Critique Ciné : Jusqu'au bout du monde (2024)

Critique Ciné : Jusqu'au bout du monde (2024)

Jusqu’au bout du monde // De Viggo Mortensen. Avec Vicky Krieps, Viggo Mortensen et Solly McLeod.

 

Le film Jusqu’au bout du monde de Viggo Mortensen se présente comme une tentative de revisiter le genre du western en mêlant romantisme et tragédie. Situé dans le décor grandiose de l’Ouest américain des années 1860, ce film se distingue par sa volonté d’explorer la complexité d’un couple face aux défis de la vie dans un territoire impitoyable. Toutefois, il adopte une approche narrative atypique, avec une série de flashbacks qui bouleversent la chronologie classique du genre. Ce choix de structure narrative non linéaire contribue au caractère contemplatif du film, mais il peut aussi freiner l’immersion, en particulier pour ceux qui s’attendent à une trame plus vive et linéaire. L’un des atouts majeurs de Jusqu’au bout du monde est la qualité de ses paysages, magnifiquement capturés par la caméra de Mortensen. 

 

L’Ouest américain, dans les années 1860. Après avoir fait la rencontre de Holger Olsen, immigré d’origine danoise, Vivienne Le Coudy, jeune femme résolument indépendante, accepte de le suivre dans le Nevada, pour vivre avec lui. Mais lorsque la guerre de Sécession éclate, Olsen décide de s’engager et Vivienne se retrouve seule. Elle doit désormais affronter Rudolph Schiller, le maire corrompu de la ville, et Alfred Jeffries, important propriétaire terrien. Il lui faut surtout résister aux avances plus qu’insistantes de Weston, le fils brutal et imprévisible d’Alfred. Quand Olsen rentre du front, Vivienne et lui ne sont plus les mêmes. Ils doivent réapprendre à se connaître pour s’accepter tels qu’ils sont devenus…

 

Les vastes étendues sauvages du Nevada, les montagnes imposantes, les plaines désertiques — tout cela contribue à une ambiance qui rend hommage aux classiques du western. La mise en scène invite le spectateur à se plonger dans un univers où la nature, sauvage et indomptée, est à la fois une source d’émerveillement et de danger. Ces plans larges, soigneusement construits, offrent au film une dimension presque méditative, amenant à ressentir les émotions des personnages à travers leur environnement. Ce rendu visuel est cependant le plus efficace sur grand écran. Sur une petite télévision, la lenteur apparente du film pourrait nuire à l’expérience, ce qui en fait un choix idéal pour les salles obscures, où chaque détail visuel prend une dimension plus intense. L’originalité de Jusqu’au bout du monde réside dans la composition de son couple central. 

 

Contrairement aux personnages typiquement américains, Mortensen fait le choix de représenter deux étrangers : Vivienne Le Coudy, interprétée par Vicky Krieps, une jeune Canadienne francophone inspirée par Jeanne d’Arc et formée aux armes par son père, et Holger Olsen, un ancien soldat danois campé par Mortensen lui-même. Leur relation naît de manière quasi inattendue, mais elle évolue vers une union passionnée et sincère, teintée de mélancolie et de résilience. Ce couple atypique permet d’aborder, en toile de fond, la question de l’immigration et de l’intégration dans le contexte de la naissance des États-Unis, où la violence et l’adversité façonnent les destinées individuelles. Mortensen utilise ce point de vue pour offrir une perspective renouvelée sur le western, en opposant la rudesse du Far West à des personnages qui ne se fondent pas immédiatement dans ce paysage dur et inhospitalier. 

 

Cette approche permet aussi d’aborder la condition féminine de façon implicite, sans chercher à en faire le point central du film. Là où le film déçoit quelque peu, c’est dans son intrigue. Bien que Mortensen s’avère être un scénariste doué, capable de créer une histoire complexe et nuancée, Jusqu’au bout du monde souffre d’une certaine lourdeur dans le développement de ses thèmes. Les choix de mise en scène, marqués par des allers-retours incessants entre le passé et le présent, ajoutent une complexité qui n’apporte pas toujours la profondeur souhaitée. La tension, souvent primordiale dans un western, n’est pas toujours au rendez-vous. Les flashbacks sont parfois mal intégrés, donnant au récit une progression saccadée et rendant l’intrigue plus prévisible. En effet, dès les premières scènes, la fin se dessine presque inéluctablement, laissant peu de place aux surprises. 

 

Les éléments dramatiques se succèdent sans apporter l’effet de surprise attendu, et certaines péripéties peuvent paraître convenues, en dépit de leur traitement visuel remarquable. Le duo Mortensen-Krieps est sans conteste l’un des points forts du film. Mortensen, dans un rôle à la fois silencieux et imposant, reste charismatique, bien qu’il semble parfois sombrer dans la monotonie. Son personnage d’homme taciturne et protecteur trouve un équilibre intéressant face à Vivienne, incarnée par Krieps, qui dégage une présence à la fois fragile et déterminée. Elle apporte une profondeur émotionnelle qui contribue à donner de l’épaisseur à cette histoire d’amour. L’alchimie entre les deux acteurs est palpable, et certaines scènes sont véritablement émouvantes. Cependant, Mortensen ne parvient pas toujours à exploiter pleinement la puissance dramatique de son personnage. Quelques scènes d’action redonnent du dynamisme, mais elles sont rares. 

 

En revanche, les seconds rôles ajoutent de la consistance à l’intrigue. Le méchant interprété par Solly McLeod, par exemple, apporte une intensité appréciable, bien que son personnage reste assez classique. Au-delà de l’histoire d’amour, Jusqu’au bout du monde se veut aussi un hommage au western classique. Mortensen reprend de nombreux codes du genre : le saloon, les duels, le shérif, les colts et d’autres instants plus doux. Cette fusion entre des éléments traditionnels et une approche plus personnelle permet de rendre hommage à un genre tout en lui apportant une dimension plus humaine et intime. Jusqu’au bout du monde est un film sincère, porté par une volonté de créer une œuvre à la fois authentique et originale. Bien qu’il possède des qualités indéniables, notamment une photographie soignée et une alchimie entre les acteurs principaux, il pêche par une intrigue trop prévisible et un rythme parfois laborieux. 

 

Mortensen, en tant que réalisateur, n’a pas encore atteint une maîtrise totale de son art, mais son travail reste intéressant et mérite d’être suivi. Ce film, sans être révolutionnaire, parvient tout de même à capturer un moment de l’histoire américaine et une histoire d’amour poignante. Pour les amateurs de grands espaces et de récits contemplatifs, Jusqu’au bout du monde est un voyage qui, bien que parfois lent, reste une expérience visuelle et émotionnelle intense, surtout sur grand écran.

 

Note : 7/10. En bref, un western entre traditions et ambitions. 

Sorti le 1er mai 2024 au cinéma - Disponible en VOD

 

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