4 Novembre 2025
La première saison d’Anatomie du chaos (Kaosun anatomisi en VO, The Graft à l’international) commence comme un coup de poing. Dès le premier épisode, le décor est planté : hôpital, sirènes, sang sur les mains d’Ozan et dans ses yeux. Tout est immédiat, tendu, et on sent que le personnage va basculer. Son monde bascule avec la mort de sa sœur, Deren, et la série ne fait pas semblant de montrer ce que ça provoque. Istanbul devient un organisme à part entière, oppressant et vivant, où chaque ruelle, chaque néon, chaque bruit de moteur semble peser sur les épaules des personnages. Au début, tout est logique, organique. Ozan est confronté à l’injustice et à la corruption, il est encore humain, même dans le chaos.
Sa rencontre avec Kenan, le chef mafieux, fonctionne comme une greffe : deux univers opposés qui se touchent, se contaminent, et qui font émerger quelque chose de fragile mais crédible. La tension morale est palpable, le rythme serré, et l’écriture ne tombe pas dans le spectaculaire gratuit. Les premiers épisodes sont denses sans être lourds. Chaque choix d’Ozan a du poids, chaque interaction est chargée de sens. Mais à partir de l’épisode 4, tout commence à se déliter. La série semble soudain se presser, comme si les scénaristes avaient oublié comment tenir la tension. Les intrigues secondaires prennent le dessus, mais elles ne servent plus le récit.
Les trahisons se multiplient, les rebondissements s’enchaînent, et les personnages deviennent des fonctions du scénario plutôt que des êtres. Ce qui fonctionnait avant, la nuance, la lenteur, la psychologie, disparaît derrière un chaos scénaristique qui paraît forcé. Ozan continue d’évoluer, mais son chemin n’a plus la même logique, Kenan perd sa profondeur, et même les moments de violence, qui étaient efficaces et lourds de sens, deviennent des effets de remplissage. Le contraste est frappant : la première moitié est tendue, cohérente, presque chirurgicale dans la façon dont elle construit les liens et les tensions.
La seconde moitié devient confuse, trop rapide, et les décisions des personnages perdent leur crédibilité. Certaines scènes d’action semblent inventées pour maintenir le rythme plutôt que pour faire avancer l’histoire. La série perd son fil conducteur, et ce qui aurait dû être une montée psychologique se transforme en accumulation de séquences qui frappent fort mais sans impact réel. Pour autant, la saison n’est pas mauvaise. Les acteurs tiennent encore leur rôle, Aytaç Şaşmaz continue de transmettre la fatigue et la colère d’Ozan, et Erol Babaoglu reste charismatique dans son rôle de chef mafieux.
Mais l’alchimie qui rendait les épisodes initiaux captivants est moins présente, la mécanique narrative devient visible, et on sent que l’histoire essaie de rattraper le temps perdu. Les flashbacks sur Deren, qui étaient jusqu’ici un moteur puissant de la série, perdent de leur force, car la narration ne leur donne plus assez de place. Le dernier épisode conclut l’intrigue, mais avec un sentiment d’inachevé. Les enjeux sont résolus, les alliances se défont, et Ozan part dans un exil temporaire, laissant la porte ouverte à une suite. Mais le parcours pour y arriver a perdu sa tension. Le chaos, qui était au début presque organique, devient artificiel. Il reste spectaculaire, mais il ne frappe plus autant émotionnellement.
En résumé, la saison tient debout, mais seulement partiellement. La première moitié fonctionne comme un thriller humain et crédible, avec des choix de personnages qui font sens et un Istanbul presque vivant. La seconde moitié s’effrite, avec des séquences qui cherchent l’effet plutôt que le sens et des personnages qui deviennent fonctionnels. C’est frustrant, parce que la série montre dès le début ce qu’elle pourrait être si elle maintenait sa rigueur. Pour quelqu’un qui regarde, la première moitié suffit à se convaincre que la série vaut le coup, mais le reste rappelle que même les bonnes idées peuvent se perdre si la cohérence n’est pas tenue.
Cette saison est donc un mélange : intense, viscérale et réfléchie au départ, puis précipitée, confuse et moins impactante à la fin. C’est à la fois prometteur et décevant. Anatomie du chaos reste une expérience à vivre pour sa première partie, pour ses personnages, pour la façon dont elle installe un monde où la morale et le chaos s’entremêlent. Mais il faut garder en tête que la suite devient plus mécanique, et que la promesse d’une dissection fine du chaos urbain n’est tenue qu’en partie. La saison se termine avec un goût de potentiel non pleinement exploité.
Note : 5/10. En bref, cette saison est donc un mélange : intense, viscérale et réfléchie au départ, puis précipitée, confuse et moins impactante à la fin. C’est à la fois prometteur et décevant.
Disponible sur HBO max
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