11 Octobre 2025
J’attendais cette saison avec une vraie curiosité. Après la claque que j’avais prise avec Dahmer et l’intérêt que j’avais trouvé à la série sur les frères Menendez, j’étais prêt à plonger dans cette nouvelle plongée dans l’esprit malade d’un tueur qui a marqué l’imaginaire collectif. Monstre : L’histoire d’Ed Gein, troisième saison de l’anthologie de Ryan Murphy et Ian Brennan, promettait d’explorer l’origine d’un mythe. Celle d’un homme dont les crimes ont inspiré Psychose, Massacre à la tronçonneuse ou encore Le Silence des agneaux. Autant dire que la matière ne manquait pas.
Tueur en série. Profanateur de tombes. Psychopathe. Dans les champs gelés de la campagne du Wisconsin des années 50, un reclus amical et discret nommé Eddie Gein vit paisiblement dans une ferme en ruine, abritant une véritable maison des horreurs, si macabre qu'elle allait redéfinir le cauchemar américain. Animés par l'isolement, la psychose et une obsession dévorante pour sa mère, Gein et ses crimes pervers ont donné naissance à un nouveau type de monstre, destiné à hanter Hollywood pendant des décennies. De "Psychose" à "Massacre à la tronçonneuse" en passant par "Le Silence des agneaux", le sinistre héritage de Gein inspire ainsi la création de nombreux monstres fictifs, et suscite une fascination culturelle pour les criminels déviants. Ed Gein n'a pas seulement influencé un genre, il est devenu le prototype de l'horreur moderne.
Mais dès les premiers épisodes, quelque chose cloche. La série semble chercher un ton, une direction, et finit par se perdre dans ses propres ambitions. L’histoire d’Ed Gein est l’une des plus fascinantes du true crime américain. Ce fermier isolé du Wisconsin, obsédé par sa mère et adepte de la profanation de tombes, a nourri des décennies de fantasmes cinématographiques. Netflix avait donc toutes les cartes en main pour proposer une série glaçante, à la fois fidèle et dérangeante. Au lieu de ça, j’ai découvert une fiction hésitante, partagée entre l’envie de raconter la folie d’un homme et celle de rendre hommage à tout ce qu’il a inspiré. Le résultat, c’est une série bancale, parfois lente, souvent confuse, où la mise en scène ne sait pas toujours quoi faire de son propre sujet.
Les huit épisodes s’étirent plus qu’ils ne se développent. La construction même semble poser problème : les transitions sont abruptes, certaines séquences tombent à plat, et la tension qui devrait monter au fil du récit finit par se dissiper. J’ai eu du mal à rester captivé, même si quelques scènes réussissent encore à provoquer un malaise palpable. Je ne vais pas mentir : Charlie Hunnam porte littéralement la série sur ses épaules. Son interprétation d’Ed Gein est travaillée, parfois touchante dans sa maladresse, mais elle souffre d’un problème de fond. Le comédien, pourtant convaincant dans d’autres registres, semble ici coincé entre deux directions : jouer la monstruosité ou jouer la fragilité. Résultat, il oscille sans jamais totalement convaincre dans l’un ou l’autre.
Physiquement, il ne correspond pas vraiment à l’image que l’on se fait du tueur. Trop charismatique, trop propre peut-être pour incarner ce solitaire rongé par ses démons. Et pourtant, certaines scènes, notamment celles où il se retrouve seul face à ses hallucinations, fonctionnent. Son regard vide, ses gestes lents, traduisent une confusion mentale réelle. Mais la mise en scène ne lui rend pas toujours service. Il est parfois englouti par des séquences inutiles ou des effets de style qui parasitent la tension. La grande faiblesse de cette saison 3 de Monstre tient dans sa structure. L’idée d’alterner entre les souvenirs d’Ed Gein, ses fantasmes et les références à Hitchcock aurait pu être brillante si elle avait été maîtrisée. Au lieu de cela, tout s’emmêle.
Les passages “cinéma dans le cinéma”, avec un Hitchcock caricatural et mal maquillé, cassent totalement le rythme. Ces séquences paraissent plaquées, comme si la série voulait rappeler en permanence qu’elle parle d’une figure devenue légendaire, sans jamais parvenir à en dire quelque chose de nouveau. Les hallucinations du personnage finissent par lasser. Elles brouillent le fil narratif et diluent le malaise au lieu de le renforcer. Par moments, j’ai eu du mal à savoir si je regardais un drame psychologique, une reconstitution, ou une métaphore sur la création artistique. La série joue sur plusieurs registres sans jamais en maîtriser aucun. Le mélange de fiction et de réalité, censé refléter la confusion mentale d’Ed Gein, tourne vite à l’exercice de style.
Visuellement, Monstre : L’histoire d’Ed Gein est soignée. Mais cette beauté plastique devient un piège. L’image est trop lisse, trop contrôlée, pour rendre justice à la saleté et à la folie du sujet. Le montage, souvent haché, enlève toute tension dramatique. Les transitions entre les scènes du passé et celles du présent manquent de fluidité. Le rythme est lent, parfois pesant, au point de rendre certains épisodes interminables. J’ai eu plusieurs fois l’impression d’assister à une démonstration technique plus qu’à une véritable immersion dans un esprit dérangé. Même les passages censés être les plus choquants perdent leur impact à force de mise à distance.
C’est peut-être ce qui m’a le plus gêné : cette froideur constante, cette incapacité à provoquer une émotion, que ce soit la peur, la compassion ou la répulsion. Tout semble figé, comme observé derrière une vitre. Et quand la série tente d’humaniser son personnage, le résultat devient presque gênant. Ed Gein apparaît comme un enfant perdu plus que comme un monstre, ce qui brouille encore davantage le propos. Ryan Murphy aime provoquer. Depuis le début de Monstre, il explore la fascination du public pour les tueurs en série. Avec Dahmer, il avait trouvé un équilibre entre dénonciation et fascination. Ici, il semble avoir perdu cette boussole morale.
La série consacre trop de temps à la psychologie d’Ed Gein, à ses traumatismes, à sa relation maladive avec sa mère. Ce n’est pas en soi un problème, mais la manière dont c’est raconté frôle parfois la complaisance. Comme si Murphy cherchait à excuser plus qu’à comprendre. Les deux derniers épisodes accentuent ce sentiment, en insistant sur la solitude et la douleur du personnage jusqu’à en faire une figure presque tragique. J’ai trouvé ce choix discutable. Ed Gein n’a rien d’un héros, ni même d’un anti-héros. Le rendre humain, pourquoi pas, mais le rendre touchant, c’est une autre affaire. Cette ambiguïté finit par affaiblir le propos général. Au lieu d’interroger la monstruosité, la série semble chercher à la justifier.
Et dans ce glissement, elle perd de vue la promesse du titre : montrer le monstre, pas l’excuser. Tout n’est pas à jeter dans cette saison. Certains passages parviennent à retrouver la tension qu’on espérait. Les dialogues entre Ed et sa mère, par exemple, sont d’une étrangeté fascinante. On sent toute la dépendance maladive, la culpabilité et la peur qui l’enchaînent. La reconstitution du Midwest des années 40 est réussie, tout comme l’ambiance sonore, oppressante sans être excessive. Quelques scènes plus brutes rappellent que Murphy sait encore manier la suggestion et la symbolique. Mais ces réussites restent isolées. Elles ne suffisent pas à rattraper la sensation d’un récit éclaté.
J’aurais préféré une série plus courte, concentrée sur la folie d’Ed Gein plutôt que sur ses échos culturels. Trois ou quatre épisodes auraient probablement suffi à dire l’essentiel sans se perdre dans des détours inutiles. Ce qui frappe au fil des épisodes, c’est la volonté constante de donner du sens à tout. Comme si Monstre : L’histoire d’Ed Gein voulait à tout prix prouver qu’elle est plus qu’une série sur un tueur. À force de chercher à analyser, à décortiquer, à justifier, elle oublie de raconter. Cette intellectualisation du mal finit par rendre le tout artificiel. Le malaise devient conceptuel au lieu d’être viscéral. Le spectateur se retrouve à distance, spectateur d’une démonstration plutôt que d’un drame.
Et quand la série aborde les influences d’Ed Gein sur le cinéma d’horreur, elle le fait de manière maladroite. Les clins d’œil à Hitchcock, au lieu d’être des hommages, ressemblent à des parasites visuels. Je comprends l’idée : montrer comment un monstre réel a nourri l’imaginaire du genre. Mais l’exécution donne l’impression d’un collage sans cohérence. Après trois saisons, la formule de Monstre commence à tourner en rond. Le concept de revisiter les figures du crime américain à travers une approche psychologique était fort au départ. Mais cette saison sur Ed Gein montre les limites du format. Murphy semble fatigué de son propre concept. Il tente d’en renouveler les codes sans jamais y parvenir vraiment.
La saison manque de direction, de souffle, de nécessité. Je ressors de ces huit épisodes avec une impression étrange : celle d’avoir vu une série ambitieuse, mais incapable d’assumer son sujet. Trop intellectuelle pour être viscérale, trop froide pour être touchante. Un travail appliqué, certes, mais sans âme. Monstre : L’histoire d’Ed Gein aurait pu être un sommet du true crime sur Netflix. Le matériau de base était fort, la distribution solide, la promesse séduisante. Mais entre une narration confuse, une mise en scène glaciale et une volonté d’humaniser à tout prix son protagoniste, la série se perd. Charlie Hunnam reste la meilleure chose à retenir de cette saison, même s’il peine à sauver un ensemble qui manque de cohérence.
J’aurais aimé être bousculé, dérangé, voire choqué. À la place, j’ai surtout ressenti de la distance et un certain ennui. Cette troisième saison confirme que la franchise Monstre a du mal à se renouveler. Peut-être que l’idée de départ – explorer la monstruosité humaine – mérite d’être repensée plutôt que répétée. Ed Gein méritait une adaptation à la hauteur de son mythe. Ce qu’il obtient ici, c’est une série qui hésite entre fascination et désintérêt, comme si elle avait peur de ce qu’elle raconte. Et c’est peut-être là le vrai problème : Monstre voulait comprendre le monstre. Elle finit par le rendre banal.
Note : 3/10. En bref, Monstre : L’histoire d’Ed Gein est une saison confuse et distante, qui tente d’humaniser son tueur au point d’en oublier la terreur et la force du récit.
Disponible sur Netflix
Netflix a déjà renouvelé Monstre pour une saison 4 qui se concentrera sur l’histoire de Lizzie Borden. Cette dernière a notamment inspiré le film Lizzie (2018), The Inhabitant (2022) et Pearl (2022).
Retrouvez sur mon blog des critiques de cinéma et de séries télé du monde entier tous les jours
Voir le profil de delromainzika sur le portail Overblog