Maigret (2025) (Saison 1, épisodes 1 et 2) : un détective en costume moderne mais sans le charme de l’original

Maigret (2025) (Saison 1, épisodes 1 et 2) : un détective en costume moderne mais sans le charme de l’original

Avant l’arrivée de Maigret et le Mort Amoureux au cinéma en février 2026 avec Denis Podalydès dans le rôle titre, voici la nouvelle adaptation britannique des aventures du commissaire Maigret. La précédente adaptation date de 2016 avec Rowan Atkinson dans le rôle titre et avait duré deux saisons. Il y a quelque chose de fascinant dans la manière dont la télévision s’acharne à ressusciter les figures littéraires. Chaque décennie semble vouloir réinventer ses héros, comme pour prouver que certains mythes peuvent s’adapter à tout. En 2025, c’est au tour de Jules Maigret, le célèbre commissaire imaginé par Georges Simenon, de reprendre du service dans une nouvelle série produite par PBS Masterpiece.

 

Etoile montante de la police judiciaire implacable dans ses enquêtes, Maigret a une capacité surprenante à se mettre dans la peau des criminels et une connaissance inégalée de Paris et de ses habitants. 

Deux premiers épisodes, The Lazy Burglar Part One et Part Two, posent le ton. Et s’il faut reconnaître un certain savoir-faire dans la mise en scène et l’écriture, l’ensemble laisse une impression étrange : celle d’assister à quelque chose de familier et d’étranger à la fois. Dès les premières minutes, cette version de Maigret affiche ses ambitions : moderniser un univers réputé poussiéreux, l’inscrire dans un Paris contemporain et donner à son héros une nouvelle énergie. Seulement voilà : ce Paris paraît presque trop propre. Les rues sont impeccablement pavées, les façades sans traces du passé, les commissariats lumineux et ordonnés.  L’ambiance poisseuse, l’atmosphère grise des quartiers populaires chers à Simenon ont disparu. 

 

Ce n’est plus le Paris de la blanquette de veau et du tabac froid, mais un décor policé, presque aseptisé, où rien ne dépasse. En voulant faire de Maigret un héros d’aujourd’hui, la série gomme une partie de ce qui faisait la richesse de son univers et de son vrai charme : un rapport viscéral à la ville, aux gens, à cette mélancolie douce qui collait à la peau du commissaire. Le choix de Benjamin Wainwright dans le rôle-titre ne laisse pas indifférent. L’acteur incarne un Maigret jeune, élégant, au regard froid et aux gestes mesurés. Il dégage une certaine présence, mais il semble étranger à ce que le personnage représente historiquement. Maigret, dans les romans, est massif, un peu fatigué, souvent silencieux mais toujours attentif à la douleur des autres. 

Chez Wainwright, le corps est trop lisse, le regard trop distant. Il observe, certes, mais on peine à sentir la compassion, cette humanité discrète qui rendait le commissaire si singulier. L’acteur joue un homme méthodique, presque clinique, alors que le vrai Maigret fonctionnait à l’instinct. Cette version du personnage paraît plus issue d’un magazine de mode que d’un commissariat du Quai des Orfèvres. On peut apprécier la tentative d’actualisation, mais elle déstabilise ceux qui espéraient retrouver cette figure ancrée dans le réel, à la fois bourrue et profondément humaine. Les épisodes 1 et 2 de Maigret construisent un double récit autour d’un braquage de banque et d’un meurtre plus intime. 

 

L’intrigue avance avec un rythme correct, sans excès ni lenteur. Pourtant, la mécanique de l’enquête donne parfois l’impression d’être trop huilée. Les indices apparaissent de manière presque miraculeuse — un magazine feuilleté au bon moment, une déduction surgie de nulle part — comme si le scénario refusait de s’embarrasser des détails du travail policier. On sent la volonté de garder le spectateur accroché, mais au détriment du naturel. Ce qui, dans d’autres séries, passerait inaperçu, dérange ici, car Maigret, par essence, repose sur la lenteur, la minutie, et cette manière qu’il avait de comprendre les gens avant de résoudre les crimes.

La série, écrite par Patrick Harbinson, jongle entre sérieux et ironie, surfant sur des succès comme Sherlock (qui avait dépoussiéré un autre héros policier de la littérature). Elle glisse quelques touches d’humour pour casser la raideur du genre, comme si elle cherchait à se moquer doucement des codes du polar classique. Par moments, cela fonctionne : certaines répliques allègent l’ambiance sans trahir le ton général. Mais cette oscillation constante entre introspection et légèreté empêche parfois la tension dramatique de s’installer. On passe d’une scène de crime sombre à un clin d’œil presque méta, puis à un échange sentimental, sans transition nette. Ce mélange crée une série qui veut être tout à la fois : hommage, modernisation et déconstruction. 

 

Le résultat, à mes yeux, reste hybride. Un point intéressant dans cette nouvelle version de Maigret, c’est la place donnée à Louise, l’épouse du commissaire. Interprétée par Stefanie Martini, elle n’est plus seulement l’ombre douce du foyer, mais une femme active, parfois inquiète, qui cherche à construire une famille. Leur couple est marqué par la difficulté d’avoir un enfant, une inversion notable par rapport aux romans où le deuil était central. Ce choix apporte une dimension plus contemporaine au personnage, mais là encore, il transforme profondément la nature de leur relation. On retrouve une tendresse sincère entre eux, mais pas cette complicité silencieuse et robuste qui faisait leur force dans les anciennes adaptations.

Regarder Maigret (2025), c’est parfois avoir l’impression d’assister à un drame policier britannique transposé artificiellement à Paris. La photographie, la musique, le découpage des plans, tout évoque une production anglaise. Le Paris montré ici ressemble à un décor de carte postale, avec quelques monuments emblématiques et des intérieurs d’un minimalisme presque scandinave. Il y a un vrai décalage entre ce Paris-là et celui de Simenon, grouillant de vie, d’odeurs et de contradictions. Ce contraste visuel nourrit une question qui traverse toute la série : fallait-il encore appeler cela Maigret ? Malgré tout, certains fragments rappellent ce qu’était Maigret. 

 

Une scène entre le commissaire et la mère d’un voleur tué illustre bien cela : le ton se fait sobre, la compassion affleure, et Wainwright laisse percer une émotion sincère, presque muette. Ces rares moments sauvent l’ensemble du glissement vers le pur divertissement policier. Ils rappellent que le cœur de Maigret, ce n’est pas le crime, mais la compréhension du crime — cette volonté de sonder la misère humaine sans la juger. À l’issue de ces deux premiers épisodes, je suis partagé. L’intention est claire : dépoussiérer une figure emblématique, la rendre accessible à une génération qui ne connaît pas Simenon. Mais à trop vouloir moderniser, la série perd une part de ce qui faisait l’âme de Maigret : sa lenteur, sa profondeur, son humanité ordinaire.

Je continuerai sans doute à regarder, par curiosité et par affection pour le personnage qui a accompagné de nombreux après-midi chez mes grands parents. Peut-être que la suite saura trouver le juste équilibre entre respect et renouvellement. Mais pour l’instant, cette adaptation ressemble davantage à une belle coquille — élégante, bien jouée, parfois juste — mais dont l’esprit semble s’être évaporé quelque part entre le Quai des Orfèvres et un plateau de tournage londonien.

 

Note : 4/10. En bref, pour l’instant, cette adaptation ressemble davantage à une belle coquille mais dont l’esprit semble s’être évaporé quelque part entre le Quai des Orfèvres et un plateau de tournage londonien.

Prochainement en France

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