11 Octobre 2025
Vicious // De Bryan Bertino. Avec Dakota Fanning, Kathryn Hunter et Mary McCormack.
Bryan Bertino avait marqué le cinéma d’horreur avec The Strangers en 2008, un film devenu culte grâce à sa tension étouffante et son minimalisme terrifiant. Après plusieurs tentatives inégales, le réalisateur revient avec Vicious, un projet qui devait sonner comme un véritable retour. Le résultat ressemble pourtant davantage à une occasion manquée qu’à une renaissance. Le film suit Polly, interprétée par Dakota Fanning, une trentenaire paumée qui tente tant bien que mal de reprendre sa vie en main. Elle vit seule dans une grande maison héritée de sa famille, un lieu trop vaste pour elle, trop silencieux aussi.
Une jeune femme s'enfonce dans un labyrinthe inquiétant contenu dans un mystérieux cadeau.
Un soir, une vieille femme (Kathryn Hunter) frappe à sa porte, prétextant s’être trompée d’adresse. Par gentillesse – ou par solitude –, Polly la fait entrer. Rapidement, la visite vire au cauchemar : la femme sort une mystérieuse boîte et lui explique qu’elle doit y déposer trois choses avant le lever du jour – quelque chose qu’elle aime, quelque chose qu’elle déteste et quelque chose dont elle a besoin – si elle veut survivre. Le point de départ est intrigant. L’idée d’un objet porteur d’une malédiction, rappelant certains contes cruels ou les classiques du genre comme Le cercle ou Jusqu’en enfer, offrait un terrain fertile pour renouer avec le cinéma d’horreur psychologique.
Mais très vite, Vicious perd le fil. Le mystère s’épaissit sans jamais devenir passionnant, et les règles du jeu posées par le scénario restent floues. Que contient réellement la boîte ? D’où vient-elle ? Pourquoi cette épreuve ? Rien n’est vraiment expliqué, et ce flou finit par peser. Bryan Bertino sait filmer la peur. Il l’avait prouvé avec The Strangers, puis, dans un autre registre, avec The Dark and the Wicked (2020), un drame horrifique autour du deuil et de la culpabilité. Dans Vicious, il retrouve un peu de cette ambiance poisseuse : couloirs plongés dans la pénombre, bruits sourds dans le lointain, isolement oppressant. L’atmosphère est là. Le problème, c’est tout le reste. La narration avance par à-coups, sans réelle progression dramatique.
Le film accumule les scènes d’angoisse sans que l’histoire n’évolue vraiment. Pire, le scénario se perd dans des effets de style censés entretenir le mystère mais qui finissent par lasser. Les coups frappés à la porte, les appels téléphoniques étranges, les apparitions furtives… tout cela finit par ressembler à un patchwork de clichés horrifiques plus qu’à une montée en tension maîtrisée. Il reste cependant quelques idées visuelles fortes. Bertino utilise avec intelligence la lumière et l’obscurité, jouant sur les zones d’ombre pour matérialiser la peur. Certaines scènes sont assez percutantes, notamment quand la réalité de Polly se fissure sous la pression du surnaturel. Mais ces moments isolés ne suffisent pas à compenser l’impression de désordre général.
Le film repose presque entièrement sur Dakota Fanning. L’actrice porte Vicious à bout de bras dans un rôle quasi solitaire, ce qui renforce à la fois l’intimité et la fragilité du récit. Elle parvient à exprimer la peur, la culpabilité et la lassitude d’une femme au bord de la rupture. Sa performance, sobre mais investie, donne au film une émotion qu’il n’a pas toujours sur le papier. Son personnage, en revanche, reste sous-écrit. Bertino livre quelques indices sur son passé – une mère absente, un travail perdu, une dépendance affective – mais rien de suffisant pour en faire une figure complexe. Polly devient plus une victime qu’une protagoniste. Son combat manque de sens parce que le film ne prend pas le temps de développer les raisons de son angoisse.
Kathryn Hunter, en visiteuse inquiétante, apporte une présence singulière. Sa voix, ses gestes, sa manière de glisser dans la folie donnent au film ses rares moments d’intensité. Malheureusement, le scénario la laisse vite disparaître, au profit d’une succession de visions et de manifestations surnaturelles sans véritable cohérence. Vicious cherche à combiner horreur psychologique et violence frontale. L’idée est séduisante, mais l’équilibre n’est jamais trouvé. Le film s’appuie sur des effets gore parfois efficaces, mais gratuits. Ces séquences ne servent pas l’histoire et ne traduisent pas vraiment une montée en tension. Elles donnent plutôt l’impression de combler un vide narratif.
La bande sonore, quant à elle, joue la carte du volume. Les bruits stridents et les jump scares remplacent souvent la peur réelle. Ce recours systématique à la surprise sonore finit par fatiguer. Là où The Strangers s’imposait par son silence et sa lenteur, Vicious semble craindre le vide et le calme. Bertino aborde pourtant des thèmes intéressants : la solitude, la culpabilité, la peur de ne plus rien avoir à aimer. Le concept de la boîte – offrir ce que l’on aime, ce que l’on déteste et ce dont on a besoin – aurait pu donner lieu à une réflexion sur le deuil ou la rédemption. Mais le film ne va pas au bout de ses idées. Tout reste en surface, comme si l’auteur avait voulu suggérer plus qu’il n’était prêt à raconter.
La dernière partie de Vicious illustre parfaitement les failles du film. La tension s’effondre au moment où elle devrait culminer. Le scénario multiplie les fausses pistes et finit par se perdre dans une conclusion ouverte, sans véritable résolution. L’impression laissée est celle d’un puzzle dont il manquerait les pièces principales. À ce stade, même la mise en scène perd en clarté. Les effets visuels se font plus voyants, les enchaînements plus confus. Le film bascule dans un chaos visuel qui n’a plus grand-chose d’effrayant. On sent Bertino tenté de renouer avec l’énergie brute de ses débuts, mais il se heurte à une écriture bancale. Malgré ses faiblesses, Vicious n’est pas dénué d’intérêt.
Certains plans, certaines ambiances rappellent ce que Bertino sait faire de mieux : créer un malaise diffus, une peur qui s’installe sans explication. Mais ces éclairs de talent sont noyés dans une mise en scène hésitante. Ce n’est pas un désastre, c’est pire : une déception tiède. Vicious n’a pas la tension de The Strangers ni la noirceur poétique de The Dark and the Wicked. Il reste entre deux mondes, incapable de choisir entre horreur viscérale et drame psychologique. Dakota Fanning mérite mieux, et Bryan Bertino aussi. Ce film avait tout pour être une renaissance, mais il se perd dans ses propres ombres. Le résultat, sans être honteux, laisse un goût d’inachevé – celui d’un réalisateur qui cherche encore le film capable de raviver l’éclat de son passé.
Note : 4/10. En bref, Vicious est un film d’horreur au concept prometteur mais mal exploité, où la performance sincère de Dakota Fanning ne suffit pas à compenser un scénario confus et sans véritable tension.
Sorti le 9 octobre 2025 directement en SVOD
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