Critique Ciné : Les Femmes au Balcon (2024)

Critique Ciné : Les Femmes au Balcon (2024)

Les Femmes au Balcon // De Noémie Merlant. Avec Souheila Yacoub, Sanda Codreanu et Noémie Merlant.

 

Les Femmes au Balcon, deuxième long métrage de Noémie Merlant, suscitait de grandes attentes. Après un premier film, Mi iubita, mon amour, plutôt prometteur malgré sa simplicité, cette nouvelle réalisation s'annonçait comme une œuvre audacieuse, à mi-chemin entre la comédie noire et le thriller décalé. La bande-annonce, éclatante et intrigante, promettait un univers riche, teinté d'influences théâtrales, visuelles et narratives. Pourtant, le résultat final laisse un goût amer. Entre ambitions élevées et exécution maladroite, Les Femmes au Balcon peine à s'imposer comme une réussite cohérente. Le film démarre sur de bonnes bases. L'intrigue initiale, centrée sur trois femmes excentriques confrontées à une situation rocambolesque, capte immédiatement l'attention. 

 

Trois femmes, dans un appartement à Marseille en pleine canicule. En face, leur mystérieux voisin, objet de tous les fantasmes. Elles se retrouvent coincées dans une affaire terrifiante et délirante avec comme seule quête, leur liberté.

 

Ces trois amies, aux personnalités bien distinctes, sont impeccablement écrites. Elles incarnent des figures féminines fortes et atypiques, chacune avec ses propres problèmes sentimentaux et ses exubérances. Ce début, maîtrisé et rythmé, permet de s'attacher aux personnages, tout en posant un décor volontairement irréaliste. L'univers visuel, flamboyant et marqué, évoque immédiatement les œuvres de Pedro Almodóvar, mêlant comédie noire et esthétisme léché. L’histoire prend une tournure intrigante lorsque les héroïnes, après une soirée bien arrosée, découvrent le cadavre de leur séduisant voisin. Ce point de départ, aussi macabre que comique, rappelle les grandes heures du polar décalé, avec une dose d’humour noir savamment dosée. On pense notamment à des films comme Serial Lover, une comédie française culte des années 90, où l’absurde et le chaos participent à la construction narrative. 

 

Ici aussi, l’aspect désordonné semble volontaire, apportant une énergie rafraîchissante au récit. Malheureusement, cette énergie finit par s’essouffler. Si le chaos initial sert l’histoire dans un premier temps, il finit par l’étouffer. Les idées s’accumulent sans véritable direction. Les protagonistes, bien définies au départ, se retrouvent peu à peu prisonnières d’un scénario qui cherche à embrasser trop de thématiques à la fois. On effleure des sujets importants, comme la sororité et les défis auxquels les femmes sont confrontées, mais ces réflexions restent superficielles. Plutôt que d’approfondir ces axes narratifs, le film se disperse dans des scènes absurdes ou paranormales, qui cassent le rythme et ajoutent à la confusion générale.

 

L’un des principaux problèmes réside dans l’incapacité à maintenir un cadre clair. Contrairement à ses claires inspiration, où le chaos est un choix narratif structuré, Les Femmes au Balcon donne l’impression de s’effondrer sous le poids de ses propres ambitions. La progression narrative devient imprévisible, mais pas dans le sens captivant du terme : elle désoriente le spectateur, qui peine à suivre un fil conducteur cohérent. Malgré ses défauts narratifs, le film bénéficie d’une mise en scène remarquable. Chaque plan est travaillé avec soin, et la photographie sublime les décors colorés et théâtraux. L’univers visuel, clairement inspiré d’Almodóvar, fonctionne à merveille et confère au film une identité forte. Cet aspect visuel est sans doute l’un des plus grands atouts de l’œuvre, et il est dommage qu’il ne soit pas mieux soutenu par une structure narrative solide.

 

La réalisation de Noémie Merlant démontre un véritable potentiel. Les choix esthétiques audacieux et l’atmosphère singulière qu’elle parvient à créer témoignent d’une vision artistique affirmée. Cependant, ces qualités ne suffisent pas à compenser les failles du scénario. Les belles images et les performances des actrices, pourtant convaincantes, se perdent dans un récit désorganisé qui peine à tenir ses promesses. Le film tente de traiter de nombreux thèmes à travers ses trois héroïnes. Leur rapport aux hommes, leurs doutes et leurs aspirations forment le cœur émotionnel de l’histoire. Ces enjeux, s’ils avaient été explorés avec plus de profondeur, auraient pu donner lieu à des moments puissants. Mais au lieu de creuser ces aspects, le récit les effleure, les entrecoupant de scènes incongrues qui nuisent à l’engagement du spectateur.

 

Certes, l’intention féministe est palpable, et elle est généralement bien intégrée au récit. Toutefois, certains choix scénaristiques, notamment vers la fin du film, apparaissent maladroits, voire grossiers. Ces moments, au lieu de renforcer le propos, donnent l’impression d’être ajoutés à la dernière minute, sans réelle cohérence avec le reste de l’histoire. Les Femmes au Balcon n’est pas un mauvais film, mais il souffre d’un déséquilibre évident entre ses ambitions et son exécution. Les bases étaient pourtant prometteuses : des personnages hauts en couleur, une esthétique marquée, et une intrigue mêlant comédie noire et polar décalé. Malheureusement, le film s’embourbe dans un récit confus et un trop-plein d’idées mal organisées.

 

En sortant de la salle, un sentiment de frustration domine. Ce qui aurait pu être une comédie de genre originale et marquante se transforme en une œuvre inaboutie, qui manque cruellement de cohérence. Certains moments brillent par leur inventivité, mais l’ensemble ne parvient pas à s’élever au niveau espéré. Avec Les Femmes au Balcon, Noémie Merlant prouve qu’elle n’a pas peur de prendre des risques artistiques. Cependant, le film illustre aussi les dangers d’une ambition démesurée qui n’est pas soutenue par une structure narrative solide. Bien que le long métrage séduise par sa mise en scène et ses performances d’actrices, il peine à captiver sur la durée. Malgré ses défauts, Les Femmes au Balcon mérite d’être salué pour son audace. Il reste à espérer que Noémie Merlant saura mieux canaliser ses idées dans ses futures réalisations, afin de livrer des œuvres à la hauteur de son indéniable potentiel.

 

Note : 4/10. En bref, une oeuvre frustrante. 

Sorti le 11 décembre 2024 au cinéma

 

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