Critiques Séries : The Studio. Saison 1. Episode 3.

Critiques Séries : The Studio. Saison 1. Episode 3.

The Studio // Saison 1. Episode 3. The Note.

 

Il y a des moments où regarder une série, ce n’est pas seulement suivre une intrigue. C’est observer des dynamiques humaines qui dépassent la fiction. Le troisième épisode de The Studio entre précisément dans cette zone trouble où le malaise devient un outil narratif à part entière. On y assiste à un face-à-face inattendu : celui d’un homme chargé de défendre l’intérêt d’un film, face à un cinéaste qu’il admire profondément. Et cette équation-là, elle peut vite devenir insoluble. L’épisode s’ouvre sur une projection privée du dernier film réalisé par Ron Howard. 

 

Le décor est planté : un long-métrage porté par Anthony Mackie et Dave Franco, présenté comme un thriller urbain ancré dans les années 70. Pendant deux bonnes heures, le récit semble tenir sa promesse. Il y a une tension, une esthétique marquée, des personnages crédibles. Puis, sans prévenir, le film bascule. Plus rien à voir avec le style initial. Le rythme ralentit, l’action disparaît, et le scénario prend un virage introspectif dans un motel perdu, avec une fin qui paraît déconnectée de tout ce qui précède. Dans la pièce, le malaise est palpable. Le cœur du film fonctionne, mais son dernier acte semble à contre-courant. 

 

Et ce constat, aussi évident soit-il, n’est pas simple à formuler. Surtout quand le réalisateur en question jouit d’une réputation solide, et que la séquence problématique s’avère intimement liée à une blessure personnelle. Il ne s’agit plus seulement d’un désaccord créatif : c’est un terrain émotionnel miné. La suite de l’épisode repose sur cette tension. Faut-il faire passer le message ? Si oui, qui va s’en charger ? Et comment formuler une critique sans froisser ? Ce genre de dilemme, souvent résumé dans des termes flous comme “politique interne”, devient ici une mécanique dramatique entière. 

L’un des personnages, Matt, semble paralysé par le souvenir d’une humiliation passée. Ce n’est pas une peur diffuse : c’est une cicatrice bien réelle, laissée par une ancienne interaction avec ce même réalisateur. Ce traumatisme ancien va conditionner tout son comportement. Le regard que pose l’épisode sur cette situation est subtil. Il ne s’agit pas d’un affrontement frontal, mais d’un contournement permanent. L’équipe cherche des solutions de repli : déléguer la tâche à un collègue, inventer une histoire pour créer une connexion émotionnelle artificielle avec le réalisateur, ou encore miser sur un soutien inattendu de la part des acteurs du film. 

 

Chacun a sa stratégie, mais aucune n’est vraiment satisfaisante. Ce qui rend cet épisode intéressant, c’est la manière dont il illustre les rapports de force dans un environnement où les égos, les souvenirs, et les enjeux commerciaux se percutent. Donner une note à un réalisateur, ce n’est jamais neutre. C’est s’immiscer dans une œuvre, parfois dans un deuil, souvent dans une vision qui dépasse le simple cadre narratif. Et quand cette vision vacille, la question devient : jusqu’où faut-il aller pour préserver le film, sans trahir celui qui l’a conçu ?

 

Le personnage de Matt finit par faire ce que tout le monde redoute : formuler ce fameux retour. Mais le chemin pour y parvenir est sinueux, presque absurde par moments. La peur de blesser, de réactiver une blessure ou de compromettre une relation professionnelle pèse plus lourd que l’obligation de défendre la cohérence artistique. On sent bien que son geste final n’est pas motivé par un courage soudain, mais plutôt par une accumulation de circonstances qui le forcent à sortir de sa torpeur. Ce qui frappe, c’est le contraste entre la franchise de certains personnages secondaires et l’auto-censure constante de Matt. 

Là où d’autres se permettent des jugements tranchés ou des stratégies borderline, lui semble enfermé dans un rapport presque fétichiste à l’autorité artistique. Ce décalage rend le personnage plus humain, mais aussi plus fragile. Il doute, il tergiverse, et ce doute-là devient le moteur de l’épisode. Un autre aspect marquant, c’est la manière dont l’épisode joue avec l’idée de “fin”. Le film de Ron Howard, dans la série, est critiqué pour un dernier acte jugé raté. Et en parallèle, l’épisode lui-même se termine sur une scène qui résonne avec cette idée : une marche solitaire, une chanson mélancolique, un appel téléphonique inattendu. 

 

On comprend que la boucle est bouclée, mais pas de façon apaisée. Même quand la situation semble résolue, il reste une tension en suspens. Comme si toute victoire, ici, devait s’accompagner d’une menace en filigrane. Ce qui m’a intéressé dans cet épisode, ce n’est pas tant l’intrigue que ce qu’elle dit de la place qu’on accorde à la critique dans le processus créatif. Peut-on vraiment dire à quelqu’un qu’il se trompe, quand cette erreur est liée à quelque chose de profondément intime ? Est-ce que l’amour du cinéma suffit à justifier cette prise de risque ?

 

Et plus largement : dans un monde où chacun est attaché à son image, est-ce qu’il reste encore de la place pour la vérité brute ? La série ne répond pas franchement à ces questions. Elle les laisse ouvertes, comme pour mieux refléter la réalité. Personne ne sort grandi de cet épisode, ni vraiment diminué. Il y a juste des gens qui essaient de faire leur boulot du mieux qu’ils peuvent, au milieu d’egos surdimensionnés, de souvenirs tenaces, et de contraintes marketing. C’est peut-être ça, le vrai sujet de The Studio : montrer que l’industrie du cinéma n’est pas uniquement faite de décisions artistiques et de tableaux Excel, mais aussi d’histoires personnelles, de rapports de force invisibles, et de fragilités qu’on préfère souvent taire. 

Dans cet épisode, chaque tentative d’éviter le conflit révèle un peu plus la peur de ne pas être à la hauteur, ou celle de redevenir ce qu’on était avant d’avoir un titre, un bureau ou une influence. Et pourtant, à la fin, le message passe. Pas sans douleur, ni sans conséquences, mais il passe. Le film sera corrigé, le réalisateur accepte de revenir sur sa vision, et le personnage principal, bien que menacé d’une vengeance symbolique, peut reprendre sa route. Il ne sort pas grandi. Juste un peu plus lucide. Et cette lucidité-là, dans un milieu aussi codifié, ça vaut peut-être plus qu’un triomphe.

 

Il reste encore plusieurs épisodes à cette saison, et il est peu probable que celui-ci soit le dernier moment de friction entre l’art et les impératifs commerciaux. Mais ce troisième chapitre pose des bases intéressantes. Il montre que The Studio n’a pas seulement l’ambition de faire rire ou de caricaturer les coulisses d’un studio. La série semble vouloir capturer quelque chose de plus fin : le moment précis où l’hésitation devient politique, où la sincérité se confronte à la hiérarchie, et où l’envie de bien faire s’écrase parfois sur des murs invisibles.

 

Note : 8/10. En bref, ce troisième épisode pose des bases intéressantes pour la suite de The Studio. La série n’a pas seulement l’ambition de faire rire et caricaturer mais aussi de capturer quelque chose de plus fin. 

Disponible sur Apple TV+

 

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