Critiques Séries : Severance. Saison 2. Episode 10 (season finale)

Severance // Saison 2. Episode 10. Cord Arbor.

SEASON FINALE

L’attente était longue, mais la saison 2 de Severance a tenu toutes ses promesses. Après une première saison qui a posé les bases d’un univers intrigant et dérangeant, cette nouvelle salve d’épisodes a approfondi la complexité de ses personnages et renforcé les tensions entre Innies et Outies. Chaque révélation a alimenté une réflexion plus large sur l’identité et le libre arbitre, jusqu’à un final qui pousse cette dualité dans ses derniers retranchements. L’épisode 10, véritable pièce maîtresse de la saison, offre un dénouement haletant, qui, loin de tout résoudre, rebat les cartes d’une manière inattendue.

Dès les premières minutes, l’épisode s’impose par son intensité. Le format étendu (1h15) laisse suffisamment d’espace pour développer les enjeux sans précipitation, tout en maintenant un rythme qui ne faiblit jamais. La tension s’accroît progressivement, portée par des choix scénaristiques audacieux qui mettent en avant les dilemmes moraux des personnages. L’une des intrigues centrales tourne autour de Mark, dont le parcours au sein de Lumon atteint un point critique. Depuis le début de la saison, son arc narratif repose sur une quête de vérité et de réconciliation entre ses deux identités. 

La confrontation entre son Innie et son Outie devient inévitable, et cet épisode en fait le cœur de son propos. Là où Severance excelle, c’est dans sa manière de rendre ces enjeux profondément humains. Loin d’une simple opposition manichéenne entre bien et mal, la série joue sur des nuances psychologiques subtiles. Mark ne cherche pas seulement à comprendre qui il est : il doit aussi décider de qui il veut être. Et ce choix est d’autant plus difficile qu’il ne concerne pas uniquement sa propre existence, mais aussi celle de ceux qui l’entourent.

L’épisode précédent avait laissé Mark dans une position délicate. Propulsé dans une cabane mystérieuse, il se retrouve face à Mme Cobel et Devon, et confirme ce que beaucoup soupçonnaient déjà : son Innie a pris le contrôle. Ce point de bascule marque un tournant décisif. Pour la première fois, Outie et Innie ne sont plus simplement deux versions d’une même personne, mais bien deux entités conscientes de leur propre existence, forcées d’interagir directement. Le plan mis en place repose sur une mécanique complexe : utiliser le passage entre les deux états de Mark pour infiltrer Lumon et libérer Gemma. 

Mais cette mission soulève une problématique glaçante : si l’entreprise tombe, les Innies disparaissent avec elle. Leur existence n’est possible qu’au sein du cadre imposé par Lumon. Ce qui semble être une victoire pourrait bien être leur propre fin. C’est là toute la force de la série : poser des questions sans réponses évidentes. La série nous a habitués à considérer les Innies et les Outies comme des êtres distincts, avec leurs propres émotions, souvenirs et aspirations. Mais jusqu’à quel point peut-on scinder une personne en deux ? Et, surtout, qu’advient-il lorsque ces deux moitiés se retrouvent face à un choix qui les dépasse ?

Mark, qui a passé toute la saison à essayer de réunifier son existence, se retrouve finalement confronté à un dilemme insoutenable : vivre en tant qu’Outie, retrouver Gemma et anéantir l’existence de son Innie, ou rester dans un monde où il peut être lui-même, au prix d’une vie fragmentée et instable. L’un des moments les plus marquants de l’épisode concerne la véritable nature de Gemma. Dès le début de la saison, son rôle chez Lumon était sujet à interrogation. Le mystère s’épaississait au fil des épisodes, alimentant toutes sortes de théories. La réponse dépasse largement ce que l’on pouvait imaginer.

Il s’avère que Gemma est un sujet d’expérimentation bien plus avancé que les autres employés de Lumon. Contrairement à ce que l’on pensait, elle ne possède pas une unique personnalité scindée, mais une multitude d’identités, créées artificiellement à chaque nouvelle entrée dans une pièce spécifique de l’entreprise. Mark lui-même, à son insu, a participé à ce processus en « raffinant » des données qui, en réalité, façonnaient ces nouvelles consciences. Cette révélation remet en question toute la dynamique de la série. Si Gemma a pu être manipulée à ce point, qu’en est-il des autres employés ? 

Et, plus troublant encore, quels sont les véritables objectifs de Lumon ? La suppression du libre arbitre ne serait-elle qu’une étape vers quelque chose de plus grand et plus inquiétant ? Malgré la tension dramatique omniprésente, l’épisode parvient à distiller des instants d’humour inattendus. C’est une marque de fabrique de Severance, qui sait équilibrer le sérieux de son propos avec des scènes plus légères, sans jamais compromettre l’intensité de son récit. L’exemple le plus marquant est sans doute l’intervention du service « Chorégraphie et Festivités ». 

Alors que la situation atteint son paroxysme, Milchick convoque une équipe chargée d’animer l’événement avec une mise en scène absurde. L’effet est saisissant : ce décalage renforce encore davantage la folie sous-jacente qui règne chez Lumon. Ce type de scène rappelle que Severance ne se limite pas à un thriller psychologique. C’est aussi une satire, une critique acerbe des dérives du monde du travail et des systèmes de contrôle modernes. Derrière l’absurdité des danses imposées ou des récompenses vides de sens, c’est tout un discours sur la déshumanisation qui se dessine.

L’épisode atteint son apogée avec une série de décisions radicales qui redéfinissent totalement l’avenir de la série. Alors que tout semblait indiquer que Mark allait enfin retrouver Gemma et s’échapper, la tournure des événements prend une direction inattendue. Dans un choix qui en dit long sur son évolution, Mark décide de rester. Plutôt que de rejoindre son Outie et de retrouver la vie qu’il avait perdue, il choisit de s’engager aux côtés d’Helly. Ensemble, ils plongent plus profondément dans les méandres de Lumon, déterminés à percer ses secrets.

Ce revirement est d’autant plus percutant qu’il s’accompagne d’une mise en scène magistrale. L’épisode se conclut sur une course effrénée dans les couloirs de l’entreprise, illuminés par des lumières rouges clignotantes. La musique accompagne cette fuite en avant avec une intensité presque hypnotique, soulignant l’urgence et l’incertitude du moment. Ce choix de Mark, bien loin de l’idée d’un « happy ending », vient bousculer toutes les attentes. La série aurait pu se terminer sur une libération, une victoire des héros sur le système oppressif de Lumon. 

Au lieu de cela, elle laisse ses personnages dans une zone de flou total, où chaque décision mène à de nouvelles complications. Avec une telle conclusion, la saison 3 de Severance s’annonce comme un tournant majeur. Maintenant que les Innies ont pris le pouvoir à l’intérieur de Lumon, les règles du jeu risquent de changer radicalement. Mais cette apparente prise de contrôle pourrait bien être un piège. De nombreuses questions restent en suspens : Quelle sera la réaction de Lumon face à cette rébellion interne ? Mark pourra-t-il vraiment fusionner ses deux identités, ou est-il condamné à un éternel clivage ? Le sacrifice des Innies est-il inévitable, ou existe-t-il une alternative ?

Ce qui est certain, c’est que la série continue d’explorer les thématiques qui ont fait son succès avec une profondeur rare. La frontière entre l’identité et l’illusion n’a jamais été aussi mince, et l’on peut s’attendre à de nouvelles révélations aussi troublantes que fascinantes. En attendant la suite, cet épisode laisse une empreinte durable. Il clôt une saison intense tout en ouvrant une multitude de pistes narratives. Une chose est sûre : l’univers de Severance n’a pas fini de nous surprendre.

Note : 10/10. En bref, une conclusion renversante qui redéfinit tout. Vivement la saison 3. 

Disponible sur Apple TV+

Apple a renouvelé Severance pour une saison 3. Ben Stiller, producteur et réalisateur de la série demandait sur X des nouvelles du renouvellement. Tim Cook lui-même, a annoncé le renouvellement en réponse à son post sur X.

Season 3 of Severance is available upon request.
- Tim C. https://t.co/bNig41qs9t pic.twitter.com/cnctZIRDNF

— Tim Cook (@tim_cook) March 21, 2025