27 Décembre 2024
Fêlés // De Christophe Duthuron. Avec Charlotte De Turckheim, Bernard Le Coq et Pierre Richard.
Dans un paysage cinématographique où les histoires d’insertion et de résilience trouvent souvent un écho auprès du public, Fêlés se distingue par sa volonté de mettre en lumière une association bien réelle, l’Arc-en-ciel. Cette organisation œuvre pour offrir une alternative humaine à la psychiatrie traditionnelle, en promouvant une vie en communauté pour ceux que la société marginalise. Cependant, malgré une idée de départ pleine de promesses, le film peine à trouver un équilibre entre comédie, drame social et cinéma engagé. Le quotidien de l’association l’Arc-en-ciel est au cœur de l’intrigue, et le choix de ce thème illustre un désir évident de sensibiliser. Toutefois, la réalisation s’enlise rapidement dans des clichés et des bons sentiments trop appuyés.
L'Arc-en-ciel est un authentique lieu associatif à Marmande qui accueille des personnes ordinaires mais violentées par la vie. Ses adhérents se soutiennent mutuellement dans leur lutte contre les difficultés quotidiennes. Quand on menace de les expulser, un élan de solidarité s'organise autour de Pierre, le fondateur, pour sauver cette maison d’accueil unique.
Le film ne parvient pas à se hisser à la hauteur de son potentiel émotionnel ou narratif. Là où une certaine audace aurait pu rendre hommage à ces parcours cabossés, la narration reste ancrée dans des stéréotypes qui affadissent son message. La comparaison avec le cinéma engagé, comme celui de Ken Loach, pourrait sembler flatteuse. Cependant, Fêlés n’atteint jamais le même niveau de profondeur. Le contexte social, pourtant crucial pour comprendre les enjeux de l’insertion et de la solidarité, est relégué à l’arrière-plan, au profit de situations comiques qui manquent de subtilité. À 90 ans passés, Pierre Richard continue de captiver. Dans Fêlés, il livre une performance empreinte de tendresse et de nostalgie, incarnant un personnage à la fois lumineux et vulnérable.
Sa présence constitue l’un des rares points forts du film, apportant une humanité sincère à une œuvre souvent mal ficelée. On ne peut qu’admirer son énergie et sa capacité à insuffler de l’émotion, même dans des scènes parfois maladroitement écrites. Malheureusement, l’entourage de Pierre Richard, composé de figures du cinéma comme Michèle Laroque, Isabelle de Turckheim et François Berléand, peine à se démarquer. Ces acteurs, malgré leur talent éprouvé, semblent étrangement déconnectés de l’essence même du récit. Ils incarnent des personnages qui, au lieu d’ajouter de la profondeur, renforcent la sensation d’un film daté, presque dépassé dans sa conception. Une des grandes forces de Fêlés réside dans l’apport des acteurs non professionnels.
Ces participants, avec leur spontanéité naturelle, injectent une authenticité rare qui fait souvent défaut dans les scènes plus travaillées. Leur présence rappelle que la vraie vie, avec ses imperfections et ses imprévus, dépasse de loin la fiction formatée. Cette fraîcheur permet au film de respirer par moments et d’offrir des instants sincèrement touchants. Mais elle ne suffit pas à compenser les faiblesses structurelles du scénario. L'intrigue semble parfois hésitante, oscillant entre des séquences maladroites et des tentatives d’humour qui tombent à plat. Le concept de Fêlés n’est pas nouveau. Des films comme Hors Normes ou encore Un P’tit Truc en Plus ont déjà exploré des thématiques similaires avec plus de finesse et d’impact. Ces œuvres ont su allier émotion et comédie tout en respectant la complexité de leurs sujets.
Dans le cas de Fêlés, l’approche trop légère tend à minimiser la gravité des situations abordées. L’insertion sociale, la marginalisation et la quête de dignité sont des thèmes profonds, mais ici, ils sont noyés sous une montagne de scènes convenues et de retournements de situation forcés. Malgré ses intentions louables, le film ne parvient pas à s’élever au-dessus d’une simple comédie sociale sympathique. Les personnages, bien que globalement attachants, manquent de relief. Les tentatives d’humour sont parfois efficaces, mais elles s’appuient souvent sur des ressorts prévisibles et des caricatures. Certains moments parviennent à faire sourire ou à émouvoir, notamment grâce à la maladresse touchante des protagonistes dans leurs efforts pour sauver le lieu qui les rassemble.
Ces instants offrent un aperçu du film qu’il aurait pu être : une œuvre à la fois drôle, humaine et socialement engagée. Mais ces éclairs de génie restent trop rares. La mise en scène souffre d’un manque de dynamisme et de cohérence. Les choix esthétiques ne marquent pas, et la réalisation semble parfois hésitante, comme si elle cherchait à concilier des ambitions contradictoires. Ce défaut de vision d’ensemble nuit à l’impact du film et empêche de réellement s’immerger dans son univers. Par ailleurs, le film tente d’explorer les dynamiques de groupe et les difficultés liées à la vie en communauté, mais ces aspects sont trop survolés. Les conflits potentiels sont résolus de manière trop rapide ou simpliste, ce qui affaiblit l’impact dramatique de l’histoire.
Fêlés est un film plein de bonnes intentions, mais il reste à la surface des choses. Bien que porté par des acteurs non professionnels sincères et la prestation mémorable de Pierre Richard, il échoue à transformer son sujet ambitieux en une œuvre véritablement marquante. Pour ceux qui cherchent une comédie sociale légère avec quelques touches d’émotion, Fêlés peut offrir un moment agréable. Mais pour les spectateurs en quête d’une exploration plus profonde et nuancée de la marginalisation et de la solidarité, le film risque de décevoir. En fin de compte, Fêlés témoigne de la difficulté de marier engagement social et divertissement dans un cadre cinématographique. Si le message reste louable, il aurait mérité un traitement plus audacieux et moins convenu pour vraiment résonner avec le public.
Note : 5/10. En bref, une tentative touchante mais maladroite d’explorer l’humanité oubliée.
Sorti le 28 août 2024 au cinéma - Disponible en VOD
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