4 Novembre 2025
La Tournée // De Florian Hessique. Avec Patrick Chesnais, Florian Hessique et Richard Berry.
Il y a des films qui surprennent, d’autres qui déçoivent, et puis il y a La Tournée, qui parvient à faire quelque chose de plus rare : donner l’impression d’avoir été écrit, tourné et monté dans l’urgence d’un contrôle fiscal. Sur le papier, le projet avait tout pour attirer ma curiosité : Patrick Chesnais, Thierry Lhermitte, Martin Lamotte, un pitch sur les coulisses du cinéma français, une tournée de province façon road-movie satirique… et puis la réalité du film est arrivée, comme un seau d’eau froide, mais sans même avoir la décence d’être rafraîchissante. Je pensais voir une comédie qui se moque avec un peu de finesse du milieu du cinéma.
Acculé par les dettes après une longue traversée du désert, l'acteur Marius de Villeduc se voit contraint d'accepter le rôle principal du nouveau film de Richard Favard, un acteur-réalisateur prometteur mais dont il ne connait rien. Seulement, pour toucher l'intégralité de son cachet une obligation : participer à la tournée d'avant-premières ! Aux côtés de Richard, Colette et Lulu, Marius se lance alors bien malgré lui sur les routes de France dans un road-movie chaotique et haut en couleur.
J’ai en réalité assisté à un téléfilm qui se pense corrosif mais qui n’a même pas le mordant d’un pastille humoristique de fin de JT. Si le film avait eu pour projet de prouver que le cinéma français peut se saboter tout seul, alors bravo : mission accomplie. Je ne vais pas faire semblant : voir Chesnais, Lhermitte et Lamotte réunis, ça avait un petit goût de retrouvailles d’anciens élèves qui ont quand même un CV. Mais très vite, une évidence frappe : même avec des comédiens solides, il est difficile de sauver un film quand le scénario se contente de les utiliser comme décoration vivante. J’ai fini par ressentir une forme de compassion : l’air de dire “Oui, je joue ça, mais je n’y peux rien, j’ai signé”.
Ils font ce qu’ils peuvent, oui. Mais quand les dialogues donnent l’impression d’avoir été écrits entre deux pauses café, difficile de défendre quoi que ce soit. Il ne s’agit même pas de répliques plates, mais de phrases qui semblent avoir été sélectionnées au hasard dans un manuel de conversation pour stagiaires du Pôle Culture. Même les personnages qui auraient pu être drôles sont réduits à des caricatures : l’acteur raté, l’attachée de presse stressée, le réalisateur en crise existentielle. Tout sonne faux, comme si le film essayait de singer le réel sans jamais l’avoir observé. J’aimerais dire que visuellement, ça passe, mais ce serait mentir, et ce film n’a pas fait assez d’efforts pour mériter un mensonge poli.
La photo est si plate que même les téléfilms de 15h sur TF1 ont l’air luxueux en comparaison. Lumière agressive, plans fixes sans idée, transitions qui semblent montées sous Windows Movie Maker : tout respire l’économie, mais pas l’économie intelligente, plutôt l’économie “on a plus de budget, fais ce que tu peux”. Je comprends maintenant pourquoi certains critiques ont parlé d’un film “filmé comme un sitcom”. C’est charitable. Une vieille sitcom, alors. Pas celui qu’on revoit avec nostalgie, celui qu’on zapait déjà à l’époque. Puisqu’il s’agit d’un film censé critiquer l’industrie, on pouvait espérer un minimum de mordant, du vrai vitriol, une observation fine des égos, du fric, des faux succès.
À la place, j’ai eu des dialogues qui tournent en rond et un scénario qui semble avoir oublié de choisir un point de vue. Satire ? Hommage ? Thérapie filmée ? On ne saura jamais. Au lieu d’être subversif, le film se révèle étrangement réactionnaire, avec une vision du cinéma figée dans le formol. On dirait un projet qui veut se rebeller contre le système alors qu’il en épouse toutes les faiblesses : les clichés, les raccourcis, et surtout cette incapacité à dire quelque chose d’intéressant. Le concept de suivre une équipe pendant une tournée promo aurait pu donner lieu à des situations absurdes, des tensions savoureuses, une plongée amusée dans la réalité des avant-premières. Sauf que rien ne fonctionne.
Les villes changent mais l’ennui reste constant, les scènes se répètent, les enjeux s’évaporent, et le film finit par ressembler à ce qu’il dénonce : un produit laborieux qu’on tente désespérément de rendre vivant. Et je n’exagère même pas : pendant le visionnage, j’ai plusieurs fois eu ce moment dangereux où mon cerveau m’a murmuré “Et si tu regardais l’heure ?”. Mauvais signe. Très mauvais signe. Quand un film t’incite à vérifier l’heure plus qu’à suivre les personnages, c’est qu’il est déjà perdu. J’ai essayé d’y croire. J’ai attendu un moment drôle, un vrai, pas une tentative de blague déposée comme une patte de mouche sans confiance. Rien. Pas une scène qui fonctionne réellement. Pas un retournement qui surprend. Pas une idée qui rattrape l’ensemble.
Même les quelques réflexions intéressantes sur le cinéma indépendant, sur la vanité des acteurs, sur l’écart entre ambition artistique et marché… tout ça aurait pu nourrir un bon film. Ici, ce sont juste des miettes égarées sur une table déjà vide. On devine ce que ça aurait pu être, et c’est là que la frustration s’installe. La Tournée n’est ni le fiasco joyeux qui devient culte malgré lui, ni la satire brillante qu’il aurait pu être. C’est un film mou, désaccordé, victime d’un scénario sans nerf, d’une mise en scène sans inspiration et d’un humour qui ne sait jamais s'il existe. Il ne choque pas, il ne dérange pas, il n’émeut pas : il passe. Comme un courant d’air tiède.
Le plus ironique ? Le film raconte l’histoire d’un long-métrage qui finit par avoir du succès malgré les obstacles. Dans la réalité, il a terminé sa route avec 18 000 entrées. La fiction espérait la réussite, le réel a préféré l’honnêteté.
Note : 0/10. En bref, un film sur le cinéma qui n’a rien à dire sur le cinéma, une comédie qui ne fait pas rire, un road-movie qui ne va nulle part. Il y a des tournées triomphales, des tournées ratées… et puis il y a La Tournée.
Sorti le 18 juin 2025 au cinéma - Disponible en VOD
Retrouvez sur mon blog des critiques de cinéma et de séries télé du monde entier tous les jours
Voir le profil de delromainzika sur le portail Overblog