Critique Ciné : Colocs de choc (2024)

Critique Ciné : Colocs de choc (2024)

Colocs de choc // De Elodie Lélu. Avec Olivier Gourmet, Hélène Vincent et Fantine Harduin.

 

Colocs de Choc se présente comme une comédie familiale, mais à y regarder de plus près, le film dépasse cette étiquette pour s’aventurer sur un terrain bien plus délicat, celui de la transmission intergénérationnelle, des relations familiales complexes, et de la perte de mémoire liée à la maladie d'Alzheimer. Loin d'être une simple comédie légère, il explore avec finesse la vie d'Yvonne, une ancienne avocate féministe, aujourd'hui grand-mère et atteinte d'Alzheimer, et de ceux qui l'entourent dans cette période difficile. Au centre de l'intrigue, nous retrouvons Yvonne, son gendre (un vendeur de robots de cuisine) et sa petite-fille Manon, une adolescente en plein doute existentiel. Le point de départ semble intéressant : trois générations qui cohabitent sous le même toit, chacune avec ses propres enjeux. Yvonne lutte contre la dégénérescence de sa mémoire, tandis que Manon cherche sa place dans un monde qui la juge. 

 

Manon, une adolescente introvertie de 16 ans, se voit obligée de cohabiter avec sa grand-mère Yvonne, ex-militante féministe atteinte de la maladie d’Alzheimer. La situation se corse quand Yvonne, commence à prendre Manon pour sa fille. Contre toute attente, Manon entre dans les délires d’Yvonne et rejoue le rôle de sa mère qu’elle n’a presque pas connue. C’est l’occasion pour elle de découvrir la véritable histoire des femmes de sa famille et d’apprendre, à son tour, à en devenir une. ­

 

Quant au gendre, il tente de maintenir un semblant de normalité dans une situation qui ne cesse de lui échapper. Le film s’ouvre sur une note dynamique, presque décalée, avec une bande-son électro et une ambiance légère qui semble promettre une comédie pétillante. Mais rapidement, on comprend que cette légèreté est trompeuse. Derrière les premières minutes se cache un drame familial où l'humour peine à trouver sa place. Malgré ce qu'on pourrait attendre d’un titre aussi prometteur que Colocs de Choc, l’histoire prend une direction plus sérieuse, plus sombre, explorant les thèmes de la maladie, du deuil de soi et de la transmission des valeurs familiales. L’un des points forts du film réside dans ses personnages. Yvonne, jouée par Hélène Vincent, est touchante dans son combat contre la maladie. Son personnage incarne à la fois la fragilité liée à l’âge et la force d’une femme qui a mené des batailles importantes dans le passé. Cependant, le scénario ne parvient pas toujours à rendre justice à la complexité de son rôle. 

 

Son féminisme militant, autrefois puissant, devient un prétexte pour quelques scènes attendues, notamment lorsqu'elle sermonne sa petite-fille sur le choix de ses sous-vêtements. Ces moments, bien que pertinents dans l'idée, paraissent souvent trop appuyés et manquent de subtilité. Manon, l’adolescente mal dans sa peau, représente le futur. Elle doit grandir et trouver sa voie dans un monde qui la bouscule. Le film tente de montrer son éveil féministe à travers sa relation avec Yvonne, mais là encore, le cheminement paraît parfois trop balisé. On assiste à des scènes où la jeune fille rejette les attentes sociétales pour finalement embrasser les valeurs transmises par sa grand-mère. Ce parcours initiatique, bien que sympathique, souffre d’une trop grande prévisibilité. Quant au gendre, interprété par Olivier Gourmet, il apporte une touche de légèreté bienvenue, mais son rôle reste en périphérie, presque anecdotique. Il incarne cette figure masculine un peu maladroite, tentant tant bien que mal de gérer la situation, sans réellement trouver sa place dans cette maison où les enjeux féminins dominent.

 

L’un des aspects les plus intéressants de Colocs de Choc est la maison d’Yvonne, véritable personnage à part entière. Ce lieu, qui n’a pas changé depuis des années, symbolise la mémoire figée de la grand-mère. Alors que ses souvenirs s’évaporent, cette maison reste inchangée, comme un dernier rempart contre l’oubli. C’est là que les personnages évoluent, tentant de se raccrocher à ce passé qui leur échappe petit à petit. Le décor inchangé reflète cette lutte contre le temps, cette volonté de préserver ce qui peut l'être. Pour Manon, cette maison est aussi le lieu de son évolution, celui où elle va prendre conscience de son héritage, mais aussi de ses propres désirs et combats. Pourtant, malgré la beauté de cette idée, le film n’exploite pas pleinement ce potentiel. On aurait aimé que cette maison devienne un véritable moteur narratif, mais elle reste finalement un simple décor. La mise en scène de Colocs de Choc est sobre, parfois trop. Si cela permet aux acteurs de briller, elle manque parfois d'audace et de relief. Les scènes s’enchaînent sans véritable rythme, donnant une impression de lenteur qui contraste avec les attentes créées par l’ouverture du film. 

 

Les dialogues, bien que souvent justes, manquent parfois de profondeur, et certaines scènes paraissent convenues, voire clichés. Le féminisme, thème central du film, est abordé de manière un peu trop didactique, comme si le réalisateur craignait que le spectateur ne comprenne pas le message. Manon rejette son soutien-gorge, un geste qui se veut symbolique, mais qui semble un peu trop simpliste pour refléter toute la complexité d’une prise de conscience féministe. En fin de compte, Colocs de Choc est un film qui laisse un goût doux-amer. Les intentions sont bonnes, les personnages attachants, mais l’ensemble manque de dynamisme et de profondeur. La conclusion du film ne surprend guère, et l’on quitte les personnages avec une certaine tiédeur, sans avoir vraiment été bousculé ou ému. Cependant, Colocs de Choc reste un film touchant, porté par des acteurs talentueux et une idée de départ intéressante. S’il ne révolutionne pas le genre de la comédie familiale, il parvient tout de même à poser un regard sensible sur la vieillesse, la maladie et la transmission entre générations. Une œuvre imparfaite, mais sincère.

 

Note : 4/10. En bref, une comédie familiale en demi-teinte. C’est assez fade mais le casting (réussi) et les personnages attachants tendent à laisser l’ensemble se regarder.

Sorti le 22 maris 2024 au cinéma - Disponible en VOD

 

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