10 Avril 2025
La troisième saison de Bosch: Legacy continue de tisser un récit dense, où chaque épisode rapproche les personnages de révélations inattendues, tout en mettant en lumière des failles humaines plus que jamais présentes. Les épisodes 7 et 8 marquent une bascule importante dans la narration : ce qui semblait être des intrigues secondaires prend une nouvelle ampleur, tandis que les ramifications d’un passé trouble reviennent frapper aux portes de ceux qui pensaient l’avoir laissé derrière eux. L’intrigue centrale autour de la mort du détective Jimmy Robertson connaît un virage intéressant.
Jusqu’ici, l’affaire paraissait presque secondaire face à l’ampleur de l’affaire Gallagher. Pourtant, ces deux épisodes replacent la mort de Robertson au centre du jeu. Ce changement de focale n’arrive pas par hasard. L’implication potentielle d’un cartel mexicain et d’un shérif aux intentions ambiguës redonne une dynamique plus nerveuse à cette branche du récit. Ce basculement dans l’enquête ne repose pas uniquement sur de nouveaux indices, mais aussi sur une approche différente. Bosch, fidèle à sa méthode, suit les traces oubliées, les signes négligés. La découverte d’une substance sous les ongles d’une victime non identifiée et la localisation d’un badge d’hôtel suffisent à ouvrir une piste que beaucoup avaient ignorée.
Ce genre de travail de fourmi est justement ce qui permet à la série de ne jamais se reposer sur des effets de manche. Ce qui ressort avec force dans ces épisodes, c’est la confrontation de Bosch à des structures institutionnelles prêtes à tout pour protéger certains secrets. L’idée n’est pas nouvelle dans la série, mais elle prend ici une tournure plus frontale. En croisant la route du shérif Garrity, Bosch semble comprendre rapidement qu’il ne s’agit pas seulement de mauvaise foi ou d’incompétence. Il y a quelque chose de plus enfoui, plus organisé, qui protège des intérêts bien établis. Le personnage de "Pope", figure inquiétante à la frontière du mythe et de la réalité, vient cristalliser cette menace.
Un ancien chef de cartel, aujourd’hui impliqué dans un réseau industriel opaque, voilà un antagoniste à la hauteur de Bosch. Mais ce qui rend cette menace plus palpable, c’est la manière dont elle se glisse dans les interstices du pouvoir local. Une structure criminelle qui n’agit plus depuis les bas-fonds, mais depuis des usines et des bureaux. L’arc narratif autour de Reina Vasquez continue d’évoluer de manière inattendue. Ce qui aurait pu rester un simple contrepoint émotionnel à l’intrigue policière prend ici des allures de drame personnel complexe. Découvrir que son propre neveu est impliqué dans une série de braquages est une chose. Choisir de rester dans l’enquête pour le faire arrêter en est une autre.
Ce dilemme moral n’est pas traité de manière sensationnaliste. Au contraire, la série prend le temps de montrer les étapes du cheminement intérieur de Reina. De la confrontation initiale avec Albert à la décision de se confier à sa hiérarchie, chaque moment pèse sur elle. Il n’y a pas d’échappatoire facile. La loyauté familiale entre en collision directe avec l’engagement professionnel, et le choix final laisse des traces profondes. De son côté, Maddie se retrouve à son tour face à un choix cornélien. Entre son amitié pour Reina et son devoir de faire respecter la loi, la frontière devient floue. Ce genre de conflit, déjà entrevu dans les épisodes précédents, trouve ici une résonance plus forte.
Contrairement à Bosch, qui semble avoir intégré ce type de dilemme à son mode de fonctionnement, Maddie découvre encore les limites de sa tolérance et de ses principes. Cette évolution donne de la matière à son personnage. Elle n’est plus seulement la "fille de", ni l’officier en formation. Elle prend ses propres décisions, porte le poids de ses choix, et apprend à assumer les conséquences, même lorsqu’elles impliquent de confronter quelqu’un qu’elle respecte profondément. Mo reste fidèle à son rôle d’intermédiaire, entre le monde des hackers et celui des institutions. Sa capacité à obtenir des informations que d’autres ne peuvent atteindre permet de faire avancer l’enquête sur McShane.
Ce personnage, souvent utilisé pour alléger le ton, se révèle une fois encore crucial. Mais son lien passé avec Jade, une agente du FBI, ajoute une dimension plus personnelle à ses interventions. Ce mélange de tension et de complicité apporte une nuance supplémentaire à une série qui, sans cela, risquerait de devenir trop monolithique. Avec ces deux épisodes, la saison semble vouloir passer à la vitesse supérieure. Mais contrairement à certaines séries qui se précipitent vers leur dénouement, Bosch: Legacy prend le temps de poser les pièces de son échiquier. Le fait que les pistes s’entrecroisent – entre le meurtre de Robertson, l’affaire McShane, et la filière de production de drogues – donne une impression d’unité sans forcer le trait.
Même si certains arcs secondaires semblent ralentir ou rester en suspens, comme celui du conseiller municipal Curry, l’ensemble reste cohérent. Rien ne paraît gratuit. Chaque détour sert à construire une tension qui, inévitablement, devra trouver une résolution dans les épisodes à venir. Ce qui continue de marquer dans cette troisième saison, c’est la place donnée à l’intime. L’enquête n’est jamais purement factuelle. Elle est traversée par des émotions, des doutes, des trahisons. Que ce soit dans les discussions entre Maddie et Bosch, dans les silences de Reina face à sa famille, ou dans les hésitations de Chandler face aux manœuvres politiques, tout ramène à cette idée : derrière chaque uniforme, il y a des êtres humains avec leurs failles.
Ce regard porté sur l’humain, sans excès de pathos, donne une véritable densité aux personnages. Il permet aussi d’éviter l’écueil du simple thriller procédural. On est ici dans un récit plus vaste, qui questionne les valeurs, les fidélités, les choix personnels. Avec seulement deux épisodes restants, la série semble vouloir jouer sur plusieurs tableaux en même temps : faire tomber le cartel, éclaircir la mort de Robertson, affronter les conséquences du choix de Reina, et comprendre enfin l’étendue des manipulations autour de McShane. Cela fait beaucoup, mais Bosch: Legacy a jusqu’ici su gérer les ramifications sans perdre le fil. Il est probable que toutes les réponses ne viendront pas immédiatement.
Note : 7.5/10. En bref, si les épisodes 7 et 8 montrent une chose, c’est que la série ne cherche pas à tout résoudre dans la précipitation. Au contraire, elle préfère laisser ses personnages évoluer, quitte à laisser certaines zones d’ombre, comme dans la vraie vie.
Disponible sur Amazon Prime Video
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