Critique Ciné : La Pampa (2025)

Critique Ciné : La Pampa (2025)

La Pampa // De Antoine Chevrollier. Avec Sayyid El Alami, Amaury Foucher, Damien Bonnard et Artus.

 

Certains films parviennent à capturer une atmosphère, un sentiment d'appartenance à un lieu ou à une génération. La Pampa, premier long métrage d'Antoine Chevrollier (Baron Noir, Le Bureau des Légendes et la mini-série Oussekine où il avait déjà eu l’opportunité de dirigerSayyid El Alami), s'inscrit dans cette veine. À travers le regard de Willy, un adolescent en quête d'identité, le film dresse un portrait nuancé de la jeunesse en milieu rural, entre rêves inaccessibles, poids des héritages familiaux et masculinité à réinventer. Le film prend place dans un environnement rarement mis en avant sur grand écran : celui du motocross, avec ses terrains poussiéreux, ses compétitions exigeantes et son esprit de camaraderie teinté de rivalité. 

 

Willy et Jojo, deux ados inséparables, passent leur temps à chasser l’ennui dans un petit village au cœur de la France. Ils se sont fait une promesse : ils partiront bientôt pour la ville. Mais Jojo cache un secret. Et quand tout le village le découvre, les rêves et les familles des deux amis volent en éclat.

 

Cette toile de fond donne à l’histoire une identité marquée, loin des décors urbains souvent privilégiés par les drames sociaux. Willy et Jojo, inséparables depuis l’enfance, partagent la même passion pour la moto et s’entraînent au sein du club La Pampa, dirigé par le père de Jojo. Ce dernier, figure d’autorité charismatique mais oppressante, incarne une vision rigide de la virilité, où la réussite passe avant tout par la force et la domination. Willy, lui, navigue entre cette influence et son propre désir d’émancipation, sans toujours parvenir à mettre des mots sur ce qu’il ressent.

 

Si La Pampa résonne avec autant d’authenticité, c’est avant tout grâce à ses personnages finement écrits et aux acteurs qui leur donnent vie. Sayyid El Alami impressionne dans le rôle de Willy, un adolescent tiraillé entre loyauté et aspirations personnelles. Face à lui, Damien Bonnard campe un père de substitution inquiétant, dont l’affection toxique pèse de plus en plus sur Willy. Le film parvient à saisir avec sensibilité les dynamiques complexes entre les personnages. L’amitié entre Willy et Jojo évolue sous le poids des non-dits, et la tension monte au fil des événements. La relation que Willy entretient avec sa propre famille est aussi un point clé du récit. 

 

Pris entre sa mère, son beau-père et sa petite sœur, il semble parfois absent, enfermé dans une quête qui n’est peut-être pas la sienne. L’un des aspects les plus intéressants du film réside dans sa réflexion sur l’héritage familial. Willy porte en lui les rêves de son père disparu, mais aussi ceux que d’autres projettent sur lui. À travers son parcours, le film explore cette idée de transmission, de poids du passé, et du moment où il faut choisir son propre chemin. La mise en scène accompagne cette évolution avec une nervosité maîtrisée. Les courses de moto sont filmées avec une énergie brute, mais ce sont les scènes plus intimistes qui marquent le plus. 

 

La tension passe souvent par le silence, les regards, les gestes retenus. Antoine Chevrollier joue habilement avec ces moments suspendus, où tout peut basculer d’une seconde à l’autre. Derrière son récit initiatique, La Pampa aborde des sujets profonds : la masculinité toxique, le harcèlement, l’homophobie latente, mais aussi la difficulté de communiquer au sein des familles. Le film ne cherche pas à condamner frontalement ses personnages, mais il met en lumière les mécanismes qui perpétuent ces dynamiques destructrices. Malgré un scénario parfois prévisible dans sa dernière partie, l’ensemble reste poignant et sincère. 

 

Certaines facilités d’écriture auraient pu être évitées, mais elles n’enlèvent rien à la puissance émotionnelle du film. Avec La Pampa, Antoine Chevrollier signe un premier long métrage maîtrisé, porté par une mise en scène immersive et des interprètes investis. Le film capture avec justesse les contradictions de l’adolescence et la difficulté de se libérer des attentes des autres. Ce récit de construction personnelle, ancré dans un décor rarement exploré, laisse une empreinte durable. Un film à découvrir pour son regard sensible sur la jeunesse et la transmission.

 

Note : 7.5/10. En bref, un récit d'apprentissage poignant dans un décor rural.

Sorti le 5 février 2025 au cinéma

 

Retour à l'accueil
Partager cet article
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
À propos
delromainzika

Retrouvez sur mon blog des critiques de cinéma et de séries télé du monde entier tous les jours
Voir le profil de delromainzika sur le portail Overblog

Commenter cet article