14 Octobre 2025
J’ai regardé Le parfum du bonheur avec une curiosité sincère. Le titre, déjà, m’intriguait : il laissait espérer un souffle doux, un peu de lumière dans la grisaille télévisuelle de cette rentrée. Une mini-série en quatre épisodes, diffusée sur France TV, réalisée par Baya Kasmi, avec Caroline Anglade et Xavier Robic dans les rôles principaux. Sur le papier, tout semblait réuni pour une belle histoire de reconstruction, de sentiments mis à nu, de vie qui reprend son cours après les blessures. Mais très vite, la curiosité a laissé place à une forme de lassitude. Pas celle d’un spectateur distrait, mais celle qu’on ressent quand tout semble déjà écrit d’avance, sans surprise, sans souffle, sans âme.
Pauline, 38 ans, refuse de faire le deuil de son couple et de tirer un trait sur ses dix ans de mariage avec Ben. Persuadée qu’il est l’homme de sa vie, Pauline va tout faire pour le reconquérir, entre tentatives folles et absurdes et évocation émouvante de leurs souvenirs. Sourde aux inquiétudes de sa famille et de ses amis, elle se fixe la fin de l’été pour y parvenir. Que s’est-il passé entre leur rencontre drôle et poétique et la fin a priori inexplicable de leur mariage ? En revenant sur les moments fondateurs de sa relation avec Ben, Pauline est amenée à interroger sa propre histoire et à déterrer les non-dits familiaux.
Pauline et Ben s’aiment, puis se perdent. C’est le point de départ. La série déroule leur séparation, leurs regrets, leurs souvenirs, leurs tentatives pour recoller les morceaux. Rien d’inédit dans le thème, mais ce n’est pas un problème en soi : certaines histoires déjà vues peuvent encore émouvoir si elles sont racontées avec sincérité. Ici, le problème est ailleurs. J’ai eu la sensation d’assister à une succession de scènes convenues, où chaque émotion semble calibrée pour provoquer une réaction, sans jamais parvenir à la déclencher vraiment. Leur relation passée, censée être le cœur battant du récit, paraît figée dans des clichés. Les flashbacks, en particulier, m’ont sorti du récit plus qu’ils ne m’y ont ramenée.
Trop appuyés, trop fabriqués, presque gênants dans leur volonté de “faire ressentir”. Je n’ai pas cru à ce couple, ni à leur douleur, ni à leurs élans de tendresse. Tout semble joué, jamais vécu. Je n’ai rien à reprocher à Caroline Anglade, bien au contraire. Elle fait le travail avec justesse, parfois même avec une vraie douceur dans le regard. Mais son personnage manque d’espace pour respirer. Tout est écrit de façon à la rendre “attachante” sans la laisser être humaine. Pauline traverse la série comme une héroïne idéale, pleine de bonnes intentions, de doutes bien calibrés, de blessures joliment formulées. C’est trop lisse. Trop propre. Même chose pour Xavier Robic, qui incarne un Ben au bord de la rupture mais sans réelle intensité.
Leur couple, censé être le centre de tout, ne dégage pas cette complicité qu’on espère. À aucun moment je n’ai senti le poids des années partagées, ni la nostalgie d’un amour qui s’effiloche. Ce qui aurait pu être un drame sensible devient une suite de gestes prévisibles, sans éclat ni tension. Quatre épisodes, c’est peu… sauf quand c’est trop. J’ai eu du mal à comprendre la nécessité de ce format. Le scénario tire sur des scènes qui auraient pu être réglées en quelques minutes. Des dialogues se répètent, des situations tournent en rond. Au bout d’un moment, j’ai eu l’impression d’être coincée dans un cycle : dispute, silence, souvenir, regret. Et on recommence.
Le pire, c’est que tout cela aurait pu fonctionner dans un téléfilm d’une heure et demie, concentré sur l’essentiel. Mais étalé sur quatre soirées, le récit s’essouffle. L’émotion initiale s’évapore, remplacée par une indifférence polie. À force de vouloir étirer les sentiments, la série finit par les dissoudre. Je ne parlerai pas du roman dont la série est tirée — je ne l’ai pas lu, et ce n’est pas nécessaire ici. Ce qui m’intéresse, c’est le résultat à l’écran. Baya Kasmi est une réalisatrice que j’apprécie d’habitude pour son ton singulier, sa façon d’observer les gens sans les juger. Mais dans Le parfum du bonheur, sa patte disparaît presque entièrement. Peut-être le poids des contraintes télévisuelles, peut-être le désir de plaire au plus grand nombre, je ne sais pas.
Ce qui est sûr, c’est que la série semble privée de ce grain d’originalité qui aurait pu lui donner un vrai souffle. Tout est cadré, maîtrisé, mais sans aspérité. J’ai eu l’impression qu’on avait poli chaque recoin pour éviter tout débordement. Résultat : une fiction lisse, trop sage pour émouvoir, trop timide pour déranger. C’est dommage, car derrière cette retenue, il y avait sans doute une intention sincère — parler de la rupture, de la reconstruction, des liens qu’on garde malgré tout. Mais le ton choisi, trop convenu, empêche toute résonance réelle. Je reconnais qu’aborder la séparation et la douleur d’un couple qui se délite n’est pas anodin. Ces histoires font écho à des expériences personnelles, parfois douloureuses.
Justement pour cela, elles demandent de la pudeur et de la justesse. Ici, tout semble réduit à des gestes symboliques, à des phrases toutes faites. J’aurais aimé sentir les contradictions, la colère, la peur, la honte — tout ce qui rend une rupture humaine. À la place, la série offre une version adoucie, presque dédramatisée, comme si tout devait rester joli et acceptable. Ce n’est pas que je réclame du pathos, loin de là. Mais un peu de vérité n’aurait pas fait de mal. Ces séparations, ces blessures intimes, ce sont des choses qui laissent des traces. Ici, elles s’effacent derrière une mise en scène qui cherche trop à ménager les émotions. Il m’arrive souvent d’être indulgente avec les fictions françaises, mais là, je n’ai rien ressenti.
Pas de colère, pas de tendresse, pas même de rejet. Juste une absence d’émotion. C’est peut-être ce qui m’a le plus déroutée : ce vide émotionnel. J’ai essayé d’y croire, de m’attacher à ces personnages, de trouver un écho à travers leurs doutes. Mais tout reste extérieur. Les situations s’enchaînent sans qu’on s’y attarde, comme des cases qu’il faut cocher : la dispute, la réconciliation manquée, le souvenir du début, la prise de conscience. Et quand arrive le dernier épisode, j’ai compris que je n’attendais plus rien. Le dénouement, censé apporter une forme de soulagement ou au moins de sens, tombe à plat. Peut-être parce qu’au fond, je ne croyais plus à leur histoire depuis longtemps.
Je dois reconnaître une chose : le décor d’Arcachon apporte un peu de lumière à cette série. Le soleil, la mer, les plans sur la dune et les rues calmes donnent un charme visuel indéniable. Mais cela ne suffit pas. Cette beauté naturelle devient presque une échappatoire. Comme si la mise en scène se reposait sur la carte postale pour masquer le manque d’émotion. J’aurais préféré un cadre moins séduisant mais plus habité, plus brut. Ici, le paysage respire, mais les personnages, eux, étouffent. Le parfum du bonheur s’inscrit dans une tendance récente des fictions de France TV : des sujets de société enveloppés dans une forme trop sage. Les intentions sont bonnes, les acteurs souvent justes, mais les récits manquent de nerf.
Je remarque de plus en plus une uniformisation du ton, comme si toutes les séries de première partie de soirée devaient cocher les mêmes cases : rythme régulier, émotion contrôlée, fin morale. À force de vouloir plaire à tout le monde, ces fictions finissent par ne toucher personne. Et pendant ce temps, d’autres séries plus audacieuses, plus vivantes, sont arrêtées. C’est difficile à comprendre. D’un côté, on parle de renouveau créatif ; de l’autre, on multiplie les formats sans saveur. Ce qui me déçoit le plus, ce n’est pas tant la qualité de Le parfum du bonheur, mais ce qu’elle symbolise : une télévision publique qui semble avoir peur de déranger. J’aimerais voir des fictions qui bousculent un peu, qui osent l’imprévisible, qui ne craignent pas de déplaire.
Ici, tout semble pensé pour ne froisser personne. Résultat : rien ne reste. Je referme cette mini-série comme on referme un livre qu’on n’a pas vraiment lu. L’image s’efface, les dialogues s’oublient, et il ne reste qu’une impression de tiédeur. Le parfum du bonheur avait de quoi séduire : une histoire intime, une réalisatrice talentueuse, une actrice convaincante. Mais tout cela se dilue dans un ensemble sans relief. Peut-être que certains y verront une douceur, une tendresse discrète. Moi, je n’ai vu qu’une série qui passe sans rien dire, sans rien laisser. Dans une période où la fiction française cherche sa voix, cette mini-série illustre à quel point la prudence peut étouffer la création.
J’aurais aimé y sentir une sincérité plus brute, une émotion moins fabriquée. Mais au final, ce parfum s’évapore trop vite. Et je reste, comme souvent ces derniers temps devant les fictions de France TV, avec ce même sentiment d’inachevé : celui d’avoir regardé quelque chose qui voulait bien faire, mais qui ne m’a rien fait du tout.
Note : 3.5/10. En bref, Le parfum du bonheur avait de quoi séduire : une histoire intime, une réalisatrice talentueuse, une actrice convaincante. Mais tout cela se dilue dans un ensemble sans relief.
Diffusée sur France 2 à partir du mercredi 8 octobre, disponible sur france.tv
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