4 Février 2025
Oddity // De Damian McCathy. Avec Carolyn Bracken, Gwilyn Lee et Tadhg Murphy
L’horreur efficace ne réside pas seulement dans les sursauts provoqués par des jump-scares, mais dans cette sensation persistante de malaise qui s’infiltre lentement et ne vous quitte plus. Oddity, réalisé par Damian McCarthy, s’inscrit dans cette lignée en mêlant ambiance oppressante, tension psychologique et surnaturel. Dans ce thriller teinté d’horreur, une jeune femme aveugle tente de percer le mystère entourant la mort brutale de sa sœur jumelle, et pour cela, elle se fie à un étrange mannequin en bois. Avec une mise en scène minimaliste et un décor isolé, le film construit progressivement une atmosphère dérangeante, où chaque silence semble cacher une menace et où la frontière entre la réalité et l’au-delà devient floue.
Darcy, une jeune femme aveugle travaillant dans un magasin de curiosités, est convaincue qu’elle peut communiquer avec l’au-delà. Après le meurtre de sa sœur jumelle, elle cherche à démasquer l’assassin en utilisant un inquiétant mannequin en bois issu d’une collection d’objets maudits.
L’histoire s’ouvre sur Dani, une femme qui vient d’emménager avec son mari Ted dans une maison en pleine rénovation. Une nuit, alors que Ted est absent, un homme frappe à sa porte. Il se présente comme Olin Boole et affirme qu’elle n’est pas seule dans la maison. Ce que Dani ignore encore, c’est que cette nuit sera sa dernière. Après cette introduction glaçante, le récit avance dans le temps et se concentre sur Darcy, la sœur jumelle de Dani. Aveugle, mais dotée d’une sensibilité particulière, elle refuse d’accepter les conclusions officielles sur la mort de sa sœur et se lance dans une quête pour découvrir la vérité.
Son enquête l’amène à côtoyer Ted, désormais en couple avec une autre femme, Yana. L’étrange mannequin en bois que Darcy apporte avec elle devient alors un élément clé du récit, comme s’il était le témoin silencieux d’événements que seuls quelques rares initiés peuvent comprendre. Le film joue sur plusieurs niveaux de tension. Il y a d’abord l’angoisse visuelle : la maison elle-même devient un personnage à part entière, avec ses coins sombres et ses pièces où l’on sent une présence invisible. La photographie, légèrement désaturée, renforce cette impression de froideur et d’isolement.
Certains plans sont volontairement peu éclairés, ce qui peut frustrer par moments, mais participe à cette sensation d’étrangeté omniprésente. Puis vient l’angoisse psychologique. Les interactions entre Darcy et Yana sont chargées d’ambiguïté, entre défiance et fascination. Carolyn Bracken, qui incarne Darcy, livre une prestation marquante, donnant à son personnage une intensité qui capte immédiatement l’attention. Enfin, il y a l’élément surnaturel, qui se manifeste par touches subtiles avant de prendre une place plus importante. Le mannequin en bois, notamment, devient une présence menaçante sans jamais être pleinement explicité, laissant planer le doute sur sa véritable nature.
Oddity ne cherche pas à enchaîner les scènes d’horreur classiques. Au contraire, il préfère installer un malaise diffus, un sentiment d’inquiétude qui s’accroît au fil des minutes. L’influence du folklore irlandais se ressent à travers certains éléments du film, comme cette vieille maison au passé trouble ou cet ancien asile psychiatrique qui ajoute une couche de mystère supplémentaire. L’intrigue avance parfois de manière légèrement décousue, et certains passages auraient mérité plus de développement, notamment sur les motivations profondes des personnages.
Mais cette imperfection contribue aussi au charme du film, qui fonctionne davantage par atmosphère que par une narration linéaire. Oddity n’est pas un simple film d’horreur : il joue sur les perceptions, sur le lien intime entre deux sœurs et sur le poids du deuil. En laissant planer une incertitude constante, il évite les explications trop directes et permet au spectateur de se perdre dans ses propres interprétations. Pour ceux qui apprécient les ambiances inquiétantes et les récits qui s’étirent lentement avant d’exploser en une conclusion marquante, Oddity est une belle découverte. Un film qui, malgré ses petites maladresses, prouve que le cinéma d’horreur indépendant peut encore surprendre et marquer les esprits.
Note : 7.5/10. En bref, un huis clos angoissant entre mystère et horreur psychologique.
Présenté en compétition du Festival du film international fantastique de Gérardmer 2025. Le film a remporté le Prix du Public.
Sorti le 3 février 2025 sur Insomnia, accessible via myCanal (inclus) et via Amazon Prime Video (essai gratuit de 7 jours puis 3,99€/mois)
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