11 Octobre 2025
Peacemaker // Saison 2. Episode 8. Full Nelson.
SEASON FINALE
La saison 2 de Peacemaker s’achève sur un épisode qui ressemble davantage à un écho fatigué qu’à une véritable conclusion. Après plusieurs semaines à suivre la trajectoire chaotique de Chris Smith, ce final intitulé “Full Nelson” laisse un goût amer, celui d’un récit qui semble avoir perdu de vue son propre centre. Tout au long de la saison, il y avait encore des éclairs d’émotion, des moments sincères entre des personnages qui tentaient d’exister dans un monde à la fois grotesque et tragique. Mais ici, dans ce dernier épisode, tout paraît précipité, comme si James Gunn avait dû tout ranger dans une boîte trop petite, en espérant que le spectateur s’en contenterait.
Ce n’est pas tant la faiblesse du scénario qui déçoit, mais la manière dont il efface l’essentiel pour se concentrer sur ce qui ressemble à un prétexte pour d’autres projets du DCU. Depuis le début de cette saison, Peacemaker se débattait avec son passé, ses contradictions, et surtout son incapacité à comprendre le monde autour de lui. John Cena a porté ce rôle avec une sincérité palpable, parfois maladroite mais toujours juste. Ce personnage reste profondément humain dans sa démesure, et c’est cette humanité que la série semblait vouloir explorer. Pourtant, dans cet épisode final, tout ce travail est dilué dans un enchaînement de scènes qui ne mènent presque nulle part.
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La relation entre Chris et Harcourt ressort comme la seule ligne émotionnelle cohérente, la seule à recevoir l’attention qu’elle mérite. Le reste paraît sacrifié : Rick Flag Sr. devient une caricature de lui-même, Adebayo et sa vie personnelle sont à peine évoquées, et les promesses autour du monde nazi parallèle disparaissent purement et simplement. C’est paradoxal, car cet épisode est le plus long de la saison. Cinquante-huit minutes pour donner le sentiment que tout est expédié, que les enjeux sont oubliés, que les personnages ne sont plus que des silhouettes dans un univers en construction. Le rythme est étrange, presque désaccordé, comme si la série oscillait entre le besoin de conclure et la peur de vraiment le faire.
J’ai eu le sentiment d’assister à un brouillon de conclusion, à un épisode pensé pour préparer autre chose plutôt que pour clore ce qui avait été commencé. Pourtant, certaines scènes rappellent pourquoi cette série a pu me captiver. La séquence qui revient enfin sur cette fameuse “nuit sur le bateau” entre Chris et Harcourt, évoquée depuis des semaines, offre une parenthèse fragile et sincère. Ce moment suspendu, sans excès, redonne de la chair à deux personnages qui avaient fini par s’éloigner sous le poids des événements. Ce n’était finalement pas une simple aventure, pas un épisode d’ivresse sans conséquence, mais un instant d’intimité qu’aucun des deux n’a su oublier.
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Ce regard, ce baiser, cette hésitation entre deux âmes cabossées suffisent à donner du sens à leur relation. C’est une écriture plus subtile que le reste, et c’est peut-être pour cela que cette scène fonctionne. Ce qui fonctionne moins, c’est tout ce qu’il y a autour. Rick Flag Sr., censé porter une tension dramatique depuis sa première apparition, devient ici un personnage incohérent. Son discours, sa posture, tout semble fabriqué pour justifier sa présence, sans réelle logique avec ce qu’on avait vu auparavant. Ce glissement de l’allié amer vers une sorte de figure d’opposition sans nuance ne convainc pas. Même son plan, celui d’enfermer les métahumains sur une planète-prison, paraît artificiel, un prétexte pour préparer le terrain du futur Man of Tomorrow plutôt qu’une réelle évolution dramatique.
Frank Grillo est un acteur solide, mais on le sent perdu dans une écriture qui ne sait plus quoi faire de lui. C’est aussi le cas d’Adebayo, dont la trajectoire aurait pu offrir une respiration émotionnelle dans ce final. Son couple, sa carrière, sa relation avec Chris, tout cela aurait mérité un peu plus d’air. Au lieu de cela, elle réapparaît juste assez longtemps pour rappeler qu’elle existe, avant d’être effacée au profit d’une scène de groupe sans véritable enjeu. Même Vigilante et Economos, souvent utilisés comme contrepoints comiques, semblent cette fois n’avoir rien à dire. Leurs échanges paraissent forcés, comme si la série avait oublié comment doser son humour.
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Cette perte d’équilibre, déjà perceptible dans les épisodes précédents, atteint ici son sommet. Le pire, c’est que malgré cette dispersion, Peacemaker continue de suggérer des pistes passionnantes sans jamais les explorer. Le concept des univers parallèles, notamment celui d’Alt-Evergreen, aurait pu donner un relief moral et politique à l’ensemble. Mais tout est laissé en suspens, sans conclusion ni véritable écho. On parle de dimensions, de portails, de mondes alternatifs, mais rien ne semble avoir de conséquence concrète. Ce n’est plus un récit, c’est une passerelle vers d’autres projets. Et cette logique de franchise étouffe complètement ce qui faisait la singularité du show : son étrangeté, sa capacité à faire coexister le burlesque et la mélancolie.
Même le final, censé offrir un frisson ou au moins une tension dramatique, se contente d’un faux suspense. Chris se retrouve bloqué sur une planète isolée, la fameuse “Salvation”, et tout cela ressemble plus à une pirouette qu’à une véritable conclusion. Ce n’est pas un dénouement, c’est un simple déplacement du problème. Ce sentiment d’inachevé est d’autant plus fort que la série n’a, pour l’instant, aucune garantie de saison 3. Terminer sur une promesse de suite quand rien n’est assuré, c’est comme refuser de raconter la fin par peur d’assumer ce qu’on a commencé. Ce déséquilibre est d’autant plus visible que certains moments semblent écrits pour rappeler artificiellement les grandes émotions du passé.
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Le discours d’Adebayo à Chris, celui où elle évoque sa foi en lui et en leurs miracles partagés, aurait pu être touchant, mais il paraît plaqué. Tout est trop appuyé, trop explicatif, comme si le scénario ne faisait plus confiance à l’émotion. Pourtant, la série a déjà prouvé qu’elle pouvait être juste sans forcer le trait. Dans la première saison, certaines scènes de Chris seul avec Eagly disaient plus sur sa détresse que n’importe quelle tirade. Ici, tout paraît calibré pour provoquer une réaction plutôt que pour raconter quelque chose de vrai. Malgré tout, il reste une trace de sincérité dans la relation entre Chris et Harcourt. Leur dynamique, souvent conflictuelle, trouve ici un point d’équilibre. Elle l’aime malgré ses maladresses, il l’admire pour sa force tranquille, et ce fragile équilibre suffit à donner un peu de relief à un épisode qui en manque cruellement.
Cette relation, commencée sur la méfiance, devient le seul fil conducteur cohérent de la saison. Et quand Harcourt finit par reconnaître que cette nuit sur le bateau “a tout changé”, c’est peut-être la seule vérité du final : celle d’un lien qui dépasse la logique narrative, d’une complicité forgée dans la douleur. Mais autour d’eux, tout s’effrite. Les autres personnages, jadis porteurs de nuances, sont réduits à des archétypes. Vigilante, autrefois fascinant dans sa folie naïve, est redevenu un enfant déguisé en tueur. Sa brutalité perd tout sens, son humour tombe à plat. Il n’a plus de trajectoire, juste un rôle accessoire dans un décor trop grand pour lui.
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Même Economos, habituellement ancré dans une humanité maladroite, n’a plus grand-chose à offrir. Ces personnages existaient parce qu’ils révélaient une part de fragilité chez Chris. Ici, ils n’ont plus de raison d’être. Cette impression de vacuité est renforcée par la mise en scène, plus plate qu’à l’accoutumée. Les dialogues s’enchaînent sans tension, les transitions paraissent mécaniques, et même les moments censés être forts – comme le montage final ou l’apparition du groupe Checkmate – manquent de souffle. On devine la volonté de James Gunn de relier la série à son univers plus large, mais ce choix se fait au détriment de l’âme de Peacemaker. Ce qui était autrefois une série décalée et intime devient ici un prologue commercial.
Le plus frustrant, c’est que tout cela aurait pu être évité. L’épisode précédent, plus dense et plus audacieux, aurait fait une bien meilleure conclusion. Il y avait encore de la tension, des dilemmes moraux, un vrai sentiment de perte. Ici, tout est lissé, comme si la série craignait de déranger avant de céder la place à la prochaine étape du DCU. Même la promesse d’un lien avec Man of Tomorrow paraît vague, presque forcée. Ce n’est pas un pont narratif, c’est une balise marketing. En refermant cette saison, je ressens une forme de lassitude. Peacemaker avait su me séduire parce qu’elle refusait la conformité, parce qu’elle osait mélanger la violence et la tendresse, parce qu’elle laissait respirer ses personnages dans leur absurdité.
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Ce final, au contraire, donne le sentiment d’un calcul, d’une écriture sans conviction. Tout y est trop propre, trop aligné, trop vide. Même la musique, d’habitude si bien intégrée, semble ici servir de cache-misère à un montage sans émotion. Ce n’est pas un désastre, mais c’est un rendez-vous manqué. Ce genre de conclusion ne trahit pas seulement un manque d’inspiration, il trahit une forme de peur : celle de ne pas savoir où aller, celle de perdre le contrôle d’un récit devenu plus grand que ses personnages. Peacemaker méritait une fin à son image : bancale, drôle, douloureuse, mais sincère. À la place, il reçoit une ellipse.
Si c’est vraiment la fin de la série, ce dernier épisode restera comme une page tournée trop vite, une conclusion sans fermeture. Il y a quelque chose d’ironique à voir un héros obsédé par la paix terminer sur un monde suspendu, sans résolution, sans apaisement. Peut-être que James Gunn y voit une transition, peut-être que tout cela trouvera un sens plus tard. Mais en l’état, cet épisode ressemble surtout à un vide scénaristique habillé de nostalgie. Un point final qu’on aurait voulu sentir, mais qui s’efface avant de vraiment exister.
Note : 3/10. En bref, un épisode torché sans conviction. Tout y est trop propre, trop aligné, trop vide.
James Gunn a annoncé en septembre 2025 qu’une saison 3 de Peacemaker n’était pas à l’ordre du jour pour le moment.
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