7 Avril 2025
La série Stenbeck, diffusée en cinq épisodes, dresse le portrait d’un homme qui a marqué le paysage économique suédois. Jan Stenbeck, figure complexe, controversée et indéniablement influente, y est présenté sous plusieurs facettes. Mais une question reste en suspens tout au long de la saison : qui était vraiment Stenbeck, au-delà de l’image publique et de la figure médiatique ? Le début de la série installe d’emblée un ton solennel. L’histoire prend place dans un univers feutré, fait de réunions stratégiques, de jeux de pouvoir familiaux, et de décisions prises derrière des portes closes.
Le spectateur est plongé dans un monde où la loyauté familiale s’entremêle avec des ambitions démesurées. La dynamique interne du clan Stenbeck devient rapidement le fil conducteur, bien plus que le développement des affaires en elles-mêmes. L’écriture semble vouloir miser sur la tension contenue, sur les silences lourds de sens et les regards appuyés. Une approche qui peut fonctionner quand elle s’appuie sur une interprétation solide. Malheureusement, certains choix de casting laissent perplexe.
Le personnage principal, incarné par Jakob Oftebro, oscille entre détachement et froideur, sans que l’on comprenne vraiment s’il s’agit d’une intention réaliste ou d’une erreur de direction d’acteur. Il devient alors difficile de saisir les émotions profondes de Stenbeck, ou ce qui le pousse à agir. Ce flou dans la représentation du personnage principal rejaillit sur la narration. Le récit avance, mais peine à captiver. Les épisodes prennent parfois des détours narratifs qui n’apportent pas grand-chose à la compréhension du personnage ou des enjeux.
Plusieurs scènes semblent être là pour cocher des cases plutôt que pour nourrir une tension dramatique. Le rythme s’essouffle alors même que certains éléments cruciaux de la vie de Stenbeck sont évacués ou réduits à des allusions. La représentation de la relation avec sa femme, Merrill, illustre bien cette tendance. L’accent mis sur leur histoire commune donne l’impression d’un parti pris émotionnel, au détriment de la complexité historique. Les tensions réelles, les écarts, les choix discutables sont gommés au profit d’une image plus lisse.
Ce choix soulève une interrogation : la série cherche-t-elle à rendre hommage ou à raconter une véritable histoire ? Les autres personnages secondaires manquent également de profondeur. Les membres de la famille, les partenaires d’affaires, les adversaires même, sont souvent réduits à des archétypes. On peine à sentir des trajectoires propres, à comprendre leurs motivations ou leurs contradictions. Cela fragilise l’ensemble, et empêche l’ancrage du spectateur dans l’intrigue. D’un point de vue visuel, la série alterne entre des moments de vraie recherche esthétique et des séquences plus fonctionnelles.
La lumière, souvent tamisée, tente de recréer une ambiance feutrée, mais finit par donner une impression de monotonie. Quant à la bande-son, elle reste en retrait, accompagnant sans vraiment sublimer. Là où la série touche juste, c’est dans sa manière d’aborder la mutation de la société suédoise. En toile de fond, la fin d’une ère social-démocrate laisse place à une logique de marché plus agressive. Le changement de paradigme se ressent dans les dialogues, dans les choix des personnages, dans la manière de penser l’entreprise. Cet aspect, sans être surligné, confère une profondeur bienvenue à l’ensemble.
Mais encore une fois, cette tentative est freinée par un manque d’équilibre. Au lieu de proposer une lecture nuancée des transformations économiques et culturelles, la série reste trop en surface. Elle suggère plus qu’elle n’explique, effleurant des sujets denses sans les creuser. Le traitement artistique, de façon plus globale, oscille constamment entre ambition et approximation. Le projet semble porté par une volonté de bien faire, mais manque de rigueur dans l’exécution. Comme si l’équipe avait eu entre les mains un matériau passionnant, sans parvenir à le maîtriser pleinement.
Il y a pourtant quelque chose à retenir de cette première saison. Stenbeck tente de raconter le pouvoir, les jeux d’influence, les héritages familiaux et les tensions intimes qui en découlent. Ce sont des thèmes forts, qui trouvent un écho bien au-delà de la Suède. Le problème, c’est que la série ne parvient jamais vraiment à donner à ces enjeux la densité qu’ils méritent. L’ensemble donne l’impression d’un rendez-vous manqué. D’un potentiel immense, dont seuls quelques fragments se concrétisent à l’écran. Certains moments fonctionnent, certaines idées séduisent, mais l’homogénéité fait défaut.
Ce qui aurait pu être une fresque dense et bouleversante se transforme en enchaînement de scènes convenues, trop souvent dépourvues de souffle. Au final, Stenbeck laisse un goût métaphorique de chantier inachevé. L’histoire était là, le personnage aussi. Mais entre les mains de cette production, le résultat peine à convaincre. Il reste un objet curieux, regardable, mais frustrant. Comme un tableau dont les contours seraient bien tracés, mais que personne n’aurait pris le temps de colorier jusqu’au bout.
Ce que cette saison 1 soulève surtout, c’est un besoin criant de justesse dans le traitement des figures historiques. Car raconter un grand homme, ce n’est pas empiler les anecdotes, ni effacer les zones d’ombre. C’est au contraire plonger dans la complexité, oser la contradiction, assumer la tension. En frôlant sans cesse cette ambition sans jamais l’atteindre, Stenbeck donne envie de mieux. C’est peut-être son plus grand mérite.
Note : 4.5/10. En bref, Stenbeck laisse un goût métaphorique de chantier inachevé. L’histoire était là, le personnage aussi. Mais entre les mains de cette production, le résultat peine à convaincre. Il reste un objet curieux, regardable, mais frustrant.
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