21 Décembre 2024
La première saison de Smoggie Queens, composée de six épisodes, a tenté de capturer l’essence joyeuse et bariolée de la culture queer britannique. Portée par un humour camp typiquement anglais et un amour assumé pour la pop culture « low-brow », la série se veut une célébration de la famille choisie et des personnalités excentriques qui peuplent ces communautés. Pourtant, malgré quelques éclats de génie et des moments de tendresse sincère, l’ensemble m’a laissé sur ma faim. Bien que Smoggie Queens soit pleine de bonnes intentions, son incapacité à vraiment faire rire ou à surprendre empêche la série de s’élever au-delà d’une comédie de situation somme toute moyenne.
Au cœur de Middlesbrough, une bande d'amis LGBTQ+ excentriques trouvent du réconfort et de la joie au sein de la petite mais vibrante communauté de leur ville.
Dickie, le personnage central joué par Phil Dunning, est une drag queen vaniteuse et profondément imparfaite, aux talents douteux et à l’égo démesuré. Avec ses sourcils maladroitement dessinés et sa tendance à faire des remarques acerbes, il incarne à merveille le type de personnage grotesque qu’on adore détester. Cependant, ce qui aurait pu être une figure comique mémorable se perd dans un ton général trop tiède. Ses défauts, certes drôles par moments, ne sont jamais poussés assez loin pour créer un véritable impact comique. Autour de lui gravite une galerie de personnages qui incarnent la diversité de cette petite communauté queer. Mam, une drag queen plus âgée et bienveillante, est brillamment jouée par Mark Benton, méconnaissable dans ce rôle.
Il y a aussi Sal, une chanteuse ratée au visage impassible, Lucinda, l’amie hétérosexuelle symbolique, et Stewart, le jeune et naïf nouveau venu. Si chaque membre du groupe a ses propres singularités, l’alchimie entre eux manque de profondeur, et leur dynamique reste sous-exploitée. Malgré quelques interactions touchantes, l’ensemble donne l’impression de personnages juxtaposés, plus que d’une véritable famille unie. L’une des forces indéniables de Smoggie Queens est son hommage vibrant à la culture pop britannique. Les références abondent, de Lorraine Kelly à Girls Aloud, en passant par des moments hilarants comme une danse sur C’est la Vie de B*Witched lors d’un brunch drag sur le thème du Titanic. Ces clins d’œil au folklore médiatique anglais, associés à une esthétique kitsch et délibérément décalée, offrent à la série une identité visuelle et culturelle marquée.
Cependant, ces éléments ne suffisent pas à porter la série sur la durée. Les références pop, aussi savoureuses soient-elles, ne peuvent compenser l’absence de réels éclats comiques. Une série humoristique se doit avant tout de faire rire, et c’est là que Smoggie Queens trébuche : les blagues tombent souvent à plat, et les moments censés être drôles peinent à provoquer autre chose qu’un sourire poli. L’un des problèmes majeurs de Smoggie Queens réside dans son ton, qui semble osciller entre deux styles sans jamais vraiment s’affirmer. D’un côté, Dickie incarne une caricature presque grotesque, digne des comédies sombres à la Julia Davis, où les personnages sont odieux mais hilarants. De l’autre, le reste de la série dégage une chaleur et une douceur qui s’inscrivent davantage dans la veine des comédies sentimentales comme Gavin & Stacey.
Malheureusement, cette dualité ne fonctionne pas, et l’humour en pâtit. Les épisodes manquent de véritables punchlines ou de situations comiques mémorables. Les dialogues, souvent convenus, n’exploitent pas pleinement le potentiel des personnages ou des situations. Là où j’espérais des échanges mordants, des retournements absurdes ou des scènes exagérées à outrance, je me suis retrouvé face à des intrigues prévisibles et des gags trop sages. Même les moments plus sombres, comme l’histoire de Sal avec sa compagne abusive, manquent d’audace dans leur traitement, restant en surface sans vraiment choquer ou provoquer. Ce qui sauve Smoggie Queens de l’oubli total, c’est son cœur. La série parvient à capturer l’esprit de solidarité et d’entraide qui caractérise tant de communautés LGBTQ+.
Les thèmes de la famille choisie, de l’acceptation de soi et de la résilience face à l’adversité sont abordés avec une sincérité désarmante. Certains moments, notamment les interactions entre Mam et les autres personnages, respirent une authenticité et une tendresse qui méritent d’être saluées. Cependant, cette douceur finit par devenir un frein. En cherchant à être chaleureuse et inclusive, la série sacrifie l’irrévérence et la transgression qui auraient pu en faire une œuvre marquante. Une série sur le drag et la culture queer aurait pu – et dû – oser davantage. Ici, tout semble filtré à travers un prisme d’acceptabilité mainstream, au détriment de l’audace et du rire. Il est difficile de ne pas ressentir une certaine déception en terminant la saison 1 de Smoggie Queens. Malgré son potentiel évident et quelques moments de grâce, la série ne parvient pas à trouver son rythme ni à se démarquer dans un paysage comique déjà saturé.
Si elle brille par son univers coloré et ses hommages nostalgiques, elle échoue à fournir l’humour percutant ou les émotions intenses qu’on pourrait attendre d’une série centrée sur une communauté aussi vibrante. Bien sûr, le fait de voir une comédie queer émerger dans un genre déjà en déclin est une victoire en soi. Mais cela ne suffit pas à faire oublier les faiblesses de la série. Une comédie, aussi chaleureuse et bien intentionnée soit-elle, se doit avant tout de faire rire – et sur ce point, Smoggie Queens manque cruellement à l’appel. Si une deuxième saison venait à voir le jour, je souhaiterais qu’elle prenne davantage de risques. Les créateurs doivent oser explorer les facettes plus sombres et plus absurdes des personnages, en particulier Dickie, qui gagnerait à être développé de manière plus nuancée et extrême.
Le reste de l’ensemble pourrait également bénéficier de scénarios plus complexes, où leurs dynamiques seraient réellement mises à l’épreuve. J’aimerais aussi que la série s’éloigne du format sitcom classique pour adopter un ton plus original, qu’il soit plus acide ou plus délirant. En bref, Smoggie Queens a besoin de sortir de sa zone de confort et d’embrasser pleinement l’excentricité et la transgression qui sont au cœur de la culture drag et queer. Si elle y parvient, elle pourrait bien devenir cette pépite que j’espérais tant. En conclusion, Smoggie Queens est une série pleine de bonnes idées mais qui, à ce stade, ne parvient pas à leur rendre justice. Avec plus de mordant, d’audace et, surtout, de rires, elle pourrait réellement briller. Mais en l’état, elle reste une tentative sympathique mais insuffisante.
Note : 5/10. En bref, une série prometteuse qui manque de mordant.
Prochainement en France
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