16 Novembre 2024
La série The Hardacres s’ouvre avec une promesse de plongée dans la vie d’une famille ouvrière du Yorkshire de la fin du 19ème siècle. Ce qui aurait pu être une exploration fascinante de la lutte des classes et des défis quotidiens dans une Angleterre victorienne en pleine mutation économique se transforme malheureusement en une fable superficielle, où chaque obstacle est résolu de manière irréaliste. Au fil des épisodes, on se retrouve face à un conte de fées de l’ascension sociale où les valeurs de travail acharné et de persévérance, bien que louables, frisent la naïveté, voire le ridicule. Dès le premier épisode, la famille Hardacre est introduite dans un décor austère mais pittoresque, où elle mène une existence modeste, essentiellement centrée sur l’industrie du hareng.
Malgré les conditions de vie précaires, les membres de la famille affichent une attitude joyeuse et un esprit de solidarité presque idyllique. Sam, le patriarche, est vite mis à l’épreuve lorsqu’il se blesse en voulant protéger un collègue d’un accident. Sa main endommagée l’empêche de travailler, plongeant sa famille dans une crise financière immédiate. Et c’est ici que l’on commence à percevoir le manque de profondeur de la série : chaque défi semble rapidement neutralisé par une solution presque magique, donnant à l’ensemble un ton léger et déconnecté des réalités de l’époque. Mary, l’épouse de Sam, se retrouve confrontée à la cruauté des classes supérieures, notamment lorsqu’un employeur refuse de lui accorder un prêt sans exiger quelque chose en retour. On aurait pu espérer que cette scène soit l’occasion de soulever la question des abus de pouvoir et de la vulnérabilité des femmes de la classe ouvrière.
Cependant, au lieu de creuser ces enjeux complexes, The Hardacres élude les ramifications sociales et se tourne vers un schéma simpliste où Mary, forte de sa détermination, décide de lancer son propre petit commerce de poisson frit. Le fait que cette entreprise connaisse un succès immédiat n'est pas seulement peu crédible, mais aussi représentatif de la manière dont la série efface toute difficulté réelle pour privilégier une trajectoire de succès improbable. Les épisodes suivants continuent de dérouler cette montée en puissance sociale de la famille Hardacre, qui, grâce à une série de décisions hasardeuses et d’opportunités rocambolesques, passe d’une vie de labeur modeste à un statut proche de la petite bourgeoisie. L’idée qu’une simple famille ouvrière puisse, en quelques mois, s’enrichir au point d’investir dans des projets miniers et de s’installer dans une grande demeure est tout simplement déroutante.
La série, qui aurait pu être un drame poignant illustrant la dure réalité de l’époque, devient alors une ode à l’entrepreneuriat presque caricaturale. Plutôt que d’explorer la tension entre aspirations personnelles et les contraintes sociales, elle tombe dans une apologie naïve du rêve capitaliste, comme si le succès était simplement une question de volonté et de moralité irréprochable. Un autre aspect particulièrement frustrant est l’inclusion d’une scène surréaliste où Mary et Sam, après avoir accumulé des économies, se rendent dans une banque. Là, un banquier bienveillant leur prodigue des conseils financiers dignes d’un manuel d’investissement moderne. Ce moment de la série est non seulement anachronique, mais aussi ennuyeux, car il semble s’éterniser sans qu’aucun conflit ou obstacle ne se profile.
Le banquier, loin d’incarner la cupidité ou la manipulation souvent associée aux institutions financières, devient une sorte de mentor paternaliste, ajoutant encore une couche de mièvrerie à cette narration déjà édulcorée. C’est comme si le monde de The Hardacres ne contenait aucun réel prédateur, seulement des figures d’autorité prêtes à guider et à encourager les honnêtes travailleurs vers la prospérité. Le manque de crédibilité de la série est exacerbé par des dialogues et des situations qui semblent déconnectés de la réalité historique. Les personnages, bien que supposément issus de milieux modestes, paraissent excessivement policés, tant dans leur langage que dans leurs manières. Le Yorkshire de The Hardacres est nettoyé et aseptisé, offrant une vision presque romantique de la pauvreté où les familles semblent vivre dans une perpétuelle bonne humeur malgré les épreuves.
L’accent et les attitudes, bien qu’intentionnellement typiques de la région, sont caricaturaux au point d’en devenir gênants, surtout lorsque les acteurs tentent d’adopter un accent local de manière peu convaincante. Au-delà de cette atmosphère presque irréaliste, la série manque cruellement d’enjeux véritablement dramatiques. Chaque obstacle rencontré par la famille Hardacre semble se dissoudre rapidement, et les conflits sont souvent résolus par des dialogues ou des situations improbables. Par exemple, lorsque des voyous tentent d’extorquer Mary et son fils, une simple menace de dénonciation suffit pour les dissuader, un dénouement si prévisible et invraisemblable qu’il suscite davantage de scepticisme que d’adhésion. Cette incapacité à générer un suspense authentique mine toute possibilité d’immersion et empêche le spectateur de ressentir une véritable empathie pour les personnages.
L’aspect visuel de The Hardacres reflète également le manque d’ambition de la production. Les décors et costumes, bien qu’esthétiquement plaisants, sont visiblement limités par un budget modeste. On n’atteint jamais la richesse de détails qui caractérise des séries historiques plus abouties. L’image que la série donne du Yorkshire victorien rappelle davantage une brochure touristique qu’un portrait authentique de l’époque. La reconstitution de l’époque est ainsi plus proche d’une interprétation édulcorée que d’un témoignage historique, ce qui atténue encore la portée potentielle de la série. En fin de compte, The Hardacres est une occasion manquée. Ce qui aurait pu être un drame social profond et engageant sur la lutte des classes et les sacrifices nécessaires pour gravir les échelons sociaux est transformé en un conte de fées insipide et déconnecté de la réalité historique.
Les thèmes pourtant intemporels de l’ascension sociale, du pouvoir et des limites imposées par la condition économique sont abordés de manière si simpliste qu’ils perdent toute force. Malgré ses paysages pittoresques et son cadre prometteur, The Hardacres ne parvient pas à délivrer un message pertinent ou captivant sur la réalité de la vie ouvrière de l’époque. Au lieu de cela, elle nous propose une version fantasmée du parcours vers la réussite, dans laquelle chaque épreuve est une simple formalité sur le chemin de la réussite. La série pourrait plaire en tant que divertissement léger et sans prétention, mais pour qui cherche un récit historiquement fidèle ou une réflexion sur les complexités sociales, The Hardacres s’avère être une déception.
Note : 3/10. En bref, pas grand chose à se mettre sous la dent avec cette version fantasmée d’une histoire prometteuse sur le papier. Encore un échec de Channel 5.
Prochainement en France
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