Mr Loverman (Saison 1, 8 épisodes) : aimer jusqu'à l'impossible

Mr Loverman (Saison 1, 8 épisodes) : aimer jusqu'à l'impossible

La série Mr Loverman, adaptation du roman de 2013 de Bernardine Evaristo, a suscité mon intérêt lorsque j’ai vu Lennie James et Sharon D. Clarke au casting. Ces deux acteurs chevronnés, connus pour leur intensité et leur capacité à habiter profondément leurs rôles, incarnent Barrington Jedidiah Walker (Barry) et sa femme Carmel, dans une histoire qui explore des thèmes puissants et parfois négligés, comme la sexualité dans la communauté noire caribéenne, les relations de longue durée et les effets dévastateurs des secrets. Dès le début de la série, le ton est donné : il s’agira d’une plongée profonde et personnelle dans les vies des personnages, centrée principalement sur Barry, un homme de 74 ans, père de deux filles et grand-père, qui cache depuis plus de cinquante ans sa relation amoureuse avec son meilleur ami Morris. 

 

Barrington Jedidiah Walker, Barry pour les intimes, cache un secret depuis des années. Carmel, sa femme depuis 50 ans, sait que Barry la trompe, mais lorsqu'elle comprend que cette liaison dure depuis des décennies avec son meilleur ami, Morris, leur mariage s'effondre.

 

La série propose ainsi un regard intime sur une situation émotionnellement complexe : celle d’un homme piégé entre son mariage hétérosexuel de façade et son amour véritable, longtemps caché, pour un autre homme. La première chose qui frappe le spectateur dans cette adaptation, c'est le rythme. Les premiers épisodes se déroulent de manière assez lente, ce qui pourrait décontenancer ceux qui attendent une intrigue pleine de rebondissements. Cependant, cette lenteur est à la fois la force et la faiblesse de la série. Elle permet une exploration minutieuse des personnages, de leurs vies intérieures et de leurs tourments. Mais, il est également vrai que cette approche peut parfois sembler trop contemplative, presque stagnante, particulièrement dans les premiers épisodes où les scènes répétitives de flashbacks peuvent paraître redondantes.

 

Là où d’autres séries privilégieraient l’action ou des retournements de situation spectaculaires, Mr Loverman choisit plutôt de s’attarder sur les non-dits, les silences et les moments de réflexion. Le spectateur est invité à observer les moindres détails des interactions, des regards échangés, et des dialogues qui, bien que parfois maladroits ou trop littéraires, révèlent peu à peu la profondeur des personnages. Si le rythme de la série peut diviser, il est indéniable que les performances des acteurs principaux sont exceptionnelles. Lennie James incarne Barry avec une gravité et une tendresse qui rendent ce personnage à la fois attachant et frustrant. Sa lutte intérieure est palpable, notamment dans ses moments d’hésitation, lorsqu’il promet à Morris de quitter sa femme pour vivre enfin une vie authentique, mais finit toujours par reculer au dernier moment. James capture avec brio la complexité d’un homme coincé entre les attentes sociétales et religieuses, et ses désirs profonds.

 

De son côté, Sharon D. Clarke est tout simplement éblouissante dans le rôle de Carmel. Son personnage, profondément blessé par des années de trahison et de désillusion, parvient néanmoins à dégager une certaine dignité. Clarke réussit à exprimer une gamme d’émotions complexes avec une subtilité rare. Par un simple regard ou une légère grimace, elle transmet une douleur silencieuse et un désir de compréhension et d’amour qui résonnent profondément chez le spectateur. La dynamique entre Barry et Carmel est ainsi l’un des piliers émotionnels de la série, rendant chaque confrontation entre eux poignante et réaliste. L’un des aspects les plus intéressants de Mr Loverman est son cadre géographique et social. La série se déroule principalement à Hackney, un quartier de Londres qui, bien que soumis aux forces de la gentrification, reste marqué par une forte présence de la diaspora caribéenne. Cela permet à la série d’aborder des questions spécifiques à cette communauté, comme l’homophobie, le poids des traditions religieuses et les attentes patriarcales. 

 

L’un des choix scénaristiques les plus audacieux de la série est de se concentrer sur les préjugés internes de cette communauté, plutôt que de faire du racisme systémique un enjeu central. Ici, la discrimination contre Barry et Morris vient principalement de leur propre entourage : amis, voisins et même membres de l’église à laquelle Carmel se raccroche pour trouver du réconfort. Ce choix apporte une profondeur supplémentaire à la série, montrant que les oppressions peuvent être multiples et parfois venir de l’intérieur. La série offre aussi une certaine légèreté visuelle avec des décors vibrants de Hackney, ses cafés branchés et ses épiceries caribéennes, ainsi que des costumes élégants qui reflètent le goût prononcé de Barry pour la mode. Chaque tenue de Barry, soigneusement choisie, raconte quelque chose de son désir de contrôle et de perfection dans un monde où il ne peut pas être pleinement lui-même.

 

Même si l’histoire de Mr Loverman est ancrée dans des réalités sociales spécifiques – la communauté caribéenne, l’homophobie, et la difficulté de vivre authentiquement dans une société conservatrice – ses thèmes résonnent universellement. Au cœur de la série, il y a une réflexion sur le passage du temps, le poids des regrets et la quête de l’authenticité. Barry, à 74 ans, réalise que sa vie est marquée par des occasions manquées, et que chaque jour qui passe sans qu’il ne se révèle à son entourage est un jour de plus de trahison envers lui-même et envers ceux qu’il aime. Cette thématique du mensonge – qu’il soit imposé par la société ou choisi par peur des conséquences – traverse toute la série. Barry n’est pas seulement un homme qui a menti à sa femme et à ses enfants ; c’est un homme qui a menti à lui-même pendant des décennies. Cette trahison interne est ce qui rend son personnage si fascinant et complexe. 

 

Son dilemme n’est pas seulement de savoir s’il doit révéler la vérité à sa famille, mais aussi de savoir s’il peut encore, à cet âge, espérer vivre une vie véritablement authentique. Malgré la gravité des thèmes abordés, Mr Loverman n’est pas une série uniquement sombre. Elle parvient à intégrer des moments d’humour, souvent grâce aux personnages secondaires comme Maxine, la fille plus jeune et quelque peu excentrique de Barry et Carmel, qui apporte une touche de légèreté bienvenue. Ces moments de lumière permettent de soulager la tension émotionnelle constante et rendent les personnages plus humains, plus accessibles. Chaque épisode, d’une durée de 30 minutes, permet de maintenir une certaine intensité tout en laissant aux spectateurs le temps de digérer les révélations et les émotions. Ce format relativement court évite de tomber dans l’excès dramatique, tout en offrant une profondeur émotionnelle qui n’a rien à envier aux formats plus longs.

 

Mr Loverman est une série qui ne plaira peut-être pas à tout le monde en raison de son rythme lent et de son approche intimiste, mais elle mérite d’être vue pour son audace à aborder des sujets rarement traités à l’écran. C’est une œuvre qui ne cherche pas à choquer ou à impressionner par des rebondissements spectaculaires, mais qui préfère s’attarder sur les méandres émotionnels de ses personnages. Les performances magistrales de Lennie James et Sharon D. Clarke, ainsi que la profondeur des thèmes abordés, en font une série introspective qui pousse à la réflexion. Si vous cherchez une série d’action ou pleine de suspense, Mr Loverman n’est peut-être pas pour vous. Mais si vous souhaitez explorer des questions d’amour, d’identité et de regret avec nuance et sensibilité, cette adaptation touchante et réfléchie vous captivera sans aucun doute.

 

Note : 7/10. En bref, une plongée intime dans l’amour, les secrets et les regrets. 

Prochainement en France

 

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