31 Mars 2025
Ça Arrive // De Sabrina Nouchi. Avec Catherine Sorolla, Milo Chiarini et Andrea Dolente.
Il est rare qu'un film vous impacte immédiatement, qu'il s'installe durablement dans votre esprit avec ses scènes saisissantes et son propos percutant. Pourtant, Ça arrive, réalisé par Sabrina Nouchi, parvient à captiver et à bouleverser, tout en offrant un regard brut et sans fard sur les réalités difficiles du travail des policiers dans un commissariat marseillais. Ce film, tourné en seulement sept jours avec un budget modeste de 135 000 euros, parvient à raconter une histoire poignante sans tomber dans le spectaculaire.
Dans un commissariat du 1er arrondissement de Marseille, trois enquêteurs, deux hommes et une femme, font face aux récits des viols qui sont perpétrés quotidiennement dans la cité Phocéenne. Chaque jour, ils reçoivent des victimes de tout âge, genre et milieu social. Chaque jour, ils mettent leur professionnalisme au service de cette brigade haute en couleurs, où le drame côtoie l'humour, et la noirceur l'espoir.
Il se concentre sur les détails, sur l'humain, et dépeint un quotidien difficile où les enquêteurs enregistrent des plaintes pour violences sexuelles. Un sujet lourd, traité avec une grande justesse. Ça arrive plonge le spectateur dans l'intimité d'un commissariat, où les policiers de la brigade des mœurs doivent prendre en charge des plaintes pour agressions sexuelles, viols et autres crimes de mœurs. Le film, tout en restant réaliste, ne tombe jamais dans le voyeurisme.
Il choisit de montrer les différents types de victimes qui se présentent à ces policiers, des femmes brisées aux hommes soumis à des violences conjugales. À travers ces portraits, le film cherche à rendre visibles des réalités souvent ignorées. Ce qui frappe dans le film, c'est l'authenticité des scènes. Contrairement à d'autres œuvres du même genre, comme Polisse (2011), qui avaient recours à des touches d'humour noir pour alléger la gravité du sujet, Ça arrive choisit une approche plus directe, sans artifices. Les dialogues sont parfois secs, parfois chargés d’émotion, mais toujours justes.
Les policiers, tout comme les victimes, sont représentés de manière nuancée, loin des stéréotypes. Les enquêteurs ne sont pas des super-héros ni des personnages parfaits, mais des êtres humains, confrontés à des situations dévastatrices. L'une des forces du film est de ne jamais chercher à offrir une solution facile ou à donner des réponses simplistes. Il ne prétend pas expliquer comment réparer le système judiciaire ou résoudre les inégalités sociales. Au contraire, Ça arrive souligne la complexité des situations rencontrées et l'inefficacité parfois du système.
Les policiers tentent de faire leur travail avec professionnalisme, mais ils ne sont pas à l'abri de leurs propres failles, de leurs doutes ou de leurs erreurs. Le film s'intéresse autant aux victimes qu'aux policiers. Si ces derniers sont dépeints dans leurs moments d'humanité, le film n'hésite pas à montrer leur lassitude, leurs questionnements, leur incapacité parfois à changer quoi que ce soit face à un système qui semble bien souvent défaillant. Ce regard sur les policiers est un choix audacieux, et bien qu'il ne soit pas toujours confortable, il ajoute de la profondeur au récit.
L'une des caractéristiques les plus marquantes de Ça arrive est son approche quasi documentaire. La caméra suit de près les policiers et leurs interactions avec les victimes. Les scènes d’audition se succèdent, et le film ne cherche pas à enjoliver les choses. Chaque plainte est un moment difficile, souvent répété, parfois exhaustif, montrant les impacts physiques et psychologiques des violences subies. Cela dit, si cette approche immersive permet de ressentir pleinement l’intensité des situations, elle peut aussi créer une certaine redondance.
À force de montrer les plaintes et les confrontations, le film tombe parfois dans la répétition, ce qui peut perdre l’attention du spectateur. Les mêmes dynamiques se répètent, et bien que chaque affaire soit unique, la structure du film peut donner une impression de lourdeur. Cependant, cette répétitivité est peut-être aussi un choix délibéré pour illustrer l’incessant travail des policiers, qui doivent faire face chaque jour à des situations tout aussi terribles. La monotonie de l’enregistrement des plaintes devient alors un reflet du quotidien difficile des enquêteurs.
Le casting de Ça arrive n’est pas composé de grandes stars du cinéma français, mais cela ne nuit pas à la qualité du film. Les acteurs principaux réussissent à incarner leurs personnages avec une grande justesse. L’émotion est palpable dans chaque scène, et la tension entre les policiers et les victimes est retranscrite avec une grande sensibilité. Les acteurs secondaires ne sont pas en reste, apportant également des performances solides qui ajoutent à l’authenticité de l’ensemble. Même si les visages ne sont pas forcément familiers, leur jeu naturel et puissant sert le film et son propos.
Cette absence de grands noms contribue d’ailleurs à renforcer l’aspect documentaire du film, rendant les scènes encore plus crédibles et réalistes. La réalisatrice Sabrina Nouchi a choisi une mise en scène qui, bien que discrète, sert parfaitement l’objectif du film. L’absence de fioritures visuelles et de grandes envolées stylistiques permet au spectateur de se concentrer pleinement sur le récit et les personnages. Le film suit un rythme lent mais soutenu, permettant de bien saisir les émotions des personnages tout en respectant la gravité du sujet.
La caméra se fait intime, presque invisible, et n’interfère jamais avec le discours du film. Il ne s’agit pas de proposer un film « spectaculaire », mais bien de raconter une histoire vraie, celle de ces policiers qui enregistrent des plaintes, de ces victimes qui se battent pour être entendues, et de ce système judiciaire qui peine à offrir des solutions concrètes. Ça arrive est un film qui ne cherche pas à faire plaisir, mais plutôt à faire réfléchir. Le film prend au sérieux un sujet difficile et souvent évité au cinéma, et le traite avec un respect évident pour ses personnages et pour le spectateur.
Il est difficile de dire qu’il « plaît » tant le sujet est lourd et parfois insoutenable, mais il est indéniablement marquant. C’est un film qui, tout en restant réaliste et parfois dur, offre un regard nuancé sur la question des violences sexuelles et des victimes. Bien qu’il puisse parfois paraître un peu répétitif, Ça arrive mérite d’être vu pour sa capacité à nous immerger dans une réalité complexe et douloureuse. Sabrina Nouchi signe ici une œuvre poignante, qui, même si elle n’apporte pas de réponses faciles, ouvre la porte à une réflexion nécessaire sur notre société.
Note : 7/10. En bref, bien qu’il puisse parfois paraître un peu répétitif, Ça arrive mérite d’être vu pour sa capacité à nous immerger dans une réalité complexe et douloureuse.
Sorti le 27 novembre 2024 au cinéma - Disponible en VOD
Retrouvez sur mon blog des critiques de cinéma et de séries télé du monde entier tous les jours
Voir le profil de delromainzika sur le portail Overblog