22 Octobre 2025
Mammalia // De Sebastian Mihăilescu. Avec István Téglás, Mălina Manovici et Denisa Nicolae.
Mammalia ressemble à une mauvaise blague de cinéphiles en fin de soirée. Signé par le réalisateur roumain Sebastian Mihăilescu, ce long-métrage prétend explorer la crise de la masculinité. En réalité, il explore surtout les limites de la patience humaine. Un film si lent, si abstrait, qu’il donne envie d’envoyer un mot d’excuse à tous ceux qu’on a un jour accusés d’avoir fait du cinéma expérimental. Sur le papier, le film promettait une plongée vertigineuse dans la psyché masculine : un homme de 39 ans, Camil, perd son boulot, sa compagne et sa virilité — pas forcément dans cet ordre — avant de tomber dans une secte de femmes mystiques. Un pitch à la croisée des chemins entre Fight Club et un stage de yoga tantrique.
Camil se réveille une nuit sans pénis. Le cauchemar continue lorsque son partenaire disparaît à son tour après avoir rencontré un ancien amant. Camil se lance à sa recherche et - en portant des vêtements féminins - rejoint une communauté secrète dédiée à la fertilité, quelque part près d'un lac. Et ce qu'il y trouve va s'avérer encore plus troublant que ses récentes mésaventures...
Sauf qu’ici, rien ne se bat, rien ne bouge, et encore moins quelque chose ne respire. Tout est si lent qu’on a parfois l’impression de regarder un diaporama PowerPoint philosophique. Chaque plan dure une éternité, chaque silence pèse comme un cours d’art contemporain un lundi matin. Le réalisateur a visiblement confondu film contemplatif avec film de coma profond. Le héros erre dans un monde visiblement vidé de tout sens — et de tout montage. Il observe, il marche, il respire, il attend. Le spectateur fait la même chose. Camil cherche sa compagne disparue, trouve une communauté de femmes en pleine crise de conscience cosmique, et se demande si être un homme aujourd’hui, c’est forcément souffrir en silence dans la boue.
Le problème, c’est qu’à force de vouloir tout dire sur la virilité, Mammalia finit par ne rien dire du tout. Le film accumule les symboles creux : hommes en perruques, rituels absurdes, accouchements métaphoriques, silences interminables. Une psychanalyse filmée sans psy ni scénario. Visuellement, tout semble calculé au millimètre. Chaque plan ressemble à un tableau figé, comme si le réalisateur avait peur que le moindre mouvement gâche sa composition. C’est beau, certes, mais c’est aussi désespérément froid. On regarde ces images comme on contemple une installation d’art moderne : un peu intrigué, surtout fatigué. Le film aurait pu durer 45 minutes. Il en dure le double.
Ce n’est pas une expérience cinématographique, c’est un test de résistance psychologique. Mammalia se veut une réflexion sur la crise de la masculinité. Très bien. Sauf que la mise en scène semble avoir été dirigée par quelqu’un qui n’a jamais rencontré un être humain de sa vie. Camil, notre pauvre héros, est traité comme une souris de laboratoire dans une expérience sociologique dont personne ne comprend la consigne. Les femmes, elles, forment une communauté étrange, mi-féministe, mi-apocalyptique, qui passe son temps à exclure les hommes en récitant des phrases vaguement ésotériques. Tout cela est censé symboliser la fin du patriarcat.
En pratique, ça ressemble surtout à une pub pour un stage de développement personnel dirigé par une influenceuse vegan. Les acteurs font ce qu’ils peuvent. István Téglás, dans le rôle principal, passe tout le film à froncer les sourcils comme s’il cherchait le sens du scénario. Mălina Manovici, sa compagne à l’écran, joue la femme mystérieuse avec un détachement olympique. Leurs échanges ressemblent à des dialogues écrits par un robot qui aurait lu trop de manuels de psychologie. Les silences sont censés exprimer la profondeur ; en réalité, ils traduisent surtout la confusion générale. On sent presque la gêne des comédiens, prisonniers d’un concept qui se prend trop au sérieux pour être sincère.
Il y a des films qui touchent parce qu’ils parlent de l’humain. Mammalia, lui, parle surtout à lui-même. Mihăilescu signe une œuvre qui se regarde en boucle, persuadée d’avoir trouvé le Graal du cinéma intellectuel : de longs plans fixes, des métaphores lourdes, et une bonne dose de symbolisme pseudo-féminin. Le tout donne un résultat aussi confus que prétentieux. On ne sait jamais si le réalisateur se moque du patriarcat ou s’il en a peur. À force d’hésiter, il finit par filmer ses angoisses comme un exorcisme raté. Le plus ironique, c’est que Mammalia part d’une idée forte. Parler de la virilité perdue, de la fragilité masculine, du rapport au corps, de la peur de ne plus être un homme.
Mais cette matière brûlante est diluée dans un océan de lenteur et de pseudo-symboles. Ce n’est pas un film sur la masculinité, c’est un film sur un réalisateur enfermé dans sa propre tête. Il veut provoquer, il veut choquer, mais il finit par ennuyer. Même les moments censés être dérangeants ressemblent à des sketchs tournés au ralenti dans une salle d’attente Ikea. Le film se veut une satire sociale. En pratique, c’est surtout un accident industriel. La critique du monde du travail disparaît dès les premières minutes, remplacée par des visions absurdes de types qui s’habillent en femmes pour retrouver leur essence. À ce stade, on ne sait plus si c’est une métaphore sur la fluidité du genre ou une mauvaise blague.
Ce qui est certain, c’est que la mise en scène fait tout pour décourager la moindre tentative d’interprétation. Mammalia aurait pu être une exploration brillante de la fragilité masculine. C’est devenu un festival de confusion où chaque idée prometteuse se noie dans son propre sérieux. Le film veut parler d’hommes perdus, mais c’est lui qui l’est. Tout semble conçu pour être admiré à distance, sans émotion, sans empathie.
Note : 1/10. En bref, Mammalia est un film prétentieux et lent qui prétend sonder la crise de la masculinité mais se perd dans un délire symbolique creux où l’ennui tient lieu de profondeur.
Prochainement en France
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