3 Avril 2025
Délocalisés // De Ali et Redouane Bougheraba. Avec Redouane Bougheraba, Vanessa Guide et Ahassan Uddin.
Les comédies sociales ont souvent cette ambition de mêler humour et critique sur des réalités bien ancrées. Délocalisés, premier film réalisé par Redouane Bougheraba en collaboration avec son frère Ali, s’inscrit dans cette lignée avec un regard humoristique sur la délocalisation et le choc des cultures. Avec un scénario improbable et un humour qui repose largement sur la personnalité de son acteur principal, le film navigue entre moments réussis et une impression d’inachevé. L’histoire suit Redouane, ouvrier dans une usine de matelas en France, qui découvre du jour au lendemain que son entreprise est délocalisée en Inde.
Le jour où Redouane va obtenir sa promotion et enfin passer contremaître, il apprend que l'usine de matelas où il travaille est délocalisée en Inde. Bien décidé à conserver sa promotion, il accepte de partir tout en ayant la garantie d'être payé double et emmène avec lui Marguerite sa compagne. Une fois sur place, il découvre que son patron l'a dupé, il sera bien payé double mais en roupies. Furieux, il décide de se venger en enseignant aux équipes le meilleur des droits sociaux français : grèves, manifestations et RTT avec pour seul objectif de renverser son patron. Entre choc des cultures et lutte sociale, Redouane mène une révolution inattendue qui pourrait bien changer le destin de l’usine… et le sien.
Plutôt que de perdre son emploi, il accepte de partir sur place pour superviser l’équipe locale, se retrouvant confronté à une culture qu’il ne connaît pas et à des situations absurdes. L’idée de départ est intéressante : elle permet d’aborder les conséquences d’une délocalisation, aussi bien pour les employés laissés sur le carreau en France que pour ceux qui récupèrent ces emplois ailleurs, souvent dans des conditions bien différentes. Malheureusement, cet aspect reste en surface.
Le film ne s’attarde jamais vraiment sur les impacts économiques ou humains de cette transition, préférant enchaîner les situations comiques sans creuser le propos. Ce qui porte véritablement Délocalisés, c’est la présence de Redouane Bougheraba. Fidèle à son style, il aligne les vannes avec son débit mitraillette et son sens de la répartie. Ceux qui apprécient son humour y trouveront forcément quelques moments plaisants. Il apporte une énergie indéniable et une aisance naturelle qui donne au film un certain rythme.
Toutefois, cet humour peut aussi être un frein pour ceux qui ne sont pas réceptifs à son style. Le film repose presque exclusivement sur ses dialogues et son bagout, laissant peu de place aux autres personnages. Résultat, l’histoire donne parfois l’impression d’être une série de sketches autour de Redouane plutôt qu’un film véritablement construit. Tourner en Inde aurait pu être une opportunité pour apporter une richesse visuelle et culturelle au film. Pourtant, l’exploitation du décor est assez décevante.
Peu de paysages marquants, peu de mise en valeur de l’environnement… L’histoire aurait pu se dérouler ailleurs que cela ne changerait pas grand-chose. Certains films parviennent à transformer un lieu en véritable personnage secondaire, en jouant avec ses couleurs, son ambiance, ses contrastes culturels. Ici, l’Inde sert juste de toile de fond, sans jamais être un élément central du récit. Cela renforce l’impression d’un film qui aurait pu aller plus loin dans son idée initiale, mais qui choisit finalement la facilité.
Le sujet de la délocalisation aurait pu donner lieu à une vraie satire sur le capitalisme et ses dérives, sur l’absurdité des décisions économiques qui bouleversent des vies sans considération humaine. Mais Délocalisés préfère rester dans la légèreté, effleurant à peine cette thématique. Les comédies sociales réussies savent trouver le juste équilibre entre le rire et la réflexion. Ici, la critique est à peine esquissée. Le film semble hésiter entre être une simple comédie décalée ou un film avec un message plus profond, et au final, il ne choisit jamais vraiment.
Ce qui transparaît dans Délocalisés, c’est avant tout l’amusement de son équipe. Il y a une ambiance détendue, un esprit bon enfant qui donne l’impression d’un tournage entre amis. Cette décontraction se ressent à l’écran, ce qui peut être à la fois un atout et une faiblesse. D’un côté, cela apporte une certaine fraîcheur et un ton léger qui rend le film agréable par moments. De l’autre, cela donne aussi l’impression que le film manque de rigueur dans sa construction. L’écriture reste basique, le jeu des acteurs parfois approximatif, et l’ensemble manque d’une véritable ligne directrice.
Délocalisés n’est pas un film à prendre trop au sérieux. Il ne prétend pas révolutionner la comédie française ni proposer une analyse approfondie de son sujet. Il se contente d’être une comédie portée par l’énergie de son acteur principal, avec quelques moments drôles et une ambiance légère. Ceux qui apprécient l’humour de Redouane Bougheraba y trouveront probablement leur compte, car il y est fidèle à lui-même. En revanche, ceux qui recherchent une comédie plus travaillée, avec une écriture plus fine et un véritable message social, risquent d’être déçus.
En somme, Délocalisés est un film sans prétention, qui amuse par instants mais laisse une sensation d’inachevé. Il aurait pu être plus mordant, plus visuellement marquant, et surtout, plus abouti dans son récit. À voir si l’on aime son acteur principal, mais sans en attendre plus qu’un divertissement léger.
Note : 5.5/10. En bref, une comédie sociale qui plaira avant tout aux fans de Redouane Bougheraba tant le film repose sur son style et son humour. Par chance ça fonctionne sur moi. Cependant, le film reste trop sur l’énergie de son héros, laissant finalement peu de place aux autres.
Sorti le 12 mars 2025 au cinéma
Retrouvez sur mon blog des critiques de cinéma et de séries télé du monde entier tous les jours
Voir le profil de delromainzika sur le portail Overblog