25 Novembre 2024
Pimpinero: Blood and Oil // De Andrés Baiz. Avec David Noreña, Alberto Guerra et Alejandro Speitzer.
Pimpinero, le dernier film d’Andrés Baiz, plonge dans l’univers dangereux et fascinant des trafiquants d’essence à la frontière entre le Venezuela et la Colombie. Ces "pimpineros", profitant de la différence de prix du carburant entre les deux pays, traversent les arides paysages frontaliers à bord de véhicules surchargés de jerricans, revendant leur précieuse cargaison à des prix exorbitants. Inspiré d’un phénomène bien réel, le film promettait une plongée immersive dans un monde brut et sans pitié. Pourtant, malgré des qualités visuelles indéniables, Pimpinero peine à aller au-delà des clichés du genre pour offrir une véritable profondeur narrative. La véritable star de Pimpinero est sans conteste le désert colombien, capturé avec une intensité presque palpable par le directeur de la photographie, Mateo Londono.
Au large de la frontière entre la Colombie et le Venezuela, des contrebandiers d'essence connus sous le nom de "pimpineros" risquent leur vie en transportant du carburant illégal.
Les paysages vastes et brûlants, les routes poussiéreuses sillonnées par des voitures lancées à pleine vitesse, et les explosions enflammées donnent au film une énergie viscérale. Une scène en particulier, où Moises s’agenouille devant les forces de l’ordre, sa voiture en flammes derrière lui, illustre la puissance visuelle du long-métrage. Ce moment de défiance et de détermination résonne profondément, grâce à un cadrage soigné et une lumière naturelle qui magnifie l’aridité du décor. Cependant, cette magnificence visuelle tend parfois à écraser le reste du film. Si le paysage devient un personnage à part entière, les véritables protagonistes, eux, semblent souvent relégués au second plan, leurs arcs narratifs se diluant dans l’immensité du cadre. La beauté brute des lieux, bien que saisissante, n’est pas suffisante pour compenser les faiblesses du scénario.
Au centre de l’histoire, la famille Estrada est composée de trois frères aux personnalités contrastées : le taciturne Moises, l’impétueux Juan et le fragile Ulises. Pourtant, malgré ce potentiel narratif, les relations entre eux restent en surface. Les tensions, conflits et loyautés qui pourraient enrichir leur dynamique ne sont qu’effleurés, laissant les spectateurs sur leur faim. Pourquoi Moises est-il si stoïque ? Qu’est-ce qui a forgé le sens aigu de la justice de Juan ou précipité la descente aux enfers d’Ulises ? Ces questions restent sans réponse. Même Diana, interprétée par Laura Osma, semble d’abord cantonnée à un rôle périphérique avant de devenir, presque par surprise, le véritable moteur de l’intrigue. Si son évolution vers une quête de vengeance est bien menée, ce changement de perspective désoriente et donne l’impression que le film hésite sur son axe narratif. Résultat : ni l’histoire de Juan, ni celle de Diana ne parviennent à s’épanouir pleinement, chacune étant sacrifiée sur l’autel de l’autre.
Les ingrédients classiques du film de crime sont bien présents : trahisons, fusillades, vengeances et luttes de pouvoir. Mais là où Baiz excelle dans la mise en scène de mondes sans foi ni loi – comme il l’a prouvé avec Narcos – Pimpinero manque d’originalité dans son traitement des thématiques. Le film se contente de suivre des chemins narratifs balisés, rendant son déroulement prévisible. De plus, certains sujets cruciaux comme la traite humaine ou les tensions culturelles entre communautés indigènes et trafiquants, bien qu’évoqués, ne sont jamais explorés en profondeur. Ils servent davantage de toile de fond que de réels leviers émotionnels ou dramatiques. Les rares moments de tendresse et d’émotion sont souvent interrompus avant d’atteindre leur plein impact. Une scène intime entre Juan et Diana ou une discussion poignante entre Diana et sa mère sur la mort de son père illustrent cette tendance à esquiver les véritables opportunités narratives.
Ces scènes, pourtant porteuses de sens et de complexité, sont sacrifiées au profit d’un rythme qui privilégie l’action au détriment de l’émotion. Le film effleure aussi des thématiques universelles comme l’appât du gain, le sacrifice familial ou la quête de justice. Pourtant, en refusant de s’y attarder, il passe à côté de l’occasion de devenir une œuvre marquante et mémorable. En définitive, Pimpinero brille par sa mise en scène et son esthétique mais trébuche sur le terrain de l’écriture. Si les paysages et les scènes d’action captivent, le manque de développement des personnages et l’absence d’originalité narrative empêchent le film d’atteindre son plein potentiel. Andrés Baiz démontre une nouvelle fois son talent pour dépeindre des univers âpres et violents, mais ici, la forme l’emporte sur le fond.
Pour ceux qui cherchent une œuvre visuellement frappante et une immersion dans un monde méconnu, Pimpinero reste une expérience intéressante. Cependant, pour les amateurs de récits profonds et nuancés, le film risque de laisser une impression d’inachevé. Une traversée désertique fascinante à regarder, mais qui manque cruellement de carburant pour véritablement marquer les esprits.
Note : 3/10. En bref, entre essence et flammes, le film manque d’oxygène.
Sorti le 22 novembre 2024 directement sur Amazon Prime Video
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