10 Janvier 2025
Emmanuelle // De Audrey Diwan. Avec Noémie Merlant, Will Sharpe et Naomi Watts.
Le cinéma d’auteur a parfois cette fâcheuse habitude de confondre profondeur et prétention, ce qui semble être le cas pour la nouvelle adaptation du film Emmanuelle. Réalisé par Audrey Diwan, ce long-métrage promettait de revisiter un mythe érotique des années 70 avec un regard féministe et contemporain. Malheureusement, le résultat est décevant, pour ne pas dire affligeant. Dès les premières images, il est évident qu’Audrey Diwan a misé sur un esthétisme léché. Les plans, calculés au millimètre près, révèlent un souci du détail, et la photographie, bien que froide, pourrait séduire les amateurs d'ambiances minimalistes. Cependant, cette quête de perfection visuelle étouffe toute forme de vie dans le film.
Emmanuelle est en quête d’un plaisir perdu. Elle s’envole seule à Hong Kong, pour un voyage professionnel. Dans cette ville-monde sensuelle, elle multiplie les expériences et fait la rencontre de Kei, un homme qui ne cesse de lui échapper.
Chaque scène semble figée, incapable de transmettre une quelconque émotion. Ce qui aurait pu devenir un hommage à la sensualité se transforme en un exercice clinique et dépourvu d’âme. L’esthétisme, aussi maîtrisé soit-il, ne suffit pas à masquer l’absence criante de substance narrative et émotionnelle. L’histoire, si tant est qu’on puisse la qualifier ainsi, se résume à la quête du plaisir par l’héroïne, Emmanuelle. Mais cette quête, dénuée de profondeur, échoue à captiver le spectateur. L'intrigue ne semble être qu'un prétexte pour enchaîner des scènes languissantes, où les dialogues se révèlent souvent creux et sans intérêt. Contrairement à l’œuvre originale de Just Jaeckin, qui osait provoquer et explorer les limites de l’érotisme, cette nouvelle version reste timorée, incapable d’assumer pleinement son sujet.
Noémie Merlant, connue pour ses performances intenses dans des films comme Portrait de la jeune fille en feu, tente ici de donner vie à un personnage complexe. Cependant, son interprétation tombe à plat. Son jeu, souvent monoexpressif, n’apporte ni la profondeur psychologique ni l’aura de mystère que le rôle aurait nécessité. Bien que son physique puisse correspondre à l’idéal de sensualité recherché par le film, son interprétation manque cruellement de nuances. Pire encore, ses efforts pour incarner une femme fatale apparaissent artificiels, voire agaçants. Ce rôle risque malheureusement de ternir son image, tant il semble en décalage avec ses précédentes performances.
Audrey Diwan a manifestement voulu réinterpréter Emmanuelle sous un prisme féministe. L’idée de redonner le pouvoir aux femmes, notamment dans leur sexualité, est louable sur le papier. Mais dans les faits, le film ne parvient pas à aller au-delà de clichés maladroits. En réduisant les personnages masculins à de simples accessoires, la réalisatrice tombe dans une caricature qui dessert son propos. Loin de célébrer une femme libre et assumée, le film donne plutôt l’impression d’une démarche forcée, manquant de subtilité et d’authenticité. Le titre Emmanuelle évoque immédiatement l’érotisme, la sensualité et l’exploration des plaisirs interdits. Mais cette version moderne semble avoir perdu toute notion de ce qui rend un film érotique captivant.
Les scènes censées être sensuelles manquent cruellement de tension, d’émotion et d’audace. On est bien loin du souffle subversif et sulfureux du film de 1974. Les rares moments de nudité ou d’intimité paraissent forcés, comme insérés à contretemps dans une intrigue déjà vacillante. Avec une durée de près de deux heures, le film s’étire dans une lenteur exaspérante. Chaque scène semble durer une éternité, sans pour autant apporter le moindre élément nouveau à l’histoire ou aux personnages. Cette lenteur, combinée à un manque flagrant d’action ou de tension dramatique, rend l’expérience particulièrement éprouvante pour le spectateur. À de rares moments, notamment dans les vingt dernières minutes, le film semble vouloir s’éveiller, mais c’est déjà trop tard. L’ennui a pris le dessus depuis longtemps.
La comparaison avec le film de 1974 réalisé par Just Jaeckin est inévitable, et elle joue en défaveur de cette nouvelle version. Là où l’original osait, expérimentait et choquait, cette adaptation se contente d’effleurer ses thématiques sans jamais les approfondir. Le choix même d’appeler ce film Emmanuelle relève presque de l’escroquerie intellectuelle, tant il est éloigné de l’esprit de l’œuvre originale. Les fans de l’original risquent de ressentir une profonde frustration face à ce traitement superficiel et maladroit. Au-delà de l’érotisme, Emmanuelle aurait pu être une réflexion passionnante sur les rapports de pouvoir et la quête de liberté individuelle. Mais cette dimension philosophique, pourtant prometteuse, est complètement éclipsée par une narration confuse et un ton glacial.
La mise en scène, trop froide et rigide, empêche toute forme de connexion avec les personnages ou le propos. En voulant à tout prix éviter le sensationnalisme, Audrey Diwan a vidé son film de toute substance, le réduisant à un exercice de style stérile. En somme, Emmanuelle version 2024 est une déception majeure. Malgré des ambitions affichées et une esthétique soignée, le film échoue à captiver, à émouvoir ou même à provoquer. Les performances des acteurs, en particulier celle de Noémie Merlant, sont plombées par un scénario creux et une mise en scène prétentieuse. Loin d’être le renouveau féministe annoncé, ce film n’est qu’une pâle copie de l’original, dépourvue de l’audace et de la sensualité qui faisaient la force de son prédécesseur.
Note : 1/10. En bref, un raté en tous points. Une véritable occasion manquée, et un exemple frappant de ce que le cinéma peut produire de plus vain et prétentieux.
Sorti le 25 septembre 2024 - Disponible en VOD
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