier les femmes. À travers l'histoire de Leila, le film montre comment le régime iranien utilise le sport comme un outil de propagande et de contrôle, obligeant les athlètes à se soumettre à des règles dictées par des considérations politiques. Les pressions exercées sur Leila sont presque insoutenables, allant jusqu’à menacer sa famille en Iran. L’un des moments les plus puissants du film survient lorsque Leila, à bout de souffle, décide de retirer son voile. Ce geste symbolique, loin d’être une simple provocation, exprime son besoin de respirer, de retrouver un semblant de liberté dans un environnement qui l’étouffe.
C’est un acte de défi silencieux, un geste lourd de sens dans un contexte où la liberté individuelle est sans cesse restreinte. La caméra, discrète mais présente, capte chaque émotion, chaque hésitation, rendant cette scène particulièrement émouvante. Sur le plan technique, Tatami est un modèle de maîtrise. Le montage, serré et rythmé, maintient une tension constante. Les dialogues sont rares, mais chaque échange est chargé de sens, notamment lors des conversations téléphoniques qui deviennent de véritables moments de suspense. Les silences et les regards en disent souvent bien plus que de longs discours. Le film joue habilement avec ces non-dits, renforçant l'impression d'étouffement qui parcourt tout le film. Les performances des actrices principales sont tout simplement remarquables. Zar Amir Ebrahimi, qui incarne Maryam en plus de co-réaliser le film, apporte une intensité émotionnelle saisissante à son personnage. On ressent son tiraillement, entre la loyauté envers son élève et la peur des représailles du régime.
De son côté, Arienne Mandi incarne une Leila forte et déterminée, prête à tout pour défendre ses principes, même si cela signifie sacrifier sa carrière et mettre sa vie en danger. Tatami n’est pas un film facile. Il plonge le spectateur dans un climat de tension permanente, où chaque décision peut avoir des conséquences dramatiques. Pourtant, c'est cette intensité qui en fait une œuvre marquante. Le film ne se contente pas de dénoncer les injustices subies par les athlètes iraniens, il célèbre aussi leur courage et leur résilience face à l’oppression. En conclusion, Tatami est un film essentiel, surtout en cette période où les relations entre sport et politique sont plus que jamais d’actualité. Il rappelle que le sport, au-delà de la compétition, peut devenir un terrain de résistance et de lutte pour la liberté. À travers l’histoire de Leila, Tatami nous invite à réfléchir sur la place du sport dans nos sociétés et sur les sacrifices que certains athlètes doivent faire pour simplement vivre leurs rêves. C’est un film que je recommande vivement, non seulement pour son esthétique soignée, mais surtout pour le message puissant qu’il véhicule.
Note : 9/10. En bref, un film important, engagé et réussi. Sans parler de sa façon de filmer les combats de judo qui est juste impressionnante.
Sorti le 4 septembre 2024 au cinéma
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