Murder Before Evensong (Saison 1, 6 épisodes) : un cosy crime entre tradition, faux calme villageois et tensions bien humaines

Murder Before Evensong (Saison 1, 6 épisodes) : un cosy crime entre tradition, faux calme villageois et tensions bien humaines

Les séries policières se déroulant dans un village anglais semblent inépuisables, mais Murder Before Evensong arrive avec une identité qui mérite qu’on s’y attarde. La saison 1 compte six épisodes, adaptés du roman de Richard Coles, et propose un mélange de mystère, d’humour sec et de drame moral, porté par un personnage central qui se retrouve à jongler entre sa vocation religieuse et des affaires de meurtres particulièrement embarrassantes pour un homme censé incarner le calme et la compassion. L’ensemble ne révolutionne pas le genre, mais construit suffisamment de singularité pour donner envie de suivre Canon Daniel Clement jusqu’au bout de l’enquête.

 

L’histoire se déroule à Champton, un village fictif qui semble figé entre plusieurs époques. Bien que l’intrigue soit située en 1988, le décor, les attitudes et même les costumes donnent souvent l’impression de remonter plusieurs décennies en arrière. Ce décalage fait partie de l’identité de la série : la vie rurale y conserve un rythme lent, où chaque commérage devient affaire publique, mais les questions sociales de la fin des années 80 frappent à la porte du presbytère sans prévenir. Pop culture, politique, sida, rapport à l’Église… tout finit par s’incruster dans les discussions autour d’un thé ou d’une réunion paroissiale qui dégénère.

 

C’est dans ce cadre que surgit le premier crime, découvert par Daniel Clement dans sa propre église. Un événement qui déstabilise non seulement le prêtre, mais aussi l’équilibre social du village, où chacun semble cacher quelque chose. Chaque épisode ajoute une nouvelle piste, un nouveau secret ou un détail qui relance l’enquête. Rien de révolutionnaire dans la construction, mais l’efficacité de la mécanique fonctionne : chaque personnage peut être coupable, chacun a une bonne raison de mentir, et il devient impossible de savoir si les gens se protègent entre eux ou s’épièrent comme dans un gigantesque Cluedo à ciel ouvert.

 

Matthew Lewis incarne Daniel Clement avec une retenue qui colle parfaitement à ce qu’exige le rôle. Pas de prêtre excentrique, pas de héros génial instantané, mais un homme qui tente de faire ce qu’il pense être juste, même si personne ne l’aide vraiment à y voir clair. Sa sensibilité et sa capacité à écouter sont ses meilleures armes, mais elles deviennent aussi un poids dans un village où l’hypocrisie circule aussi librement que les louanges religieuses. Sa relation avec sa mère Audrey, qui partage sa maison et intervient dans sa vie sans jamais demander la permission, donne une dynamique attachante mais jamais caricaturale. 

 

Les dialogues entre eux deux sont souvent les scènes les plus vivantes de la série, parce qu’ils oscillent entre affection étouffante, désaccord frontal et tendresse retenue. Cette relation mère-fils ajoute une dimension supplémentaire au personnage : Daniel n’est pas seulement pris entre foi et enquête, il est aussi coincé entre devoir filial et désir d’indépendance. Et lorsqu’il se retrouve confronté à un tueur, ses dilemmes moraux prennent un poids bien plus concret. Le duo formé par Daniel Clement et DS Neil Vanloo ne repose pas sur un schéma « policier expérimenté / amateur génial ». Vanloo est un enquêteur un peu maladroit, souvent dépassé, et Daniel n’a pas la prétention de s’improviser détective. 

 

Pourtant, leur association se forme de manière naturelle : le prêtre possède une légitimité sociale que le policier n’a pas, et les habitants se confient plus facilement à lui. Cette complémentarité crée des scènes à la fois ironiques et révélatrices, où l’on perçoit que chacun d’eux avance en terrain glissant. Leur duo a encore besoin de temps pour devenir réellement marquant, mais les bases sont là pour une dynamique qui pourrait évoluer si la série obtient une seconde saison. Rien n’est surjoué, rien n’est totalement inspiré, mais le potentiel existe. Impossible de parler de Murder Before Evensong sans évoquer les habitants de Champton, qui donnent à la série son identité. 

 

Entre Stella, commerçante intrusive obsédée par chaque réunion de paroisse, le propriétaire aristocrate Bernard de Floures et les paroissiens qui transforment la moindre décision collective en conflit public, il y a toujours matière à drame, même sans meurtre. Les dialogues s’attachent à montrer que le décor rural n’a rien de calme lorsqu’il s’agit de défendre ses privilèges ou ses certitudes. La série essaie parfois de jongler avec trop de personnages, ce qui peut rendre l’ensemble légèrement dispersé, surtout dans les deux premiers épisodes. Les intrigues parallèles sont intéressantes, mais l’enchaînement n’est pas toujours fluide, ce qui donne une impression d’installation lente avant que l’ensemble prenne réellement forme. 

 

À partir du troisième épisode, la tension narrative s’affirme davantage, et c’est à ce moment-là que la saison trouve enfin son rythme. Même si la série s’inscrit dans la tradition du cosy crime, elle ne se limite pas à un simple divertissement policier avec meurtre à l’heure du thé. Le traitement des enjeux sociaux, notamment la crise du sida et le rapport de l’Église à la compassion, donne un fond plus sérieux que ce que l’esthétique laisse imaginer. Daniel Clement se retrouve face à son rôle de pasteur au sens le plus large : accompagner, défendre, écouter, mais aussi affronter l’intolérance qui se cache derrière la bienséance villageoise.

 

Là où d’autres séries du même genre ne creusent que la mécanique du crime, celle-ci explore aussi les conséquences morales du meurtre au sein d’une communauté qui se croit protégée du monde extérieur. Le village n’est jamais décrit comme un havre idyllique, mais comme un lieu où chaque décision peut être un risque de rupture. Impossible de dévoiler le dénouement, mais la dernière partie de la saison offre une résolution cohérente, avec un twist qui fonctionne sans chercher à choquer gratuitement. Le scénario ne cherche pas l’exploit narratif, mais il garde suffisamment d’incertitude pour maintenir l’intérêt jusqu’au bout.

 

Plus intéressant encore que l’identité du coupable, c’est l’évolution de Daniel qui marque la fin de saison. Le prêtre ressort changé, non pas par sensationnalisme, mais par l’expérience de la violence, du mensonge et de la responsabilité morale de connaître la vérité. Murder Before Evensong ne cherche pas à dépasser les références du cosy crime, mais apporte une touche différente grâce à ses enjeux humains, ses relations nuancées et son mélange entre tradition et malaise social. La série demande un peu de patience avant de révéler son vrai ton, mais la montée en qualité au fil des épisodes justifie clairement d’aller jusqu’au final.

 

La saison 1 pose des bases solides, sans prétendre à l’exception, mais avec une cohérence qui donne envie de voir ce que les prochains romans adaptés pourraient offrir. Tout dépendra de la manière dont la série développera son duo principal, et surtout de la place accordée au dilemme moral plutôt qu’au simple jeu de suspects.

 

Note : 5/10. En bref, Murder Before Evensong ne cherche pas à dépasser les références du cosy crime, mais apporte une touche différente grâce à ses enjeux humains, ses relations nuancées et son mélange entre tradition et malaise social. 

Prochainement en France

Disponible sur Acorn TV, accessible via un VPN

 

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