11 Octobre 2025
L’Alaska est souvent un décor propice aux mystères. L’immensité blanche, le silence pesant, la sensation d’isolement total : tout s’y prête pour faire naître des tensions aussi physiques que psychologiques comme avait pu le faire la saison 4 de True Detective (en échouant lamentablement). Dans The Last Frontier, Apple TV+ choisit d’explorer cet environnement à travers une histoire de fuite, de loyauté et de secrets d’État. Les deux premiers épisodes posent les bases d’un thriller glacial, parfois maladroit, mais qui sait maintenir une tension continue. Dès la première scène, la série installe le ton : un avion s’écrase au cœur des montagnes enneigées de l’Alaska, libérant une poignée de prisonniers particulièrement dangereux.
Le Marshal américain, Frank Remnick, travaille dans l'Alaska. Bientôt, sa juridiction est bouleversée lorsqu'un avion de transport de prisonniers s'écrase dans la nature, libérant des dizaines de détenus violents. Chargé de protéger la ville, il commence à soupçonner que le crash n'est peut-être pas un accident...
Parmi eux se cache un homme mystérieux, connu sous le nom de code Havlock. Cet incident déclenche une course contre la montre pour le marshal Frank Remnick, joué par Jason Clarke, revenu dans sa ville natale de Fairbanks après une carrière marquée par la violence et la perte. Ce point de départ a quelque chose d’immédiat : tout s’effondre d’un coup, littéralement. Le crash sert de déclencheur à une série d’événements où la frontière entre le devoir et le désespoir devient de plus en plus mince. J’ai trouvé intéressant la manière dont la série relie la catastrophe à la vie personnelle de Frank. Sa promesse de raccrocher pour ouvrir un bed and breakfast avec sa femme Sarah est vite balayée par le chaos.
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Ce contraste entre la sérénité rêvée et la brutalité du réel donne au personnage une dimension tragique, presque ironique. À ce stade, The Last Frontier ne se limite pas à un récit de chasse à l’homme. L’arrivée de Sidney Scofield, une agente de la CIA interprétée par Haley Bennett, vient complexifier la situation. Son rôle n’est pas simplement celui d’une alliée : elle incarne la part d’ombre institutionnelle, celle des secrets, des manipulations et des demi-vérités. Le duo qu’elle forme avec Frank fonctionne sur le papier – le contraste entre la rigueur fédérale et la rudesse locale – mais à l’écran, il reste encore un peu mécanique sur ces deux premiers épisodes.
Je ressens parfois une hésitation dans la direction du récit. Le face-à-face entre Frank et Sidney pourrait être un vrai moteur dramatique, mais la série semble encore tâtonner dans la manière de les faire dialoguer. Leurs échanges, souvent chargés d’enjeux politiques, peinent à trouver un ton naturel. En revanche, dès qu’ils se retrouvent confrontés à une menace immédiate – un prisonnier évadé, un piège dans la neige, une embuscade –, le rythme reprend vie. On sent que The Last Frontier est plus à l’aise dans l’action pure que dans les intrigues d’espionnage. L’un des fils narratifs les plus intrigants concerne la relation entre Sidney et Havlock. Les épisodes 1 et 2 laissent deviner une histoire commune entre eux, une blessure ancienne que la CIA préfère taire.
Dominic Cooper prête à Havlock une présence ambiguë : ni monstre, ni victime, mais quelque chose d’intermédiaire, d’instable. C’est sans doute le personnage qui retient le plus mon attention à ce stade. Le scénario sème plusieurs indices sur leur passé : des conversations interrompues, des regards évités, des sous-entendus sur une mission ancienne. Cela nourrit la curiosité sans trop en dévoiler, une bonne chose pour un début de série. On comprend que la menace d’Havlock dépasse la simple vendetta : il détient des informations capables d’ébranler la CIA elle-même. Et c’est peut-être là que The Last Frontier trouve sa véritable direction, entre thriller politique et survival nordique.
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L’un des aspects que j’apprécie le plus dans ces deux premiers épisodes, c’est la manière dont la série exploite son décor. L’Alaska n’est pas qu’un fond de carte : c’est un acteur à part entière. Le froid, la nuit, le vent – tout devient hostile. Chaque déplacement semble une épreuve. Les habitants de Fairbanks apparaissent comme des survivants avant d’être des citoyens. La mise en scène accentue cette impression : les plans larges sur les forêts enneigées, la lumière bleutée, les halos de projecteurs qui peinent à percer le brouillard. Ce choix visuel renforce l’idée que la frontière, ici, n’est pas seulement géographique. C’est la limite entre la raison et la folie, entre la civilisation et la nature brute.
C’est aussi ce cadre qui donne un certain réalisme à l’histoire. Même quand le scénario paraît tiré par les cheveux – et cela arrive –, la rudesse du décor maintient une forme de crédibilité. On croit à la peur, à la fatigue, à l’isolement. Difficile de ne pas penser à d’autres œuvres en regardant The Last Frontier. L’idée de criminels en fuite dans un environnement clos évoque des séries comme The Hunting Party sur NBC, ou même Alcatraz à l’époque de FOX. Pourtant, Apple TV+ prend ici une direction légèrement différente. Là où les networks privilégient souvent le procédural – un épisode, un criminel –, The Last Frontier choisit un fil continu. Cette structure plus linéaire change la dynamique : il ne s’agit pas seulement de capturer des fugitifs, mais de comprendre pourquoi cet accident s’est produit, et surtout, ce qu’il cache.
Ce choix scénaristique apporte de la densité, même si cela se fait au prix d’un certain déséquilibre dans le rythme. Les deux premiers épisodes passent beaucoup de temps à poser les bases, parfois au détriment de la tension immédiate. Je ne suis pas certain que ce soit un défaut : tout dépendra de la façon dont la série fera évoluer ses arcs secondaires. Si la dimension politique et psychologique prend de l’ampleur, ce départ mesuré pourrait bien porter ses fruits. Là où The Last Frontier m’a un peu perdu, c’est dans certains dialogues. Les répliques cherchent parfois à être percutantes, mais tombent à plat. Quelques échanges sonnent artificiels, comme si les personnages récitaient un manuel du parfait héros américain. Cela casse un peu l’immersion.
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Même chose pour certaines situations, difficiles à avaler sans lever un sourcil : l’hôpital qui ne détecte pas une blessure factice, les autorités locales qui semblent à court de procédures élémentaires, ou encore la facilité avec laquelle certains évadés échappent à la surveillance. Ce sont des détails, mais ils rappellent qu’un scénario solide repose autant sur la cohérence que sur le suspense. Malgré ces accrocs, l’ensemble reste regardable, principalement grâce à la mise en scène dynamique et au montage efficace. Chaque séquence d’action est lisible, bien rythmée, sans excès visuel. On sent la patte d’un réalisateur habitué aux films de cascades, ce qui donne une énergie brute à plusieurs moments-clés.
Jason Clarke incarne Frank avec sobriété. Il évite les excès mélodramatiques pour rester crédible dans la peau d’un homme usé, tiraillé entre son sens du devoir et sa famille. J’aime ce côté terre-à-terre, presque fatigué, qui contraste avec le chaos environnant. Frank n’a rien du héros invincible : il doute, il trébuche, il perd patience. Cette vulnérabilité le rend plus humain. Sa relation avec sa femme Sarah (Simone Kessell) n’est qu’effleurée dans ces deux premiers épisodes, mais elle laisse présager un conflit à venir. Le simple fait que Sarah soit infirmière la place au cœur de la tourmente, entre compassion et survie.
Je trouve ce choix intéressant : il évite le cliché de la compagne passive et permet d’élargir le regard sur la communauté de Fairbanks. Après deux épisodes, The Last Frontier donne l’impression d’une série encore en recherche d’elle-même. Elle alterne entre thriller d’action et drame d’espionnage, entre chasse en milieu hostile et complot gouvernemental. Cette dualité crée parfois un déséquilibre, mais elle a aussi le mérite de ne pas enfermer la série dans un genre unique. L’intrigue avance par petites touches, et même si certaines révélations se devinent à l’avance, la tension reste palpable. L’enjeu ne réside pas seulement dans la capture des fugitifs, mais dans la découverte de ce que cache réellement le crash : un secret d’État, une trahison, peut-être les deux.
En sortant de ces deux premiers épisodes, j’ai l’impression d’avoir vu les fondations d’une série qui pourrait évoluer dans deux directions : soit vers un divertissement efficace centré sur la traque et l’action, soit vers une réflexion plus profonde sur la loyauté et la manipulation. Pour l’instant, The Last Frontier se tient entre les deux, oscillant entre tension et exposition. Ce n’est pas une série révolutionnaire, mais elle pose suffisamment d’éléments pour donner envie de poursuivre. L’Alaska y joue son rôle de miroir brutal des âmes humaines : un territoire où rien n’est simple, où la survie ne dépend pas que du climat, mais des secrets que chacun porte.
Note : 6/10. En bref, The Last Frontier se tient entre tension et exposition. Ce n’est pas une série révolutionnaire, mais elle pose suffisamment d’éléments pour donner envie de poursuivre.
Disponible sur Apple TV+
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