Critique Ciné : Kill Me Again (2025, direct to SVOD)

Critique Ciné : Kill Me Again (2025, direct to SVOD)

Kill Me Again // De Keith Jardine. Avec Brendan Fehr, Majandra Delfino et Raoul Max Trujillo.

 

Le cinéma adore jouer avec le temps. Des boucles, des répétitions, des recommencements infinis : c’est un ressort narratif efficace quand il est bien maîtrisé. Mais encore faut-il savoir quoi en faire. Avec Kill Me Again, le réalisateur Keith Jardine, connu jusque-là pour ses courts-métrages et surtout pour son passé de combattant UFC (!), signe son premier long métrage, un thriller néo-noir enfermé dans une boucle temporelle. L’idée est accrocheuse : et si, cette fois, le héros n’était pas une victime cherchant à briser le cycle, mais un tueur obligé de revivre ses propres crimes ? 

 

Charlie, un tueur en série notoire surnommé l'Étrangleur de Minuit, se retrouve piégé, revivant sans cesse la même nuit violente. D'abord en phase avec ses pulsions macabres, Charlie devient rapidement désespéré de vouloir échapper à ce cauchemar sans fin.

 

Sur le papier, le concept intrigue. Dans les faits, le résultat laisse une impression mitigée, entre audace narrative et exécution laborieuse. Le film s’ouvre sur Charlie (Brendan Fehr), un homme à l’allure fatiguée, visiblement en fuite. Il entre dans un diner éclairé par des néons rouges et bleus, comme sorti tout droit d’un rêve fiévreux. Anna (Majandra Delfino), la serveuse, l’accueille avec méfiance. Leur échange est maladroit, presque inquiétant. Puis, sans prévenir, la scène dérape : Charlie enlève Anna, la tue, et… revient soudain au moment où il est entré dans le restaurant. Le décor, les dialogues, les personnages : tout recommence. Sauf lui. Charlie sait qu’il a déjà vécu cette nuit. 

 

Et très vite, il recommence à tuer — les clients, le cuisinier, la serveuse — jusqu’à se retrouver à nouveau au début du cauchemar. Le film joue alors avec cette structure en boucle infernale, posant la question qui soutient toute l’intrigue : que doit-il faire pour sortir de ce cycle ? Tuer différemment ? Ne pas tuer du tout ? Cette inversion du schéma classique — un tueur plutôt qu’une victime pris au piège du temps — donne à Kill Me Again un angle intéressant. L’idée de forcer un meurtrier à revivre sans cesse ses propres crimes possède une dimension presque morale, voire ironique. Malheureusement, Jardine ne pousse pas cette réflexion assez loin. Le film semble plus fasciné par la mécanique de la boucle que par ce qu’elle raconte.

 

La première demi-heure fonctionne plutôt bien. Le décor est soigné, le rythme est tendu, et le mystère s’installe sans trop en dire. Le spectateur est happé par cette atmosphère de nuit éternelle, où le temps ne s’écoule plus et où la réalité semble se fissurer. Mais rapidement, la boucle s’enraye. Le film finit par tourner à vide, répétant les mêmes séquences sans leur donner de sens nouveau. La tension s’effrite au fur et à mesure que le scénario se répète, sans apporter de réelle variation. On comprend vite la mécanique, et l’attente du “grand twist” s’étire… un peu trop. Avec ses 1h48 au compteur, Kill Me Again aurait gagné à être plus resserré. 

 

Vingt minutes de moins auraient sans doute renforcé l’efficacité du récit, surtout dans un film où la répétition fait partie du dispositif. Au lieu de ça, la seconde moitié s’enlise dans une succession de scènes où l’ennui finit par remplacer le suspense. L’un des grands paris — et peut-être la plus grosse erreur — de Kill Me Again, c’est d’avoir choisi de placer un tueur au centre de l’histoire. Charlie n’est pas un antihéros a la Dexter, ni un monstre tragique comme dans Joker. C’est un homme violent, dangereux, et le film ne lui accorde jamais de réelle humanité. Du coup, impossible de s’attacher à lui, encore moins de vouloir qu’il “s’en sorte”. Le scénario tente d’esquisser une forme de rédemption, comme si revivre ses meurtres pouvait éveiller une conscience. 

 

Mais ce fil narratif reste trop flou. On devine une volonté de faire évoluer le personnage, de montrer un tueur face à sa propre culpabilité, mais rien n’est vraiment assumé. Sans empathie, la boucle devient une mécanique froide. C’est là que le film échoue à créer de l’émotion : sans protagoniste à soutenir, il ne reste qu’un jeu de structure. Un concept intéressant mais vidé de sens. S’il y a un vrai plaisir à trouver dans Kill Me Again, il se situe du côté de la mise en scène et de la photo. Le directeur de la photographie Juergen Heinemann habille le film d’une lumière néon bleutée, digne d’un vieux polar américain des années 90. Le décor unique du diner devient presque un personnage à part entière : chaque recoin, chaque reflet sur le comptoir, renforce l’ambiance oppressante et étrange du lieu.

 

Cette approche visuelle fonctionne d’autant mieux que le film assume pleinement son identité de néo-noir, entre ombres épaisses, pluie artificielle et fumée de cigarette. C’est stylisé sans être prétentieux, et c’est ce qui donne à Kill Me Again sa personnalité. Brendan Fehr, qu’on a connu dans la série Roswell, s’en sort honorablement dans ce rôle difficile. Il réussit à rendre son personnage à la fois inquiétant et pathétique, même si certaines de ses scènes manquent de nuance. Il a le physique du “gars normal” capable d’exploser à tout moment, et c’est ce qui rend ses accès de violence crédibles.

 

Face à lui, Majandra Delfino apporte de la chaleur et de la justesse à Anna, la serveuse piégée malgré elle dans le cauchemar de Charlie. Elle traverse plusieurs émotions — la méfiance, la peur, la compassion — avec naturel, et parvient à insuffler un peu d’humanité à un film qui en manque. Le reste du casting, plus anecdotique, remplit sa fonction : des silhouettes de nuit, des visages croisés et recroisés dans la boucle, comme des fantômes de la conscience du tueur. Le principal problème de Kill Me Again, c’est qu’il n’exploite pas son propre potentiel. Tout ce qui aurait pu en faire un thriller marquant — la culpabilité, le châtiment, la répétition comme enfer — reste à l’état d’idée. À la place, Jardine semble s’amuser avec la structure sans vraiment la nourrir.

 

Résultat : un film qui démarre fort, visuellement maîtrisé, mais qui s’étire et finit par perdre sa force. Même la révélation finale, censée expliquer la boucle, tombe un peu à plat, noyée dans un pseudo-symbolisme de science-fiction sans vraie émotion. Kill Me Again n’est ni un ratage total ni une réussite. C’est un thriller ambitieux mais inabouti, qui aurait mérité plus de rigueur dans son écriture et plus de cœur dans sa direction. Keith Jardine prouve qu’il sait installer une ambiance et filmer la tension, mais il lui manque encore la maturité d’un conteur capable de transformer une idée forte en film marquant.

 

Reste une proposition curieuse, un film à concept visuellement réussi, mais émotionnellement vide. Et dans un genre déjà saturé de boucles temporelles, ça finit par ressembler à ce que le titre promet : un film qu’on n’a pas forcément envie de revivre.

 

Note : 5/10. En bref, un thriller ambitieux mais inabouti, qui aurait mérité plus de rigueur dans son écriture et plus de cœur dans sa direction. 

Prochainement en France

 

Retour à l'accueil

Partager cet article

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
À propos
delromainzika

Retrouvez sur mon blog des critiques de cinéma et de séries télé du monde entier tous les jours
Voir le profil de delromainzika sur le portail Overblog

Commenter cet article