4 Mai 2025
Grosse Pointe Garden Society // Saison 1. Episode 11. Monaco Under the Stars.
L’épisode 11 de Grosse Pointe Garden Society, intitulé « Monaco Under the Stars », marque un tournant inattendu dans la série. Après plusieurs semaines à faire monter la pression autour du mystère de la saison, cet épisode ne répond pas seulement à la grande question laissée en suspens depuis le pilote : il déplace complètement le centre de gravité de l’histoire. Ce qui pouvait ressembler à une tragédie déguisée en comédie satirique s’enfonce désormais davantage dans la mélancolie. Et pourtant, ce revirement ne se fait pas au détriment du ton général de la série, toujours aussi équilibré entre tensions émotionnelles et légèreté maîtrisée.
Il fallait bien que cela arrive à un moment donné. L'identité du fameux "Quiche", nom donné au cadavre découvert en ouverture de la saison, est enfin révélée. Contrairement à ce que certains pouvaient espérer — ou redouter — il ne s’agit pas d’un des personnages centraux comme Connor ou Gary, mais de Keith, le père de Doug. Un choix qui n’a rien de sensationnaliste, et c’est justement là que réside la force de cette décision narrative. La mort de Keith ne relève pas du crime organisé, ni même d’un règlement de compte : c’est un simple accident.
Une chute malheureuse, une tentative de sauver un objet symbolique — le quilt de Grosse Pointe — et des outils de jardinage placés au mauvais endroit. Voilà comment une série qui semblait flirter avec le polar bascule dans une chronique douce-amère sur les conséquences inattendues de gestes impulsifs. Ce type d’accident dramatique mais plausible renforce le réalisme de la série. Plutôt que d’alourdir le récit avec des retournements tirés par les cheveux, l’épisode choisit une issue crédible, douloureuse, mais d’une simplicité déconcertante. Keith ne meurt pas en héros, mais il ne meurt pas non plus comme un antagoniste. Sa disparition laisse un vide, pas un scandale.
Le titre de l’épisode, « Monaco Under the Stars », fait évidemment référence au gala que la série tease depuis plusieurs épisodes. Ce cadre élégant, presque hors du temps, offre un contraste marqué avec ce qui s’y joue réellement : désillusions, conflits larvés, révélations progressives. Les dialogues semblent par moments clins d’œil au spectateur, comme si les scénaristes prenaient plaisir à amorcer des fausses pistes. Pourtant, l’ironie ne prend jamais le dessus sur la narration. C’est dans ce cadre que plusieurs dynamiques de couple se désagrègent ou, au contraire, se reforment.
La soirée devient un théâtre parfait pour faire voler en éclat certaines relations, tout en en esquissant d’autres. Difficile de ne pas ressentir un certain malaise face à ces personnages en apparence bien habillés, mais émotionnellement à nu. Depuis le début de la série, les scénaristes semblent incapables — ou peut-être peu désireux — de stabiliser les intrigues sentimentales. Et cet épisode ne fait que confirmer cette impression. L’axe Alice – Doug – Brett est de nouveau mis de côté au profit d’un nouveau triangle : Brett, son ex-femme Melissa, et Connor, l’actuel compagnon de cette dernière. Le problème, c’est qu’à force de multiplier les combinaisons possibles, l’émotion s’émousse.
Melissa tente d’aborder le baiser échangé avec Brett, tandis que ce dernier danse avec elle devant Connor. Ce genre de provocation à peine voilée ajoute certes du piquant, mais donne aussi le sentiment d’un va-et-vient sans fin. Si le but est de montrer l’instabilité affective de ces personnages, c’est réussi. Mais à deux épisodes de la fin, un minimum de clarté ne ferait pas de mal. Laisser le spectateur dans un flou permanent risque d’annuler l’impact émotionnel final. Au milieu de tout cela, Catherine semble enfin retrouver un semblant de stabilité. Son couple avec Tucker paraît tenir, au moins en surface.
Mais son rôle reste secondaire dans cet épisode, comme si les scénaristes l’avaient mise en retrait volontairement pour faire respirer les intrigues plus chargées. Ce choix peut frustrer, surtout après son arc narratif sur la vente de la maison familiale dans l’épisode précédent. Pourtant, cette accalmie offre une respiration nécessaire. Birdie, de son côté, se retrouve confrontée à une décision impossible. Elle sait désormais qu’elle attend un enfant de Joel, mais refuse pour l’instant de lui en parler. La scène dans la voiture avec Misty, qui aurait pu être tendue ou dramatique, reste étonnamment sobre.
Misty la laisse partir sans confrontation. À ce stade, Birdie semble être en retrait, pas seulement du récit mais de sa propre vie. Comme si les événements prenaient le pas sur sa capacité à décider. Il devient évident que la révélation de sa grossesse n’attendra pas la saison prochaine — si saison 2 il y a (et j’en doute compte tenu des audiences). Reste à savoir si cette révélation servira à reconstruire quelque chose avec Joel, ou si elle ouvrira la voie à une solitude choisie, voire subie. Les deux options semblent aussi plausibles l’une que l’autre. Ce qui frappe dans cet épisode, c’est à quel point Keith, jusque-là assez secondaire, gagne soudain en profondeur.
Ses dernières paroles à Alice, particulièrement dures, dressent le portrait d’un homme rigide, attaché à une certaine vision de sa famille et de sa communauté. Pourtant, le geste qui le conduit à sa mort — tenter de sauver un quilt que sa femme chérit — réintroduit une forme d’humanité. Un paradoxe en apparence, mais qui le rend plus crédible. Ce n’est pas un homme bon ou mauvais. Juste un homme, avec ses contradictions. Le fait que sa mort ne soit pas un meurtre change complètement la tonalité de la série. Il ne s’agit plus d’un complot à dissimuler, mais d’un accident qu’il aurait peut-être été préférable de signaler aux autorités.
Le groupe va-t-il continuer à cacher la vérité ? Le choix de couvrir un meurtre peut se comprendre dans une logique de survie. Mais couvrir un accident, par peur, par honte ou pour protéger une réputation, soulève d’autres types de questions morales. Il reste désormais deux épisodes à la série pour clore ce qui a été mis en place. La révélation sur Quiche est faite, mais elle ne résout pas tout. Au contraire, elle ouvre de nouvelles problématiques : comment Patty va-t-elle découvrir la mort de son mari ? Doug, toujours absent, va-t-il revenir et quel sera son état d’esprit ? Et surtout, que vont faire les membres du Garden Club maintenant qu’ils ne protègent plus un secret lié à la vengeance, mais un simple et triste accident ?
Si la série espère décrocher une deuxième saison, il faudra réussir à donner une vraie conclusion au fil narratif principal tout en laissant quelques portes entrouvertes. Ce genre d’équilibre est difficile à atteindre, surtout dans une série qui jongle autant avec les genres et les tons. Mais l’écriture a prouvé jusqu’ici qu’elle pouvait créer des personnages nuancés, parfois contradictoires, toujours humains. Ce qui fait tenir Grosse Pointe Garden Society, malgré ses hésitations, c’est cette capacité à ne jamais sombrer complètement dans le cynisme ni dans le pathos.
Même dans les moments les plus sombres, la série conserve une forme de recul, presque ironique, sur ses personnages. Cela ne les rend pas moins attachants. Au contraire. Ce refus de l’emphase permet de mieux capter ce qui les rend faillibles, donc crédibles. L’épisode 11 ne cherche pas à choquer gratuitement. Il choisit une voie plus subtile, plus tragique aussi, en montrant que les pires conséquences ne viennent pas toujours de la haine ou de la vengeance, mais parfois simplement de la maladresse et de la malchance.
Note : 6/10. En bref, un épisode plutôt sympathique qui fera regretter que la série ne soit pas renouvelée quand NBC l’annulera.
Prochainement en France
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