4 Avril 2025
The Wheel of Time / La Roue du Temps // Saison 3. Episode 6. The Shadow in the Night.
L’épisode 6 de la saison 3 de La Roue du Temps offre une progression narrative contrastée, marquée par des choix de mise en scène audacieux, une exploration plus sombre de certains personnages, et quelques zones d’ombre dans l’équilibre de ses intrigues multiples. L’entrée en matière, avec un retour dans le passé de Tanchico, pose un cadre fort en charge émotionnelle, centré sur Liandrin. La séquence met en lumière une facette méconnue de ce personnage, et introduit d’emblée une tonalité tragique que l’épisode ne lâchera plus vraiment. Ce retour dans le passé permet de mieux cerner la mécanique psychologique derrière les choix de Liandrin.
Livrée à elle-même, canalisant la puissance du Pouvoir Unique dans un contexte de survie, elle devient le jouet d’un monde où l’empathie est rare et la manipulation, monnaie courante. L’intervention d’Ishamael ajoute un niveau de complexité moral : le mal ne se présente pas toujours sous la forme attendue. Cette ouverture, riche en nuances, installe une tension morale qu’on aurait aimé voir prolongée ailleurs dans l’épisode. Tanchico devient par la suite le centre d’une intrigue secondaire qui commence enfin à prendre de l’épaisseur. Alors que l’épisode précédent semblait n’être qu’un tremplin logistique, celui-ci propose de vraies interactions, notamment avec le retour de Thom Merrilin.
Ce personnage, longtemps absent, réintroduit une dynamique plus ambiguë dans la mission du groupe. Son refus initial de coopérer résonne avec les tensions internes des protagonistes, avant de céder sa place à un moment plus inattendu : l’improvisation musicale d’Elayne. Cette scène, légèrement décalée du reste, détend la tension sans pour autant perdre en pertinence. Elle permet aux personnages d’exister au-delà de leur rôle dans la quête. Mais ce moment de grâce est rapidement balayé par l’entrée en scène de Moghedien. Le renversement de ton est brutal, presque trop.
La façon dont elle s’empare de l’esprit de Nynaeve et Elayne est glaçante, mais leur transformation en marionnettes hilares laisse un arrière-goût amer. L’attente d’une ruse, d’un plan caché, ne sera pas récompensée. Ce choix narratif accentue la fragilité des héroïnes face à la puissance des Élus, mais donne aussi l’impression que le scénario joue de manière inégale avec ses figures féminines fortes. L’intrigue du Deux Rivières reste plus lente. Le retour de Perrin chez lui aurait pu être l’occasion d’un bouleversement narratif, mais l’écriture semble parfois diluer le propos dans des dialogues de remplissage.
Toutefois, certains échanges émotionnels, notamment entre Perrin et Faile, créent des ancrages plus sincères. Le passé douloureux de chacun est évoqué avec pudeur, et leur relation franchit un cap, donnant une véritable humanité à cette partie de l’histoire. La fin de l’épisode dans cette région remonte l’intérêt : Padan Fain réapparaît, et les Trollocs se préparent à frapper. Le suspense est bien dosé, et laisse entrevoir un affrontement qui pourrait redéfinir les rôles. Cette perspective de bataille au Deux Rivières pourrait être un moment charnière de la saison, si le traitement est à la hauteur de l’intensité attendue.
Mais c’est dans le Désert des Aiels que l’épisode trouve son ancrage le plus fort. L’exploration de l’état psychique de Rand y est bien menée, surtout dans sa difficulté à contenir l’énergie destructrice qu’il abrite. La conversation avec Moiraine sur la puissance du Pouvoir Unique installe une tension latente : ce n’est pas l’ennemi qui risque de tout briser, mais Rand lui-même. La séquence avec Egwene est également marquante. Elle le confronte non seulement sur ses sentiments, mais sur la responsabilité qu’il porte dans la souffrance qu’elle endure. Cela rend leur rupture inévitable, mais loin d’être anecdotique, elle prend une véritable portée dramatique.
L’attaque de Sammael interrompt brutalement cette tension, mais la scène parvient à garder une force visuelle et émotionnelle. Le pouvoir de Rand explose littéralement, dans une rage presque désespérée. Pourtant, c’est dans l’après-coup que le coup de massue tombe : Alsera, la fillette à laquelle il s’était attaché, meurt. Cette perte remet en cause tout ce qu’il pense pouvoir contrôler. La limite de son pouvoir est posée sans ambiguïté : la mort reste invincible. En filigrane, cette scène cristallise un basculement dans le parcours de Rand.
Son évolution, si elle continue dans cette direction, pourrait prendre une tournure plus sombre. Le personnage s’éloigne de l’idéal du héros maîtrisé pour s’enfoncer dans une complexité psychologique plus intéressante. Au niveau visuel, les scènes nocturnes continuent de poser problème. L’esthétique bleutée et orange, récurrente dans la série, affaiblit parfois l’impact dramatique. Le manque de lisibilité dans les décors et la lumière nuit à l’immersion, en particulier dans des scènes supposées vibrantes de vie ou menaçantes. À ce stade, l’habitude s’est installée, mais cela n’empêche pas la frustration.
L’épisode révèle aussi un dilemme récurrent : comment maintenir l’équilibre entre une narration foisonnante et des moments plus autonomes, plus intimes. Lorsque la série prend le temps de se poser, comme durant la chanson d’Elayne ou la discussion entre Perrin et Faile, elle gagne en impact. Ces instants suspendus font respirer l’ensemble. L’épisode brille par ses performances d’acteur. Josha Stradowski, en particulier, livre une interprétation habitée dans ses moments de rupture. Son jeu fait ressentir la tension entre le pouvoir qui le dévore et l’homme qui cherche encore à s’accrocher à une forme d’humanité.
Côté intrigue, Mat reste un personnage à suivre. Son potentiel lié à la chance mérite un traitement plus approfondi, surtout après l’obtention du bracelet. Le développement de cette thématique pourrait enrichir davantage les interactions entre les personnages, et surtout amener des mécanismes narratifs moins attendus. En conclusion, ce sixième épisode de la saison 3 de La Roue du Temps oscille entre maîtrise et fragilité. Certaines parties résonnent longtemps après le visionnage, d’autres laissent une impression de remplissage ou de déséquilibre.
Mais les scènes centrales, notamment celles avec Rand, créent des jalons importants pour la suite. Si la bataille des Deux Rivières est à la hauteur de son potentiel, elle pourrait offrir à cette saison un véritable tournant. Ce n’est pas encore une réussite pleine, mais la direction prise laisse entrevoir des sommets narratifs si l’écriture suit.
Note : 6.5/10. En bref, ce sixième épisode de la saison 3 de La Roue du Temps oscille entre maîtrise et fragilité. Certaines parties résonnent longtemps après le visionnage, d’autres laissent une impression de remplissage ou de déséquilibre.
Disponible sur Amazon Prime Video
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